Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Commençons par tirer notre coup de chapeau, évidemment, pour cette pièce magistrale et cette mise en scène iconoclaste d‘un classique de Labiche qui revisite le genre pour le rendre plus moderne et contemporain tout en conservant le charme de l’époque.

L’histoire elle ne change pas : Fadinard, jeune parisien volage, est sur le point de se marier mais voilà que son cheval a mangé le chapeau de paille d’une certaine Mme Beauperthuis qui batifolait avec un militaire au bois de Vincennes : elle exige réparation pour que son cocu de mari ne découvre pas le pot aux roses. Fadinard se met en quête de cette impossible trouvaille tout en tenant à distance sa belle-famille, montée de Province spécialement pour la noce. Parti dans une chasse au chapeau, il entraîne bien malgré lui sa promise et tous les invités de la noce dans des aventures rocambolesques où les péripéties s’enchaînent.
Complètement absurde, la pièce utilise tous les codes du vaudeville : un rythme effréné, un dynamisme de tous les instants, des quiproquos et rebondissements qui s’enchaînent, des changements et ruptures qui se font au millimètre et un comique de situation toujours présent. Son originalité tient dans les passages chantés et chorégraphiés qui dépoussièrent le genre et donne une touche opérette à l’ensemble.
Dans un décor classique des années 1930, qui commence dans un appartement bourgeois mais sobre, et qui se dépouille au fur et à mesure des tableaux, l’électro pop du groupe Feu Chatterton jouée en live apporte une singularité nouvelle qui rythme et dynamise la pièce, lui donnant une couleur contemporaine et une respiration dans le rythme endiablé de la mise en scène.
Une dualité d’époque entre costumes et musique qui colle parfaitement à l’ambivalence du personnage principal : doux et mielleux, il peut se révéler cassant et taciturne. Petit favorisé il se moque de sa belle-famille provinciale et, en passe de se marier, il ne peut toutefois s’empêcher de séduire et conquérir.
Dans cette course-poursuite dont on ne sait plus qui poursuit qui ou le but recherché par chaque personnage, chacun perd son sens des réalités. Tout ça à la base pour un chapeau.
Et Fadinard dont la fuite est avant tout une fuite en avant, une fuite de lui-même, court après de nombreux objectifs contradictoires qui symbolisent plutôt une course vers sa perte avec une énergie qui décline vers la fin de la pièce après tant de folie et de frénésie.
Dans cette farce, la mise en scène se veut énergique et dynamique, sans temps mort avec beaucoup de ruptures de rythme, de nuances et de variété dans le jeu des comédiens et un espace utilisé à la perfection pour donner du mouvement et de la liberté au jeu d’acteurs.
Dans cette troupe d’une vingtaine d’acteurs, tous sont au diapason d’une performance physique, puissante mais aussi esthétique avec une maîtrise du rythme et du tempo et des passages dansés comme chorégraphiés précis. Saluons naturellement Vincent Dedienne dans le rôle-titre qui apporte une virtuosité à ce Fadinard aux multiples masques sociaux et qui donne ,fraîcheur et talent, à son incarnation.
Ceux qui n’aiment pas le genre en seront quitte pour manger… leur chapeau !

Un chapeau de paille en Italie

Écrit par  : Eugène Labiche
Mise en scène : Alain Françon
Musiques : Feu! Chatterton
Avec Vincent Dedienne, Anne Benoit, Eric Berger, Emmanuelle Bougerol, Rodolphe Congé, Laurence Côte, Suzanne De Baecque, Luc-Antoine Diquéro, Noémie Develay-Ressiguier, Antoine Heuillet, Tommy Luminet, Marie Rémond, Alexandre Ruby
Et les apprenti.e.s du Studio - ESCA : Balthazar Gouzou, Victor Lalmanach, Noémie Moncel, Léa Constance Piette, Fiona Stellino, Baptiste Znamenak.
Musiciens : Alexandre Bourit, Alexandre Delmas, Lola Warin

Décors : Jacques Gabel
Lumières :  Joël Hourbeigt
Costumes : Marie La Rocca
Perruques et maquillages :  Cécile Kretschmar
Assistante à la mise en scène : Franziska Baur
Coach de mouvement : Emma Kate Nelson
Cheffe de chant : Sylvie Deguy
Son : Yoann Blanchard
Régie générale : Benjamin Bertrand

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au dimanche 31 décembre 2023 - Du mercredi au vendredi 20h30. Samedi 16h et 20h30. Dimanche 16h.  -  Théâtre de la Porte Saint-Martin ( 18 Boulevard Saint-Martin 75010) -  Paris Métro Strasbourg St-Denis - 01 42 08 00 32