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« Il n’y a pas de Ajar » de Delphine Horvilleur : questions d’identité

  • Écrit par : Serge Bressan

ajarPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Une scène plongée dans le noir. On devine des poteaux gris alu.

On entend une voix, celle du « rejeton d’une fiction très réelle ». On croit comprendre qu’il s’appelle Abraham Ajar, oui le fils d’Emile Ajar, lui-même double de fiction de Romain Gary (1914- 1980), romancier de grand talent, filou de génie, maître de la supercherie et double prix Goncourt (« Les Racines du ciel » signé de son nom et « La Vie devant soi » de l’écrivain fictif Emile Ajar qu’il a inventé). La voix parle, pourrait-on croire, du fond d’une cave noire. Puis un jeune homme apparait sur scène. « Le rejeton d’une fiction très réelle »… Pendant une heure et quinze minutes, seule en scène, la formidable Johanna Nizard déroule un long monologue, c’est « Il n’y a pas de Ajar », une adaptation théâtrale du livre paru en septembre 2022, signé Delphine Horvilleur, écrivaine et rabbine et sous-titré « Monologue contre l’identité ».

Dans une note d’intention, Delphine Horvilleur précise : « (…) il m’est soudain apparu qu’un homme détenait une clé pour nous faire penser. Cet homme s’appelle Ajar, à moins que cela ne soit pas son nom et qu’il n’ait jamais existé. Il est l’homme qui n’est jamais « que » ce qu’il dit qu’il est »… Dans cette « cave qui sent le livre moisi », les mots cognent et claquent. Gary, Ajar, prétextes… Supercherie, usurpation d’identité, filouterie… Malgré le noir, là dans cette cave, une fine lumière. Pour mieux éclairer la « connerie » ambiante, les faiseurs de toutes couleurs, de toutes races, de toutes religions… Et cette obsession, chez les Juifs qui évoquent Dieu, à ne pas dire son nom, seulement « vous savez qui » et qui raillent « ceux qui sont hyperconnectés à la volonté de Dieu, comme s’ils faisaient partie de sa garde rapprochée ». Abraham Ajar parle de son « trou juif », cette cave obscure- il déroule de nombreuses thématiques : l’identité bien sûr, mais aussi Abraham, le père de tous les croyants et son histoire folle, la circoncision (avec pour conséquence pour le Juif d’être « un être incomplet »), le sang impur de « La Marseillaise » qui abreuve nos sillons (« sion », dit aussi le personnage sur scène) ou encore l’hébreu, cette langue qui ne conjugue pas le verbe être au présent…
Le texte d’« Il n’y a pas de Ajar » souffre, à quelques moments, de prétention et de suffisance. Dommage, mais sur scène, Fregoli dans l’art de jouer, la comédienne Johanna Nizard qui signe également avec Arnaud Aldigé une mise en scène intéressante, est étincelante. Virevoltante, émouvante, avec de beaux moments de dinguerie qui poussent loin la réflexion sur l’identité. Et cette voix, encore et encore, qui nous convainc, comme l’é écrit Delphine Horvilleur, qu’on n’est pas « que nous »… Ne reste plus qu’à découvrir, qu’à mettre à jour le mystère…

« Il n’y a pas de Ajar » de Delphine Horvilleur
Mise en scène : Johanna Nizard et Arnaud Aldigé (collaboration artistique : Frédéric Arp)
Avec Johanna Nizard
Costumes : Marie-Frédérique Fillion
Maquillage et perruque : Cécile Kretschmar (en collaboration avec Jean Ritz)
Création sonore : Xavier Jacquot
Scénographie et création lumières : François Menou
Décor : Les Mécanos de la Générale
Durée : 1h15.

Dates et lieux des représentations : 
- Jusqu’au 1er octobre, vendredi et samedi, 20h ; dimanche, 16h. au Théâtre de l’Atelier ( 1 place Charles-Dullin, 75018 Paris) - Tél. : 01 46 06 49 24 - http://www.theatre-atelier.com


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