Le principe d’incertitude : une jolie rencontre entre deux êtres désenchantés
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Théorème de physique, le principe d’incertitude expose qu’on ne peut connaître en même temps la position et la vitesse d’une particule. Alors qu’en est il quand deux particules, un homme et une femme que rien ne prédisposait à se rencontrer, se croisent sur le quai d’une gare londonienne ?
Dans la froideur et le sombre de Saint Pancras, Alex est assis et attend, perdu dans ses pensées. Boucher de 70 ans, il est solitaire et routinier avec une vie menée et réglée de façon millimétrée. Georgie, quadra pimpante et énergique, est debout et apporte la lumière qui éclaire ce quai lugubre. Alors quand elle l’embrasse dans le cou, sans lui avoir parlé, la rencontre naît.
Ayant fui les Etats Unis, elle est venue à Londres pour changer de vie, elle est naturelle et décontractée, d’une aisance et d’un culot incroyables. Elle est attirée, par lui, l’homme ordinaire et solitaire, le mutique, le silencieux. Une rencontre improbable et une différence d’âge qui pourrait rendre les choses complexes. Une histoire d’amour comme celle-ci est forcément impossible.
Sur scène, ce sont deux personnalités qui se cherchent, se devinent, se reniflent. Ce sont aussi deux âmes blessées, deux solitudes qui s’affrontent et s’apprivoisent. Sortie de sa zone de confort en ayant quitté son pays, Georgie est rassurée par le cocon sécurisant d’Alex, lui est troublé par cette femme piquante qui chamboule son isolement et pénètre sa bulle personnelle. Il est son port d’attache quand elle est son amarre de liberté. Le calme face à la tempête.
Le texte propose une partition entre tendresse, dialogues incisifs où les piques s’enchainent, confidences sur leur propre fragilité et quelques moments plus légers : plutôt quotidien, il offre aussi quelques réflexions plus profondes.
Pourtant l’ensemble manque de dynamisme et d’énergie, il n’y a pas d’événement ou de rebondissement qui amène une rupture, un déséquilibre permettant de relancer l’histoire au-delà de la linéarité installée. C’est dommage car les instants contemplatifs sont beaux mais il manque ce sursaut d’énergie qui nous transporte et nous embarque. Le rythme est trop lent et sans surprise pour que les émotions de leur fragilité s’installent.
La mise en scène n’apporte pas non plus ce second souffle avec un espace très grand et très vide quelque soit le lieu utilisé (la gare, l’intérieur d’un appartement, la boucherie..etc) : se voulant être un écho à la solitude des personnages et au vide qui les entourent, elle crée certes ce cocon des deux protagonistes mais avec distance du spectateur.
On attendait beaucoup du niveau de jeu entre un Darroussin rompu aux planches et une Laura Smet qui les découvrait pour la première fois. Cette dernière, certes, ne maîtrise pas encore toute la subtilité de jeu entre la scène et le plateau de cinéma mais elle apporte son énergie, sa fougue pour être provocante, séductrice ou grinçante. Son aisance sur le plateau et dans ses déplacements apporte de la spontanéité face à un Darroussin tout en nuances et subtilité pour incarner le côté bourru et taiseux du romantique ermite. Il maîtrise les silences qui n’en sont pas mais sont nourris et posés.
Le principe d’incertitude en décevra certains autant qu’elle en charmera ou touchera d’autres. Même si elle n’a pas la flamme vitale que l’on attendait, cette pièce aborde avec délicatesse la rencontre entre deux êtres désenchantés que tout oppose hormis leurs blessures et leur instinct solitaire.
Le principe d'incertitude
Auteur : Stephen Simons
Avec Jean-Pierre Darroussin, Laura Smet
Metteur en scène : Louis-Do de Lencquesaing
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 11 décembre 2022 au Théâtre Montparnasse (31 rue de la Gaité, 75014 Paris)