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Les poupées persanes : un conte des mille et une vies, riche en émotions

  • Écrit par : Xavier Paquet

poupées persanesPar xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Le théâtre est le trait d’union entre rêve et réalité, l’art qui transforme le quotidien en un imaginaire, la possibilité de réécrire l’histoire ou d’en changer la portée. Pourtant rarement une pièce n’a fait aussi écho à l’actualité et à la révolution iranienne en cours.

L’histoire qui rencontre de nouveau l’Histoire, l’histoire qui s’écrit en deux temps : une plongée dans l’Iran des années 70, une immersion à Avoriaz à la fin des années 90. Deux histoires en parallèle amenées à se rencontrer, à converger au fur et à mesure des rebondissements et péripéties et que leurs fils se délient pour mieux tisser la fusion de ces deux narrations.

Le récit nous entraîne d’abord en Iran où quatre étudiants plein de rêves et d’espoir vivent dans le Téhéran des années 70, où l’on s’amuse et où on est aussi réprimé par le régime du Shah. Ils participent à la révolution qui conduira à l’arrivée au pouvoir du régime islamique de Khomeini. Bijeh, le musicien rêveur, et Manijeh, l’étudiante en mathématiques, ont pour eux cette soif de liberté, cette quête de modernité. Leur ami Manoucher, complice de toujours de Bijeh, se veut plus radical, plus à fleur de peau et activiste de la révolte. Et puis Sepideh, élève de Manijeh, symbole de la minorité azérie pour qui la religion a un sens et l’émancipation doit se faire en douceur.
Quand l’espérance d’un combat se transforme en souffrance et oppression du peuple, la fin des illusions perdure quel que soit le régime en place.

Et puis de l’autre côté, Nelly et Bahar, deux sœurs à la montagne en vacances avec leur mère Françoise et qui vont se retrouver piégées sur place par la tempête de 1999. Porteuse d’une lettre reçue il y a vingt ans, Françoise va voir sa vie et celle de ses filles chamboulées quand les secrets de familles intimement conservés se dévoilent et que l’histoire de chacune se retrouve mise en lumière.

Ces deux récits vivent en parallèle à travers une mise en scène qui les fait s’alterner et se succéder avec beaucoup de rythme et d’intensité : les évènements s’enchaînent et les changements d’époque et de costumes se font avec fluidité dans une mécanique bien huilée.
Saluons le travail sur le décor, nous immergeant avec réalisme dans chacune des deux époques, grâce à un astucieux système transformant chaque pièce de mobilier en un autre : d’une bibliothèque à un chalet, d’une prison à un intérieur persan. Une richesse et une esthétique sublimant la pièce avec une lumière léchée et une bande-son qui complètent avec brio le dispositif : la vidéo étant le point d’orgue en diffusant des images d’archives.

Les poupées persanes, c’est un conte des mille et une vie avec toute la tension dramatique qui confère les sentiments et renforce les émotions mais aussi de l’humour et de la légèreté qui apportent ce contraste et ce souffle. La puissance du texte c’est son côté autobiographique, l’histoire est belle et profonde parce qu’elle est authentique et écrite avec sensibilité et pudeur, parce qu’elle est du ressort de l’intime et viscérale. Les comédiens portent ce conte avec justesse, livrent une palette large d’émotions et incarnent plusieurs personnages entre rires et larmes : leur humanité est touchante et on ressent cette sincérité dans leur jeu.

Finalement, c’est la contrainte de l’enfermement qui fait exploser les silences, ressortir les non-dits et révéler les secrets enfouis. Une lutte personnelle pour mieux se connaître et se construire, pour porter un espoir à travers une lutte et le sens du sacrifice et du déchirement. Le poids des remords et de la culpabilité et la résilience nécessaire à l’humain pour rester l’humain dans son passé comme son présent.
Les poupées persanes est une superbe pièce où les histoires se succèdent et s’entremêlent comme des poupées russes, avec la même recherche de son identité et la souffrance de l’exil. Comme si l’Histoire n’était qu’un éternel recommencement, et cette histoire personnelle un déchirement sans fin.

Les poupées persanes
Auteure: Aïda Asgharzadeh
Mise en scène : Régis Vallée
Avec Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot, Ariane Mourier

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 8 janvier 2023 au Théâtre des Béliers Parisiens ( 14 bis rue Sainte Isaure, 75018 Paris)

 


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