Y’a quelqu’un ? : l’ange aux ailes coupées
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Dans Y’a quelqu’un ?, un clown sans partenaire, célèbre, seul, son anniversaire, à grand renfort d’ingéniosité.
Il est seul. C’est jour d’anniversaire ; le sien. Il attend donc : les appels de proches vivant trop loin, la visite d’amis, les cadeaux, bien entendu. Mais rien de tout cela n’advient. Il est seul, en un moment où chacun aime les retrouvailles, les évocations de souvenirs, les rires et les agapes. Mais il est seul ; personne ne viendra. Alors, il pleure, se lamente, puis construit, avec des objets, des lumières, des musiques et de la danse une ambiance de fête. Il reste seul malgré la réitération de ses appels : « y’a quelqu’un ? ». Pas de réponse pour interrompre le monologue. Alors il joue, il invente, il crée son univers. Il en a la possibilité, car n’est-il pas Angelus, clown ? Un auguste, sans son partenaire blanc. Une situation inédite, à n’en pas douter : les clowns vont toujours par deux. Comme il est clown, auguste de surcroit, il est tenu d’assumer son rôle devant la société, quand bien même elle serait absente. Car l’imagination d’un clown, auguste qui plus est, est féconde et infinie. Elle peut nous restituer les petits contes de la vie, faits de peines et de joies, de petites mesquineries et de tendres amours.
Absurdité et sagesse
Angelus est Hervé Langlois. Un clown, un vrai : nez rouge, tignasse blonde hirsute à la Harpo Marx, vêtements dépareillés. Son langage : un mélange de borborygmes, de sentences frappées du sceau de l’absurdité (ou de belle lucidité, voire de profondeur), de rires et de larmes factices. Et le corps s’adapte à ses états d’âme changeant à tout instant : il se contorsionne, geint, s’esclaffe, danse. Le clown-comédien ne fait pas mystère de ses références, des citations qui renvoient aux figures des anciens qui ont ciselé cet art si particulier de la scène que sont les entrées clownesques, sans oublier les grands comiques : on reconnaîtra Francini du duo Alex et Francini et son : « qu’est-ce que ça que c’est ?», légèrement transformé, des accents de Coluche dans certaines saillies, des arlequinades de la commedia dell’arte, technique qu’Hervé Langlois maîtrise à merveille, et tant d’autres qui font toujours rire des générations entières, dans le monde ; le clown n’est-il pas ce personnage universel capable de transmettre ces sentiments humains, de cette tragi-comédie qu’est l’existence traversée de peine et de joie, de certitude et de doute ?
Un univers merveilleux
Hervé Langlois campe un Angelus dans la pure tradition clownesque, dans la fonction d’émouvoir et déclencher le rire, chez tous les publics, où chacun comme Angelus retrouve une âme d’enfant capable d’inventer, de rêver à partir d’un objet qu’on détourne de son usage premier. Le clown, c’est l’imagination au pouvoir, le pouvoir de bâtir tout un univers d’un geste, d’un mot, d’une moue. La scène initiale dans laquelle Angelus joue avec sa propre ombre est de cette veine ressortissant du merveilleux. Elle met sur rail un spectacle où sont convoqués les ingrédients d’un art millénaire. A la question : « y’a quelqu’un ?», la réponse fuse : oui ! le clown, personnage éternel, essentiel. A côtoyer impérativement.
Y’a quelqu’un ?
Texte, mise en scène et jeu : Hervé Langlois
Dates et lieux des représentations:
Théâtre de Belleville, Paris 11e (01.48.06.72.34.), jusqu’au 28 mai, puis Festival d’Aurillac du 17 au 20 août 2022.