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Théâtre : Lolita ou la vraie histoire d'une féministe de combat

  • Écrit par : Guillaume Chérel

lolita godinezPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Quand j'ai appris, il y a une dizaine d'année que Nathalie Rouckout ( une amie rencontrée via Facebook) allait monter un spectacle sur le thème : « J'ai été jeune mais vous ne le voyez plus », j'étais sceptique. Non pas pour le sujet, mais parce que ma mère, Lolita (Godinez) était l'une des interrogées parmi d'anciens Bagnoletais. Je crois qu'inconsciemment j'étais un peu jaloux... Comme si tout ce qui concernait ma mère m'était dû personnellement et qu'il n'y avait que moi qui avait le droit de jouer les « vedettes dans la famille (voir Le Monde selon Garp de John Irving). Il faut dire que notre relation était quasi aussi fusionnelle que celle de Romain Gary avec la sienne, de mère (juive) : voir La morsure de l'aube. J'ai coutume de dire que j'ai été aimé par une maman « presque mère juive ». Une mère du sud, quoi... Passionnée mais parfois étouffante.

Bref, j'ai vu et lu le spectacle jouée par des actrices pro et ça m'a bien plu. Aussi, lorsque la même Nathalie Rouckout, deux ans après la mort de ma « camarade » mère, m'a appris qu'elle préparait un spectacle autour de la personne de Lolita, j'ai eu du mal à y croire. Et pourtant, c'était comme une évidence, tant sa vie est révélatrice de ce qu'ont vécu des millions de femmes confrontées au patriarcat, au machisme, au paternalisme, avant Mai 68... et bien après. Car ça continue, ne rêvons pas. Il y a eu du progrès, notamment grâce à la lutte de femmes comme Lolita, mais le combat continue. Sans dévoiler le texte, que j'ai lu, et qui a été en grand partie écrit par ma mère, les jeunes (femmes), et les nouveaux papas, seront peut-être fascinés d'apprendre comment étaient traitées leurs grand-mères, mais pas seulement... Une fois encore. Car le sujet est vaste. A travers le portrait de cette militante communiste (elle adhéra pendant la guerre d'Algérie), c'est tout un pan de l'histoire du féminisme qui est retracé. La force du texte est qu'il est écrit avec humour, malgré la colère, mais aussi avec amour, par une femme passionnée et pleine de vie et d'envies.

Lolita, ma mère, a été très amoureuse de Guy, mon père. Et longtemps après leur séparation (au début des années 80), elle a réalisé que tout n'était pas de la faute de ce dernier. Parce qu'il avait lui-même été victime d'une éducation calquée, formatée (être viril, macho, etc...). Elle a compris que la lutte pour l'émancipation des femmes (et la parité) passera forcément par l'adhésion, la compréhension (pas le consentement) des hommes. D'anciens petits garçons eux-même conditionnés, répétons-le.

Un dernier mot. Lolita aurait adoré voir ce spectacle, joué par des actrices amateur.e.s, toutes tombées en amour de ma mère, dixit Nathalie (Rouckout). Plutôt que d'invoquer les grandes intellectuelles, souvent issues d'un milieu bourgeois, telles Simone de Beauvoir et Simone Veil, elle a préféré mettre en lumière la vie d'une fille d'immigré espagnol, ancienne petite secrétaire, qui a fini par travailler pour la télé et le cinéma comme monteuse de film. Entre autres, car Lolita a exercé mille métiers, mais ça c'est moi qui le raconterait peut-être un jour dans un livre. Merci à Nathalie pour cet hommage à Lolita Godinez, une sacrée bonne-femme, il est vrai. Olé !

Je m'appelle Lolita Godinez
Mise en scène : Nathalie Rouckout
Texte de Lolita Godinez, mis en forme par Nathalie Rouckout
AvecAnna Coulon, Sevan Krimian, Sophie Lagache, Noémie Lemâa
Assistant mis en scène : Thierry Misseraoui
Chorégraphie : Emma Terno
Lumière : Lucie Cathala

Une même pièce, deux avis !

Une femme, les femmes

Où, à travers l’existence d’une femme, sont évoqués les vies de toutes celles qui subissent le poids des préjugés et des contraintes et de celles qui entrent en résistance.

La pièce s’ouvre sur quatre femmes occupées aux tâches ménagères : lessive, cuisine, propreté, soins des enfants. Image, somme toute, traditionnelle dans l’imaginaire. Et dans la réalité. Des femmes ordinaires, dont le quotidien ne saurait faire théâtre. Et pourtant. En égrenant la vie de Lolita Godinez, on étire l’écheveau d’une vie, si ordinaire et pourtant si riche ; la vie d’une femme du XXe siècle, avec ses difficultés souvent, ses malheurs parfois et ses joies malgré tout. San oublier les petites victoires sur les aléas et obstacles que dresse la société, de ces victoires qui font l’histoire, la grande. C’est donc l’existence d’une de ces femmes qui est contée, de la naissance, lors de la Seconde guerre mondiale à la mort, l’année du covid. Cette Lolita-là a tout vécu de ces quatre-vingt ans : les difficultés d’être née dans une famille d’immigrés issue du peuple qui travaille, de la charge d’être mère, après avoir été la fiancée adulée, du combat pour trouver sa place dans un monde du travail dont il a fallu pousser les portes, quand son rôle aurait dû se rabougrir au maintien du foyer dont l’époux a la charge financière.

Lumineuse simplicité

Lolita se construit dans une France en grands bouleversements : vote des femmes, bataille pour le droit d’avorter, luttes sociales, ponctuées de grèves, de manifestations et d’engagements politiques où elle se lance à corps perdu, malgré la répression de l’appareil d’Etat et des préjugés ambiants qui n’épargnent pas les milieux populaires qu’elle ne renie pas. Ses combats féministes sont ceux de Simone Veil, Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi, voire Virginie Despentes qui l’accompagnent dans l’évocation scénique de sa vie. Lolita Godinez est unique et toutes les femmes à la fois. En ce sens sa vie nous touche par cette simplicité lumineuse que portent celles qui luttent, dans l’espace public sous les feux de l’actualité ou, celles qui restent dans l’ombre, anonymes.

Force et fragilité

La pièce Je m’appelle Lolita Godinez est le fruit d’une rencontre entre Nathalie Rouckout qui l’écrit et la met en scène et Lolita Godinez. L’auteure fut séduite par cette femme âgée, au corps défaillant, mais forte et passionnée, prêchant la liberté, les libertés. Les quatre comédiennes sont, tour à tour, en plus d’endosser d’autres personnages, Lolita, car Lolita, bien qu’unique, représente toutes les femmes. Anna Coulon, Sévan Krimian, Sophie Lagache et Noémie LeMâa déploient une belle énergie, au service de situations où, sous le propos parfois sombre, perce l’humour et le rire. Ce voyage est ponctué, horloge du temps qui est passé, par des tubes, du rock le plus pur au yéyé ou au disco. Voilà qui éveillent des bouffées de nostalgie entrecoupées de chants et chansons révolutionnaires de la voix des comédiennes. Au final, un spectacle-hommage aux femmes, tant à celles qui subissent encore le poids du patriarcat qu’à celles qui en ouvrent le carcan et le brisent. D’une salutaire actualité.


Dates et lieux des représentations: 

- le 23 novembre 2023, salle Jacques Brel à Pantin (Seine-Saint-Denis) 01.49.15.41.70.

 

 

 


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