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Ay Carmela ! : de rires et de larmes...

  • Écrit par : Christian Kazandjian

Ay carmelaPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Tout le drame de la guerre d’Espagne dans les yeux et la voix d’un couple de saltimbanques. Un souffle de résistance.

La guerre fait rage, en cette année 1936, quelque part en Espagne. Paulino, se réveille d’une cuite de plus et d’un long cauchemar qui ne cessera plus. Le fantôme de Carmela, la femme qu’il a aimée et qui fut sa partenaire de scène, revient le hanter. Le couple, artistes de deuxième zone, parcourt les routes défoncées par les bombes et les chenilles des chars, avec, dans leur roulotte, leur maigre bagage. Ils chantent et jouent pour les combattants républicains, près des lignes de front. Faits prisonniers par des fascistes espagnols et leurs alliés italiens, ils se voient contraints de jouer leurs pâles numéros, spectacle auquel assistent des membres des brigades internationales promis au peloton d’exécution. Se présente à Carmela et Paulino un horrible dilemme : jouer en artistes coupés des réalités, en pratiquant l’art pour l’art, fut-il médiocre ou s’engager et résister dignement malgré les risques. C’est ce dernier terme que choisit Carmela, en dépit des injonctions de son partenaire. Elle y perdra la vie. Dès lors, Paulino devra vivre avec ses doutes, ses regrets et les chansons du répertoire des champs républicains populaires comme El Ejército del Ebro (L’Armée de l’Ebre).

Du rêve au cauchemar

Ay Carmela !, pièce de José Sanchis Sinisterra, adaptée et mise en scène par Lionel Sautet, joue sur le double registre du burlesque et du dramatique, ressorts du théâtre, et du quotidien des peuples. De ce fait, le texte est d’une belle verdeur, d’où l’argot n’est pas exempt. Faisant pendant à la trivialité qui nourrit l’existence agitée du couple, les chants, profonds, a capella, remarquablement interprétés par les deux comédiens, émeuvent. On partage alors, avec Paulino, les affres de la douleur que déclenche, en rêve et au réveil, la disparition de Carmela et les irruptions intempestives de son spectre qui n’a rien perdu de sa verve et de son allant, de retour du royaume des ombres d’où surgit celle de Garcia Lorca, le poète assassiné par les sbires de ce « fils de pute de Franco Â».

Ay carmelaLe pouvoir de dérision

Caroline Fay et Lionel Sautet forment ce couple attachant qui chante, danse, se dispute et se rabiboche, au gré des retours en arrière, alimentant la douleur et la honte du survivant. Leurs numéros de danse et de pantomime de leurs personnages, improvisés face aux séides franquistes et mussoliniens, sont désopilants à force de maladresse, d’apartés acerbes. On rit, comme les acteurs de toutes les guerres, enclins à manier l’humour et la dérision, pour ne pas sombrer et perdre toute humanité. Il convient de saluer la qualité des comédiens, car, il est, on le sait, suprêmement difficile de réussir un numéro qui se doit d’être raté ; cela exige un haut niveau de professionnalisme. Quant à leurs interventions chantées, elles sont une parfaite maîtrise et poussent l’auditoire à les applaudir et à fredonner : « Ay Carmela Â». De la fort belle ouvrage qui donne à rire et à penser. Utile et salutaire, donc, en ces temps troublés où la culture serait devenue « non essentielle Â».

Ay Carmela !
D’après José Sanchis Sinisterra
Adaptation et mise en scène :  Lionel Sautet
Avec Caroline Fay et Lionel Sautet

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 20 mars 2022 au Théâtre Le lucernaire (01.45.44.57.34) Paris 6e.

 


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