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1h22 avant la fin : un huit-clos mortifère sympathique

  • Écrit par : Xavier Paquet

1h22Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Parfois le hasard fait bien les choses, mais alors très bien les choses. C’est ce que se dit Bertrand quand un illustre inconnu vient sonner à sa porte. Seul dans son appartement à la déco rétro, faite de meubles en bois massif, de luminaires classiques et d’une chaîne Hifi d’époque, il caresse lentement les souvenirs qui accompagnent ce style avant de mettre fin à ses jours.

La trentaine dépressive, ne respirant pas la joie de vivre tout comme l’agencement de son intérieur, non épanoui professionnellement et n’ayant pas rencontré l’amour, il passe un dernier coup de fil à son assurance avant d’en finir. Mais au moment où il s’approche de la baie vitrée pour se jeter dans le vide, on sonne à sa porte, avortant ainsi sa tentative. Pour longtemps ? Pas si sûr puisque celui qui pénètre dans son appartement a pour ambition de le tuer. Rencontre avec son destin.

C’est ainsi que démarre ce huit-clos où chacun va petit à petit se dévoiler et se découvrir, où chacun avance et recule dans ses positions mortifères et envies morbides. Aucun des deux ne sait sur quel pied danser, chacun est paumé dans sa vie. Le duo se cherche, se devine, s’apprivoise. Le dialogue s’installe progressivement, non sans mal, et le ping-pong verbal démarre entre ces deux écorchés qui délivrent leurs secrets, leurs hésitations mais aussi se piquent, s’invectivent, cherchent à blesser l’autre dans son amour-propre. Jusqu’au moment où l’inconnu va révéler sa véritable identité.

L’ensemble pourrait paraître sombre mais en réalité cette comédie dramatique distille un humour noir : les répliques fusent, les quiproquos s’enchaînent, la tonalité vire à l’absurde. Entre répliques millimétrées, comique de situation et joute verbale, la pièce arbore un esprit léger et drôle sans tomber dans le pathos. Le texte est plutôt agréable, truffé de dialogues cinglants, de piques au vitriol et d’effets ciselés mais manque de profondeur : l’univers de la mort et la question du suicide auraient pu donner lieu à un questionnement plus philosophique et à moins rester en surface. Surtout qu’avec les deux comédiens de talent présents sur scène, il y avait de la matière. Entre un Kyan Khojandi habile en timide maladif, en mélancolique brouillon et pessimiste heureux ; et un Eric Elmosnino electron-libre désabusé, mystérieux, sensible et attachant, il y a de la folie douce sur le plateau.

L’ensemble se suit avec plaisir mais manque de rythme avec des situations installées, ne trouvant pas un rebond d’énergie qui vienne nous emporter. On regrette également la fin, qui sort du huit-clos de ce duo pour un esprit plus poétique et heureux mais sans réussir là non plus à nous transporter. Cette comédie noire met quand même à l’honneur les thèmes de la solitude et du doute existentiel, les petits hasards qui peuvent nous faire basculer d’un destin à l’autre. Comme un compte à rebours sur son propre chemin.

1h22 avant la fin

Texte : Matthieu Delaporte
Mise en scène : Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière
Avec Kyan Khojandi, Eric Elmosnino, Adèle Simphal
Scénographie : Marie Cheminal
Régisseur général : François Hubert
Lumières : Laurent Béal Didier Brun
Costumes : Anne Schotte
Construction Décor : Romain Scrive et Arthur Lamon
Assistante : Léa Moussy
Assistante scénographie : Stéphanie Laurent
Assistant lumière : Didier Brun

Dates et lieux des représentations: 

- Du 11 février au 31 mars 2022 à La Scala - Paris 


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