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Andando Lorca 1936 : une magnifique envolée en compagnie du poète andalou

  • Écrit par : Daniel Bresson

AndandoPar Daniel Bresson - Lagrandeparade.com/ L’invitation de Daniel San Pedro et Pascal Sangla à un concert théâtral autour de la poésie de Federico García Lorca pouvait être surprenante et on était impatient de découvrir Andando Lorca 1936.

Dès l’entrée dans le théâtre, les spectateurs sont attendus par une femme brodant sur le rideau de scène noir et transparent, faisant penser à una mantilla, rejointe par deux autres en voile et robe de même couleur. Le deuil annoncé est celui de Bernada Alba, personnage bien connu du théâtre de Lorca. Ses filles entourent le cercueil orné d’une croix de fleurs rouges et le botafumeiro diffuse l’encens jusque dans le public. Après la première chanson en hommage à la décédée et la fermeture du cercueil, la réaction de la soeur ainée en dit long sur la souffrance des six filles séquestrées et enfermées par leur mère, décrite avec talent par Federico Garcia Lorca dans sa pièce La casa de Bernarda Alba. Leur liberté se matérialise quand elles décrochent le rideau noir, laissant éclater les différents caractères de chacune d’entre elles.
Le passage d’un avion larguant des tracts républicains rappelle le climat en Espagne en 1936 lors du coup d’état franquiste contre le gouvernement légitime qui appelle le peuple aux armes et à la lutte. Mais il ouvre aussi un moment privilégié, hors du temps, où les soeurs liées par une affection renforcée par leur liberté retrouvée vont lire et chanter leur vision du futur, leurs doutes et leurs espoirs à travers les mots du poète de Grenade.

AndandoMême si le public peut se sentir un peu dérouté en début de spectacle, il se laisse rapidement porter par les performances des comédiennes-chanteuses comme des musiciens. La douce voix de Camélia Jordana nous livrant un magnifique « Verde, que te quiero verde », la présence charismatique d’une Estelle Meyer talentueuse tout comme l’évidente performance d’une Johanna Nizard étincelante au plateau et d'une Aymeline Alix délicate et sensible permettent au spectateur de pénétrer ce monde onirique mais surtout de faire entendre l’extraordinaire écriture du poète andalou. L’alternance de lettres et de poèmes dynamise la mise en scène, offrant de magnifiques images des actrices au plateau. Daniel San Pedro utilise les trois dimensions de la scène pour créer des moments poétiques, intimes à l’instar du somptueux morceau de violon interprété par Liv Heym, juchée en haut d’une armoire. La musique occupe en effet une part primordiale dans le spectacle, tout comme dans l’oeuvre du poète andalou. Pascal Sangla crée ici une composition originale idéale, passant du flamenco au jazz, de la balade à la musique orientale. L’interprétation de Donia Berriri au piano est remarquable. M’hamed el Menjra passe du luth à la contrebasse, de la guitare aux percussions avec une aisance déconcertante. En découle une harmonie entre chant, théâtre et musique mettant en lumière le formidable lyrisme des poèmes, l’envolée des mots de Federico García Lorca qui clamait « Le lyrisme nous sauvera de la médiocrité ». Le spectateur pénètre dans ses rêves, le temps est suspendu jusqu’à la sirène qui nous rappelle à la réalité et les vers de Rafael Alberti, autre grand poète qui a dû s’exiler à la fin de la guerre civile. « Galope, galope, jusqu’à les ensevelir dans la mer » annonce la séparation des soeurs qui doivent faire leur choix : entrer en lutte aux côtés des républicains ou accepter de conserver cette société matriarcale engluée dans les traditions et la religion. Une seule restera, sûrement parce qu’elle a trop subi l’emprise de sa mère, laissant derrière elle sa soif de liberté « je veux dormir comme ce garçon qui voulait s’arracher le coeur en haute-mer ».

Daniel San Pedro a relevé le défi avec brio, entouré d’une troupe éblouissante. Quand on sait que Johanna Nizard venait à peine de rejoindre l’équipe artistique et que le passage de la Danse de la mort , issu du recueil Poète à New-York où Estelle Meyer remplaçait Audrey Bonnet, malade, reste l'un des plus beaux moments du spectacle, on ne peut qu’être admiratif.

Andando Lorca 1936 est une très belle proposition qui mérite d’être découverte, tant elle sort des sentiers battus et des clichés. À voir sans modération !

Andando Lorca 1936

Textes : Federico Garcia Lorca
Mise en scène, adaptation et traduction : Daniel San Pedro
Composition et direction musicale : Pascal Sangla
Assistant à la mise en scène : Guillaume Ravoire
Scénographie : Aurélie Maestre
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Alban Sauve
Création sonore : Jean-Luc Ristord
Chorégraphie : Ruben Molina
Maquillages et coiffures : David Carvalho Nunes
Avec : Aymeline Alix, Audrey Bonnet, Camélia Jordana, Estelle Meyer, Johanna Nizard
Violon (solo improvisé) : Liv Heym
Piano : Donia Berriri
Guitare, luth (solo improvisé), percussions, contrebasse : M’hamed el Menjra

Durée : 1h30 / Spectacle chanté en français, arabe et espagnol

crédit-photo : Jean-Louis Fernandez

Dates et lieux des représentations:

- Le vendredi 03 décembre 2021, 20:30 - Théâtre Molière - SN de Sète

 


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