Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ On met les petits plats dans les grands chez les Simmons où Vita et sa fille Clémentine s’apprêtent à recevoir dans cet élégant salon anglais. Elwood, le frère de Vita, s’invite en compagnie de son ami imaginaire, Harvey, un lapin blanc géant, que seul lui perçoit et avec qui il discute. Désireuse de faire interner Elwood, Vita l’accompagne à l’asile mais se retrouve à son tour enfermée par les psychiatres, qui ne savent plus où donner de la tête et se retrouvent aspirés dans cette drôle d’histoire à en perdre la raison.

Dès l’ouverture, une douce folie s’installe avec ce téléphone penché qui sonne, donnant le ton des quiproquos qui commencent à s’installer et qui rythmeront la pièce qui monte petit à petit en puissance dans sa comique dramaturgie.
L’espace oscille entre deux univers : l’appartement feutré des Simmons, tapisserie classique, mobilier de bois et natures mortes ; l’univers plus blanc et blafard d’un asile psychiatrique et de son bureau d’accueil. Avec une grande ingéniosité, les deux ambiances se succèdent par un méticuleux déplacement des décors modulables sur scène et dans les airs comme si ces deux atmosphères étaient interchangeables et pénétraient l’une dans l’autre.

Harvey, pièce iconique de l’humour anglais, n’avait jamais été jouée en France. Bien en a pris à Laurent Pelly de la mettre en scène tant ce petit bijou révèle de trésors. Mélange de conte fantaisiste et de théâtre de boulevard, elle contient multiples ingrédients qui en font son charme : comique de situation, comique de quiproquos, rebondissements et traits d’esprit mais aussi sous couche plus dramatique et sens du propos.
Le texte est intelligent, très rythmé et laisse des temps suspendus renforçant la tension; le propos percutant et fin, les échanges vifs et nourris de bienveillance et de cruauté.

Le jeu d’acteurs ne pouvait être qu’au niveau et chacun exprime avec force et générosité les sensibilités multiples de son personnage : chacun a sa part de rationalité et son côté plus sombre de douce folie. De la famille Simmons au médecin psychiatrique, d’Elwood au personnel soignant aux allures de pieds nickelés, chacun berce dans une logique personnelle et perd la raison sur le sens qu’il donne à ses actions. Qui est normal et qui ne l’est pas ?
Jacques Gamblin, en figure de proue de la troupe, apporte sa rêverie et sa tendresse au personnage attachant d’Harvey lui conférant une grande humanité où candeur et naïveté font écho à sa gentillesse et son côté farfelu.

Harvey, personnage imaginaire, est un esprit féerique absent aux yeux de tous mais présent dans toutes les situations, cet ami sorti de notre imagination avec qui nous échangeons et dialoguons et qui est une part de nous-mêmes à laquelle l'on s’adresse. Une part d’intimité, une part secrète, rêveuse et revée, qui permet de s’affranchir de la dureté de la réalité pour plonger avec délice et tendresse dans un monde plus doux et abstrait.
La richesse de la pièce et du texte est de révéler cette solitude qui s’exprime en chacun de nous et la tolérance que chacun accorde à cet esprit de liberté.
C’est ce sous-texte plus intimiste et profond que met en lumière Harvey entre humour absurde, esprit de vaudeville et moments de poésie.
Une pièce pleine d’humanité qui s’adresse à l’enfant en chacun de nous et vient toucher nos rêves imaginaires.

Harvey
De Mary Chase
Traduction: Agathe Mélinand
Mise en scène : Laurent Pelly
Avec Jacques Gamblin, Pierre Aussedat, Christine Brucher, Thomas Condemine, Emmanuel Daumas, Grégory Faive, Katell Jan, Agathe L’Huillier, Lydie Pruvot, Kevin Sinesi en alternance avec Sven Narbonne
Scénographie : Chantal Thomas
Lumières : Joël Adam
Son : Aline Loustalot
Costumes : Laurent Pelly et Jean-Jacques Delmotte
Réalisation des perruques : Pascal Jehan
Assistanat à la mise en scène : Grégory Faive
Régie générale, régie plateau : Lellia Chimento
Régie lumière : Stéphanie Gouzil
Régie son : Nicolas Perreau
Construction du décor : les ateliers du TNP
Administration : Les Indépendances

Dates et lieux des représentations :
- Du vendredi 01 octobre au dimanche 10 octobre 2021 au TNP de Villeurbanne
- Le 07/01/2022 - 20:30 à L’Odyssée - Perigueux - Tel. +33 (0)5 53 53 18 71
- Du mer. 12/01/22 au jeu. 13/01/22 au MAC - Maison des Arts et de la Culture - Créteil-
Tel. +33 (0)1 45 13 19 19
- Du mar. 18/01/22 au sam. 22/01/22 au Théâtre Montansier de Versailles - Tel. +33 (0)1 39 20 16 00
- Le 28/01/2022 au Théâtre Alexandre Dumas - Saint-Germain-en-Lay - Tel. +33 (0)1 30 87 07 07
- Le 02/02/2022 au Théâtre de Gascogne - Scènes de Mont-de-Marsan - Tel. +33 (0)5 58 75 30 71
- Le 04/02/2022 au Théâtre Olympia - Arcachon - Tel. +33 (0)5 57 52 97 75
- Le 08/03/2022 à L'Avant Seine / Théâtre de Colombes - Tel. +33 (0)1 56 05 00 76
-Du jeu. 10/03/22 au ven. 11/03/22 au Théâtre de Suresnes Jean Vilar - Tel. +33 (0)1 46 97 98 10
- Du ven. 18/03/22 au ven. 01/04/22 au CADO - Centre National de Création Orléans- Tel. +33 (0)2 38 54 29 29