Le petit coiffeur : l'amour au temps de la résistance par Jean-Philippe Daguerre
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Eté 1944 à Chartes. La ville vient d’être libérée, l’Occupation nazie se termine et les habitants commencent à régler leurs comptes. On traque les collabos, on chasse les femmes qui ont eu des relations avec l’occupant, on se méfie, on se trahit, on dénonce et on rend justice soi-même avec brutalité et barbarie.
Dans cette atmosphère, la famille Giraud tient son salon de coiffure : le père résistant mort en camp de travail après dénonciation, c’est son fils Pierre qui coiffe les hommes et Marie la mère qui s’occupe des femmes et renvoie quelques clientes vers son fils, peintre avant-guerre, pour assouvir sa passion picturale.
Mais ce salon n’est pas comme les autres : haut lieu de la résistance locale dont Marie est une figure, on y écoute Radio Londres, on s’active en arrière-boutique pour continuer la lutte contre les traitres. Jusqu’au jour où Mlle Berthier vient se faire coiffer et dont Pierre s’éprend : une arrivée et un mystère autour d’elle qui vont bousculer la vie familiale et déstabiliser la pensée résistante.
L’ambiance peut sembler lourde mais l’amour est présent : celui de Marie avec un résistant, celui de Pierre pour Mlle Berthier. Leurs destins s’entrechoquent et entrecroisent l’Histoire dans une fresque familiale où chacun exprime son humanité et recherche sa vérité.
Jean Philippe Daguerre a cherché à « trouver un angle poétique à cette terrible histoire dans laquelle s’invitent parfois des sourires voire des rires, même si pourtant ce sont les larmes et le sang qui coulent le plus le souvent ». L’histoire est belle, l’humanité présente en opposition à la barbarie de l’épuration, la tension palpable. Pourtant il manque un supplément d’âme à ce petit coiffeur. Le temps est long et suspendu, le rythme un peu irrégulier avec de nombreuses scènes courtes qui se succèdent en tableaux et le texte vif mais manquant du soupçon d’émotion et d’intensité qui faisait le charme de « Adieu Mr Haffmann ».
L’écriture, un peu narrative au démarrage, laisse place à des dialogues ciselés, plus bruts, directs, il y a de la colère et de l’indignation mais l’auteur sait, comme toujours, contrebalancer avec une touche de poésie et de douceur incarnée par Jean, le second fils, simple d’esprit et naïf. Ses interventions apportent de la légèreté et ses passages dansés, une respiration pleine de candeur dans cette période troublée.
On retrouve malgré tout l’univers de Daguerre avec une mise en scène léchée et des décors très réussis nous immergeant dans ce salon de coiffure où les moments de tension et d’amour se succèdent avec des jeux de lumière apportant un grain particulier à l’ensemble. Une mention en terme de jeu à Arnaud Dupond pour sa performance qui fait de Jean un être touchant et qui nous apporte sourires et attendrissements, et également à Brigitte Faure qui transmet son amour maternel avec force et intensité.
« Le petit coiffeur » reste un beau spectacle où l’on s’interroge sur nos ambiguïtés, sur la part de vérité et de mensonge que l’on porte et les choix à faire pour les assumer ou les cacher. Il fait appel à notre humanité dans nos paradoxes et nous fait réfléchir sur le sens du sacrifice que chacun est prêt ou n’est pas prêt à porter. Jusqu’à sa propre Libération.
Le petit coiffeur
Auteur et metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
Distribution (en tournée) : Brigitte Faure ou Raphaëlle Cambray, Charlotte Matzneff, Félix Beaupérin ou Eric Pucheu, Arnaud Dupont et Romain Lagarde – (à Paris) Félix Beaupérin ou Eric Pucheu, Arnaud Dupont ou Julien Ratel ou Thierry Sauzé, Brigitte Faure ou Raphaëlle Cambray Romain Lagarde ou Pierre Benoist, Charlotte Matzneff ou Sandra Parra
Décor : Juliette Azzopardi
Costumes : Alain Blanchot
Lumières : Moïse Hill
Musiques : Hervé Haine
Chorégraphies : Florentine Houdinière
Producteur exécutif : Atelier Théâtre Actuel
Co-producteurs : Le Théâtre Rive Gauche, Le Grenier de Babouchka, YdB, ACME, Romeo Drive Production et ZD Productions
Dates et lieux des représentations :
- Du 7 au 31 juillet 2021 au festival Off d'Avignon au Théâtre Actuel
- Du 25 août au 5 septembre 2021 au Théâtre Rive Gauche - Du mardi au samedi à 20h30 et Les dimanches à 17h30 et du 7 septembre 2021 jusqu'au 17 décembre 2021 - Du mardi au samedi à 19h et Les dimanches à 17h30