Aime comme marquise : style, punch et modernité!
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Je dis comme Aime comme un emblème. Cette mélodie du cœur sied à merveille à cette pièce et aux personnages qui tombent tous un par un sous le charme de Thérèse de Gorla, danseuse aspirant à devenir comédienne, et qui sera connue sous le nom de Marquise. Et quoi de mieux pour raconter son destin que de le commencer à la Racine. Tout démarre lors d’une représentation d’Andromaque où, interrogée par la police sur la véracité des écrits de Molière, Marquise, actrice adulée, va raconter comment elle a rencontré ce dernier et a intégré sa troupe.
La pièce se construit sur deux espaces temps : Marquise jeune et sa formidable ascension, Marquise accomplie mais au crépuscule de sa carrière. Elle retrace d’un côté comment Marquise à force de ténacité, d’audace et de passion réussit petit à petit à se faire un nom auprès des grands dramaturges; de l’autre les rivalités, les jalousies et les intrigues qui régissent cette époque. En toile de fond, une enquête voulue par Louis XIV pour vérifier si Corneille ne serait pas le véritable auteur des pièces de Molière. Intrigue autour d’une intrigante, secrets de courtisans autour de celle si souvent courtisée.
La scénographie repose sur ces changements d’époque et d’alternance présent/passé : une estrade en bois délimite l’espace sur deux niveaux et permet de créer différents espaces et temporalités. En bas, Marquise jeune et pleine d’insouciance se bat pour accomplir son rêve. En haut, Marquise au faîte sa gloire revient sur son passé et le revit avec recul. De manière astucieuse et inventive, on passe d’une répétition de pièce à une représentation en public, des coulisses à la Cour du roi Soleil : cette scène, mobile et élaborée, est complétée par des jeux de lumière et des musiques s’accordant parfaitement pour donner vie et profondeur à l’ensemble.
Pour rendre un hommage si vibrant à cette époque, il fallait une plume acérée et l’écriture de Philippe Froget ciselle avec finesse et intelligence les personnages et les situations avec une alternance de prose « quotidienne », d’alexandrins classiques et de vers plus contemporains. Le sens du verbe des hommes de lettres, la prose de la fille du peuple s’élevant jusqu’à la Cour du Roi et élevant son phrasé tout au long de la pièce. Cet entrelacement de styles apporte du dynamisme et un sens du rythme par les jeux qu’ils procurent entre personnages.
Et d’énergie « Aime comme Marquise » n’en manque pas avec une troupe qui habite avec passion et générosité une rimbambelle de personnages, de Molière à Corneille, de Louis XIV à d’Artagnan, de La Fontaine à Madeleine Bejart, rivale de Marquise. Les échanges s’envolent, les changements de décor et de costumes sont rapides et précis, les ruptures nettes. Et l’humour surtout prend une place prépondérante entre comiques de situation, revisites de scènes de théâtre et quiproquos.
Il y a du théâtre dans le théâtre et on se retrouve rapidement immergé et plongé dans la vie passionnée de Marquise, fille du peuple devenue autant comédienne qu’égérie. Ce petit bijou de pièce n’est pas une reconstitution historique mais une vision décalée de ces codes : son style, son punch et sa modernité la rendent très proche du public. On est aussi charmé et conquis que les dramaturges pour Marquise à l’époque.
Aime comme marquise
Auteur: Philippe Froget
Metteuse en scène : Chloé Froget
Interprète(s) : Aurélie Noblesse, Xavier Girard, Christophe Charrier, Chloé Froget
Lumières : Damien Peray
Scénographie : Chloé Froget
Costumes : Viollaine de Merteuil
Musiques : Christophe Charrier
Atelier Théâtre ActuelL-R-20-1927
Coproduction : Cie Le Jeu du Hasard
Avec le soutien du Théâtre Nouvelle-France et du Théâtre Le Mas
Dates et lieux des représentations:
- En juillet 2021 au Théâtre Espace Roseau Teinturiers - Festival Avignon Off