La Belle au bois dormant : un nouveau spectacle pour enfants de Jean-Michel Rabeux à découvrir
- Écrit par : Bruno Paternot
Par Bruno Paternot - Lagrandeparade.fr/ Après "La Barbe Bleue" et "Peau d’âne", le Compagnie, dirigée par Jean-Michel Rabeux, présente "La Belle au bois dormant". A partir du conte traditionnel, le metteur en scène et auteur réinvente l’histoire pour la transposer dans un XXIe siècle tout en –isme. La pièce commence par un doux ronflement. Du bois à La Belle, tout le monde va dormir dans cette pièce, sauf le spectateur qui est maintenu en alerte par son rythme effréné.
Rabeux connait son Shakespeare sur le bout des doigts et réussit, tout au long de la représentation, à mêler sublime et grotesque, à poétiser le prosaïque, à rendre merveilleux un pauvre morceau de tulle jaune-dégueu. Les grands enjeux du conte sont ainsi plus digestes pour le jeune spectateur quand ils sont prescrits par une fée de pacotille, par un prince descendu de son piédestal ou par une reine plus ridicule qu’impressionnante. C’est peut-être l’écueil de ce troisième volet. Si les deux premier opus –"Barbe Bleue" et "Peau d’âne"- réussissaient à mêler humour et effroi, ici, la représentation est beaucoup plus sage. Comme si le 3e tome avait été créé non pas par nécessité artistique, mais par besoin de continuer à vendre du spectacle jeune public à tout crins ?
La version de Perrault présente une reine mère qui fait avancer une cuve remplie de crapauds et de serpents, la version des Grimm raconte comment la Belle se fait engrosser par un viol dans son sommeil et tout le monde se souvient de la Maléfique de Disney. Ces trois versions les plus célèbres comportent des passages terribles et angoissants qui marquent l’imaginaire. Ici (et contrairement à "Barbe Bleue" ou à "Peau d’Ane"), peu de peur, peu d’horreur, peu de terreur. Depuis que l’on psychanalyse les contes de fées, la Belle au Bois dormant explique la période de l’adolescence. Dans la version de Jean-Michel Rabeux, on ne comprend pas très bien où est traité cet endormissement, cette période charnière entre l’enfance et l’adolescence. Ce qui intéresse Rabeux dans le conte, c’est l’analogie qu’on peut faire entre une génération libérale et leurs enfants zadistes. La Reine contrôle les marchés quand le fils squatte à Notre-Dame-des-Landes. L’ogresse mangeuse de viande est en fait une société capitaliste qui dévore ses propres enfants. La Reine finira d’ailleurs presque par se manger elle-même pour continuer de dévorer et posséder. Une autre réserve repose dans l’actualisation. Si le Prince Charmant devient ici le blanc ménil des banlieues parisiennes d’aujourd’hui, il rap du… MC Solaar (Qui sème le vent récolte le Tempo date de 1991, soit plus de dix ans avant la naissance des spectateurs du jour). Autant le fait de mettre un prince black dans "Peau d’âne" est riche de sens et de symbole, autant la partition de Renaud Triffault ne permet ni actualisation, ni identification. Si Jacinthe Capello et la géniale Corine Cicolari réussissent à rendre très sympathiques et vivants des personnages de pacotille, ce prince plus très charmant, pas très imposant et peu éloquent en devient finalement un être fade et peu intéressant.
Le conte est de tradition orale. Cette belle au bois dormant s’inscrit dans cette tradition sonore par l’utilisation intensive et inventive de l’effet sonore, de l’affect sonore. Toute l’intensité émotive passe plutôt par un jeu de sons que par le jeu des comédiens qui, de fait, se sent libre d’aller creuser ailleurs d’autres sillons théâtraux. La création sonore de Samuel Mazzotti, d’un réajustement de voix à un bruitage cocasse, d’un fond sonore à une spatialisation des accessoires donne de l’épaisseur au spectacle et accompagne le spectateur-auditeur dans l’enchainement des grands sentiments que procurent les contes.
Si l’on n'a jamais vu un spectacle de Jean-Michel Rabeux, à l’esthétique si particulière, on ne saurait que trop conseiller de commencer par celui-ci, qui, en se rôdant un peu plus et en étant joué dans des salles plus intimes, gagnera en prise et en emprise. Les adeptes attendront le prochain ou iront se faire à nouveau peur avec les précédents opus.
La Belle au bois dormant - Création 2015 | à partir de 6 ans
D’après Charles Perrault - Texte et mise en scène Jean-Michel Rabeux
Avec Morgane Arbez, Jacinthe Cappello, Corinne Cicolari, Renaud Triffault
Scénographie : Bérengère Vallet et Jean-Michel Rabeux
 / Costumes : Sophie Hampe et Jean-Michel Rabeux
 / Lumières : Jean-Claude Fonkenel
 / Son : Samuel Mazzotti
 / Musique : Guillaume Bosson et Ben Lupus
Assistanat à la mise en scène Geoffrey Coppini
Assistanat à la scénographie Marion Abeille
Coiffures, maquillages et accessoires Geoffrey Coppini
Régie générale Denis Arlot
Régie lumières (en alternance) Denis Arlot, Jean-Marc L’Hostis
 / Régie son (en alternance) : Cédric Colin, Frédéric Constant
 / Construction des décors : Atelier Devineau
Durée 1h environ.
© Ronan Thenadey
Dates des représentations :
• Du 5 au 9 janvier 2016, Théâtre de Nîmes Scène conventionnée pour la danse contemporaine www.theatredenimes.com
• Du 14 au 16 janvier 2016, Théâtre Brétigny Scène conventionnée
 www.theatre-bretigny.fr
• Du 14 au 16 février 2016, Centre culturel le Figuier blanc – Argenteuil
 www.argenteuil.fr
• Du 15 au 17 mars 2016, La rose des vents Scène nationale Lille Métropole / Villeneuve d’Ascq
 www.larose.fr
• Les 31 mars et 1 avril 2016, Le Gallia Théâtre – Saintes
 www.galliasaintes.com
• Du 5 au 8 avril 2016, La Coursive, Scène nationale La Rochelle
 www.la-coursive.com
• Les 15 et 16 avril 2016, Théâtres Sorano - Jules Julien, Théâtre Jules Julien – Toulouse
 www.theatresorano.com
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