On purge bébé : une version savoureuse et audacieuse d'Émeline Bayart!
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Selon l’adage populaire, c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. L’adage de Feydeau pourrait dire que c’est dans les vieux pots de chambre que l’on monte les meilleures pièces.
Cette version de « On purge bébé », l’une des pièces les plus connues et jouées de l’auteur, trouve sa touche d’originalité en revenant aux fondamentaux du genre. C’est par l’intégration de couplets chantés que la pièce retrouve le charme des vaudevilles d’antan avec un choix de chansons d’époque aux textes savoureux. Et cela commence d’emblée avec une chanson qui, entre poésie et sous entendus grivois, annonce la couleur et donne le ton fantaisiste du propos.
En parlant de vieux pot, Bastien Follavoine fait lui dans la porcelaine et espère convaincre Chouilloux, représentant du ministère invité à déjeuner le midi, d’équiper l’armée de ses pots de chambre réputés incassables. Oui mais sa femme Julie a d’autres préoccupations : toujours pas habillée alors que Chouilloux doit débarquer d’une minute à l’autre, elle s’inquiète de Toto, leur fils de 7 ans,constipé et qui va devoir être purgé.
La dispute conjugale se transforme progressivement en comédie de mœurs où la porcelaine se casse au propre comme au figuré : tensions dans le couple, incompréhensions mutuelles, révélations et interventions impromptues.
Dans ce décor Belle Epoque d’un appartement bourgeois avec vue sur la Tour Eiffel, les nerfs sont mis à rude épreuve, les crises s‘intensifient et le huit clos monte en rythme avec charme et élégance.
On dit que la musique adoucit les mœurs. Il est vrai qu’ici les intermèdes chantés apportent une pause dans l’intensité et une vraie fraicheur : sans casser la musique du texte, ils sont une accalmie grinçante qui révèlent les tensions intérieures des personnages, miroir de leurs émotions où l’inconscient s’exprime de manière poétique et cynique.
L’écriture fluide, rythmée et pleine d’humour de Feydeau est mise en lumière par une troupe de comédiens généreux, justes et dont la complicité transpire sur le plateau. Entre frénésie et hystérie, calme et intensité, ils apportent une élégance outrancière à l’ensemble avec une partition endiablée où chaque mouvement est millimétré, chaque intention est instantanée, chaque réplique fuse avec gouaille. Ils apportent énormément de corps dans ce jeu de quilles et de tensions où leurs personnages n’ont pas les mêmes enjeux et ne s’écoutent pas.
Dans ce huit clos en un acte, Feydeau aborde la querelle familiale sous le prisme de l’intime. Sans tomber dans le gras, la mise en scène place l’organique dans les corps avec beaucoup de mouvements, d’énergie et de dynamisme. Cette satire sociale décrit avec cynisme le monde bourgeois et place l’angle du public dans le cadre privé et vient toucher au plus profond de chacun des personnages et de leur trait de caractère. Extrêmement drôle et charmante, cette pièce alterne ressorts tragiques et moments comiques et met le doigt sur des sujets de fond : la position du chef de famille, l’essor féminin dans le couple, l’enfant roi et choyé mais aussi la place de la hiérarchie sociale et comment celle-ci peut être balayée rapidement par une histoire de mœurs.
Revenant à l’essentiel même du vaudeville, cette version dépoussière le style et retourne à l’essence du jeu et du texte, de sa simplicité et de sa profondeur, et avec une audace qui n’est pas à purger.
On purge bébé
De : Georges Feydeau
Avec Eric Prat – Émeline Bayart
Manuel Le Lièvre – Valentine Alaqui
Thomas Ribière – Delphine Lacheteau avec la participation artistique du Studio d’Asnières-ESCA
Manuel Peskine / Stéphane Corbin au piano
Mise en scène : Émeline Bayart
Dates et lieux des représentations:
Jusqu’au 29 novembre au Théâtre de l’Atelier à Paris ( à 15h ou 18h30 selon les jours) - 01 46 06 49 24