Désordres : le kaléidoscope sensible de la déliquescence d'un couple
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Désordres, c’est l’image d’un puzzle que l’on construit et déconstruit à l’envie, que l’on assemble en temps réel et fait voler en éclats au gré des émotions traversées. Cette symbolique illustre parfaitement l’histoire de Sarah et Thomas, couple de quarantenaires, dont nous assistons progressivement à la déliquescence.
Puzzle car l’histoire de la pièce ne se construit ou ne s’étiole pas forcément dans l’ordre chronologique et c’est là toute l’originalité sur un sujet maintes fois abordé au théâtre. Et l’angle a de quoi surprendre et apporte la touche de différenciation de Désordres.
La pièce est une succession de scènes où le couple revit différents moments de leur histoire ; au spectateur d’assembler pour reconstituer l’intrigue dans sa chronologie. On revit dans chaque saynète une part du quotidien, une bribe de mémoire, un souvenir qui se rappelle à eux : l’ordinaire d’un couple que tout le monde croit parfait et qui se défait avec le temps et les épreuves.
De la rencontre à l’absence de désir, de la grossesse à l’infidélité, du poids social au matérialisme carriériste, les affres de ce duo prennent tous les contours extraordinaires de sujets ordinaires.
La mise en scène est construite sur une alternance de situations traversées par le couple et des réflexions et pensées intérieures qui sont prononcées à haute voix. On y retrouve tout le piment de la vie sentimentale : de la joie, de la tendresse, de la jalousie, des pleurs, des doutes, de la colère, des pulsions et de l’émotion.
Les changements se font à nu avec un décor et une scénographie minimalistes : des chaises que l’on déplace, un imperméable et un sac comme simples accessoires. Tout est fait pour laisser vivre le texte et placer le spectateur au cœur de ce duo.
Chaque changement se fait en douceur pour laisser à chacun le soin d’intégrer à quel moment de l’histoire la scène suivante se dérouler et pénétrer leur intimité.
L’écriture est directe, quotidienne, elle jongle entre moments ordinaires et répliques cinglantes, vives, avec un humour et une violence de mots ciselés. Actuelle et intelligente, elle nous permet de nous identifier facilement aux personnages et de vivre avec eux le déclin d’un amour parfait.
Elle est portée par deux comédiens justes qui la font vivre et prendre forme avec complicité et sobriété. On peut regretter un léger manque de rythme à l’ensemble et davantage de nuances de jeu pour marquer encore plus les ruptures au service de leur rupture.
Désordres arrive toutefois à nous interpeller sur un sujet largement éculé par l’originalité de sa construction narrative et de sa perte de repères temporels. Elle confronte les rapports du couple à la monotonie du quotidien, nous plonge dans leurs psychologies en faisant vivre leurs mémoires qui explorent les moments marquants qui ont contribué à leur bonheur et leur séparation.
L’histoire ne se réécrit donc pas ? On vous laisse le découvrir.
Désordres
Autrice : Yamina Hadjaoui
Avec Oriane Blin et Boris Khalvadjian
Mise en scène : Swan Demarsan
Mise en corps et en espace : Audrey Evalaum Marquis
Costumes : Chouchane Abello-Tcherpachian
Création lumières : Gaston Duchez
Création sonore : Damien Aubry
Photographie : Caroline Bottaro
Dates et lieux des représentations :
- Du 27 août au 11 octobre • Jeudi, vendredi, samedi à 21h et dimanche à 17h - au Théâtre de la Manufacture des Abesses ( 7 Rue Véron, 75018 Paris) - Téléphone : 01 42 33 42 03