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Le Square : paroles en liberté...

  • Écrit par : Christian Kazandjian

le squarePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Le Square de Marguerite Duras en appelle à la primauté du dialogue physique à l’heure de la communication sans frein.

Il est voyageur de commerce ; elle servante dans une famille aisée. Par un bel après-midi ensoleillé, ils se rencontrent dans un square. Des enfants jouent plus loin. Ils engagent la conversation. Au-delà de la distance initiale, naîtra bientôt le dialogue. L’audace de ses vingt ans aidant, elle l’interroge : sur son métier, puis sur sa vie, enfin sur ses aspirations. Les réponses, quelque peu désabusées de l’homme plus âgé qu’elle, la pousse à se dévoiler à son tour, par petites touches : elle souhaite sortir de sa condition de boniche par le mariage ; elle attend celui qui la demandera en mariage, le premier même qui le fera. Elle cherche à forcer cet éternel voyageur, qui va d’un marché à l’autre, d’un hôtel à une pension,  seul, sans domicile et apparemment sans famille, à s’extraire de la spirale d’une vie morne. Lui ne se plaint pas, il évoque les moments heureux de ses visites. Dans cette manière de maïeutique, ils s’expriment, tour à tour, plus librement, se rapprochent, dans ce besoin impérieux qu’ils éprouvent de parler, après tant de solitude, au-delà de leur différence d’âge, de comportement, de pensée. Ils parlent pour se sentir vivants, écoutés enfin, compris peut-être. Ils en viennent à prolonger la rencontre, en hésitations, faux départs, à l’instant de la nécessaire séparation. Un rendez-vous possible, au bal, un jour, est même évoqué.

Eloge de la parole

Paru en 1955 Le Square, roman entièrement dialogué, à une époque où n’existaient pas, même en imagination, Internet, le smartphone et les réseaux sociaux, le texte trouve aujourd’hui une résonance particulière. Il en appelle à la parole, à la rencontre physique, au dialogue. Le langage familier, l’absence d’élans poétiques, le banal de la situation appuient le dessein. La mise en scène de Bertrand Marcos, qui a dirigé plusieurs pièces de Marguerite Duras, colle au propos. Le décor –un banc, des chaises en métal, un tapis de gravillons,- réaliste dans les moindres détails, les costumes aux tons ternes, reflets de vies, en apparence, sans relief, cèdent toute sa place au texte. Au début, une voix off annonce la situation, doublant l’impression visuelle, comme pour mieux donner force à la parole, pivot de la pièce. Quant au jeu des comédiens, il se hisse à l’unisson. Dominique Pinon, tout de sobriété, d’humanisme, d’élégance, confirme, si besoin était, son talent. Mélanie Bernier apporte la fougue de la jeunesse, en contrepoint, à un personnage traversé de flamme et de doutes. Un spectacle baigné d’empathie et de réalisme enchanté. Une célébration du verbe.

Le Square
De : Marguerite Duras
Mise en scène : Bertrand Marcos
Avec Dominique Pinon et Mélanie Bernier
Production : Antisthène

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 19 avril 2020 au  Lucernaire( 53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris - 01.45.44.57.34.)

 


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