Une histoire d'amour : "Ça sert à quoi d’aimer si tout ce qu’on aime finit par disparaitre ?"
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Pour sa nouvelle et attendue création originale, Alexis Michalik se devait de surprendre. La première surprise sera de démarrer le spectacle en chansons, la deuxième de ne plus jouer sur les intrigues à tiroir et voyages dans le temps qui ont fait son succès, la troisième de le voir lui-même sur scène. Mais finalement est-ce une réelle surprise ?
C’est une chanson qui lui a inspiré l’écriture de ce spectacle, dont le sujet est universel et intemporel et qui l’a lui-même questionné et touché au point de vouloir revenir à ses amours de comédien pour le porter.
Une histoire d’amour, c’est l’histoire de rencontres : celle de Katia et Justine dans un amour naissant, celle de ce couple avec la maternité, celle de Katia avec la rupture, la maladie et la mort.
Des débuts passionnés à la douleur de la séparation, nous suivons la jeune femme dans son évolution : l’alchimie d’une rencontre, l’installation commune, les projets de vie, le désir d’enfant puis l’éloignement des sentiments, la rupture et l’arrivée du cancer. Se sachant condamnée, elle cherche un tuteur pour sa fille et se retourne vers son frère William, écrivain à succès malheureux et tourmenté avec qui la distance s’est installée dans le temps.
Ce point de bascule inverse la présence des personnages qui oscillent entre premier et second plans au fil de l’intrigue.
Une histoire d’amour, c’est une nouvelle mise en scène huilée avec une scénographie millimétrée et des éclairages soignés qui font le charme des pièces de Michalik. On retrouve le rectangle au sol qui sert d’espace de jeu et le décor et accessoires autour pour des changements qui se feront à vue nous laissant immergés dans l’histoire. En arrière-plan, des projections visuelles nous plongent dans les différents lieux et ambiances agrémentés de choix musicaux variés.
Ces codes proches du cinéma et les tableaux qu’ils créent apportent une vraie dynamique dans une pièce sans temps mort où chaque changement se fait en mouvement et en énergie. C’est dans cet univers que les comédiens nous entrainent et rendent attachants leurs personnages auxquels on s’identifie facilement. Avec beaucoup de générosité, de sincérité et de sensibilité, ils font vivre ces histoires et nous entrainent avec justesse du rire aux larmes. On porte sur eux un regard tendre et empathique tant ils sont réalistes.
Riche en émotions, le texte aborde ces sujets difficiles dans un langage quotidien avec beaucoup d’humour et de second degré mais aussi de violence intérieure. Comme le dit son auteur, crier c’est aussi se sentir vivant : « je me suis servi des émotions que je traversais pour nourrir les dialogues et les personnages qui sont plongés dans le marasme de ce drame amoureux, de cette histoire de vie. »
Les répliques fusent, les dialogues sont ciselés et mélangent simplicité des personnages et complexité de leurs sentiments.
Une histoire d’amour, c'est une pièce de notre temps qui illustre le bonheur jusqu’au moment où tout peut s’écrouler. Elle mélange de multiples histoires d’amour : passionnée, familiale, fraternelle mais aussi un goût pour la vie entre drame et espoir. Entre injustice et impréparation à l’inéluctable.
Prenant et touchant, ce mélodrame nous questionne sur ce qui fait notre existence et l’appréhension de la fin des choses : avec qui être en couple, qu’est-ce que le bonheur, avec qui vouloir fonder une famille, qu’est-ce qu’on réussit dans sa vie.
Une histoire d’amour mais avant tout une magnifique histoire humaine.
Ça sert à quoi d’aimer si tout ce qu’on aime finit par disparaitre ?
Une histoire d'amour
Un spectacle d’Alexis Michalik
Avec Pauline Bression, Juliette Delacroix, Alexis Michalik, Marie-Camille Soyer, et en alternance Lior Chabbat, Violette Guillon et Amélia Lacquemant
Assistante à la mise en scène : Ysmahane Yaqini
Assistée de Clémentine Aussourd
Décor : Juliette Azzopardi
Costumes : Marion Rebmann
Assistée de Violaine de Maupeou
Lumières : Arnaud Jung
Vidéo : Mathias Delfau
Son : Pierre-Antoine Durand
Chorégraphie : Fauve Hautot
Perruques : Julie Poulain
Régie plateau : Laurent Machefert
Assistant régie : Paul Clément-Larosière
Durée : 1h25
Découvert en 2020 à la Scala - Paris
MOLIÈRE 2020 DE LA MISE EN SCÈNE D’UN SPECTACLE DE THÉÂTRE PRIVÉ
L'avis de Virginie Gossart - Lagrandeparade.com/
Un spectacle poignant, entre rires et larmes
En lisant le résumé de la dernière pièce d'Alexis Michalik, le spectateur risque d'être saisi d'une angoisse sourde. Les sujets abordés sont durs et pourraient facilement verser dans le mélodrame : la rupture amoureuse, la maladie, la mort, le deuil. Mais dès les premières minutes, c'est un tourbillon de joie, d'amour, et de fête qui nous entraîne dans son sillage. Même dans les moments les plus graves de la pièce, cette légèreté première ne se démentira pas. L'ouverture sur la chanson d'Aznavour "Et pourtant je n'aime que toi", chantée et dansée successivement par les cinq comédiens principaux, donne le ton des contradictions et des revirements, des joies et des peines qui vont animer les cinq personnages qu'ils incarnent. La scénographie, dynamique, subtile, inventive, pétillante, fait du spectateur le témoin des changements à vue des décors sur roulettes et des costumes, installant une intimité très forte avec les personnages, que l'on suit jusque dans les toilettes, lieu de toutes les prises de conscience, de toutes les révélations. On nous raconte d'abord la rencontre de Justine et Katia, leur coup de foudre, inattendu pour Katia, incapable de s'attacher en amour, encore plus incompréhensible pour Justine, qui "n'aime pas les filles". Après leur installation dans un même appartement (on notera la réplique hilarante du livreur de canapé sur la peur de l'engagement) et un mariage "dans la forêt cosmique", l'envie d'avoir un enfant tenaille si fort Justine qu'elle convainc Katia d'une double insémination artificielle. Avant de s'enfuir pour une relation plus conventionnelle lorsque Katia tombe enceinte. Douze ans plus tard, Katia est mère d'une jeune fille nommée Jade. Elle apprend dans le cabinet d'un médecin la récidive de son cancer et sa mort imminente. Elle cherche alors un tuteur pour sa fille et se tourne vers son frère William, écrivain désabusé et alcoolique, lui aussi hanté par la perte, et dont la dérision cynique est devenue la cuirasse. Ce sont les liens du sang et l'amour de l'écriture qui permettront à William et à la jeune Jeanne de s'apprivoiser, après un jeu du chat et de la souris aussi désopilant qu'émouvant. Les soubresauts intenses et inattendus de la vie sont magnifiquement retranscrits par une succession rythmée d'instantanés toujours justes, où la mélancolie le dispute à l'espoir, et où un humour tendre vient sans cesse chasser les larmes. Les thèmes abordés sont dans l'air du temps et pourraient sembler banals, mais ils conservent intacte leur fraîcheur intemporelle et cathartique grâce à une écriture ciselée et une mise en scène qui ne s'interdit pas les accélérations et les plongées dans l'onirique et le mystique. Une réussite, dans laquelle chacun trouvera un morceau de sa propre histoire.
Dates et lieux des représentations:
- Du 5 au 7 avril 2022 au Théâtre de Nîmes ( 30) - https://theatredenimes.com/
- Du mercredi 20 avril 2022 au dimanche 24 avril 2022 - Théatre Municipal de l'Odéon (162 la Canebière, 13001 Marseille)
- Le 10 mai 2022 au Théâtre Roger Barat ( Place de la Halle, 95220 Herblay)
- Le 12 mai 2022 Espace Carpeaux Salle de spectacle (15 Boulevard Aristide Briand, 92400 Courbevoie)
- Du mardi 12 avril 2022 au samedi 4 juin 2022 Ã la Scala ( 13, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris ) - Email :