La valse d'Icare : un moment de théâtre généreux, émouvant et plein d'humanité
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Nicolas Devort était attendu au tournant après le succès mérité de sa dernière pièce Dans la peau de Cyrano. Pas de fausse note dans sa nouvelle création où l’on retrouve tous les ingrédients qui ont fait le bois de son succès. Une nouvelle fois c’est une leçon de vie qu’il nous livre dans une partition drôle et poétique. Icare vit et vibre musique, il cherche à percer dans le milieu malgré la réticence paternelle. On suit son chemin de vie, la route qu’il trace autour de sa passion : l’amitié au centre de ses débuts, la rencontre amoureuse avec Iris, l’arrivée d’un producteur qui va le hisser au sommet. Une ascension fulgurante avant une chute brutale, la gloire avant le déclin : plongée dans les méandres du show biz et la déchéance de l’homme qui se cache derrière l’artiste. Cette histoire, Icare la raconte à son fils Yann, allongé sur un lit d’hôpital dans le coma. Quand, en arrivant affolé, il demande quoi faire pour aider, Iris, avec qui il est séparé, lui répondra simplement « être présent ». Le déclencheur de ces confidences et de ce temps pour dire et expliquer ce qu’il n’a jamais exprimé. Rattraper le temps perdu avant qu’il ne soit trop tard. L’histoire se joue en plusieurs temps, comme la valse : les confidences à son fils, l’histoire de sa carrière de chanteur des débuts jusqu’à la cassure, la relation familiale avec son père. Les trois s’entrecroisent à travers une vraie performance d’acteurs et un jeu de lumières efficace. Seul sur scène, et avec une chaise comme simple décor, Nicolas Devort vit tous les rôles et nous propose une galerie de personnages hauts en couleur. D’une simple posture, un changement de voix, d’accent, une mimique, un geste, il arrive à les faire tous exister devant nous. C’est brillant et millimétré. Il amène avec subtilité Colin comme un clin d’œil plein d’humour à son Cyrano et une transition entre le succès et le danger de cette nouvelle aventure. Vêtu de noir, et sans artifices, c’est lui qui porte cet univers par son formidable jeu d’acteur : avec naturel et spontanéité, il crée un univers riche dans lequel on se plonge et se délecte rapidement. On sent même qu’il fonctionne parfois à l’intuition, à la sensation du direct pour apporter ou tester quelque chose sur scène. Une part de liberté qui n’enlève rien à l’extrême précision de son jeu. Finalement, il pose la question de jusqu’où peut-on aller pour vivre de sa passion : jusqu’à en oublier l’essentiel, l’humain ? Jusqu’à en oublier ses valeurs ? Jusqu’à s’oublier soi-même ? C’est par un texte fin et intelligent, drôle et délicat qu’il aborde ces thèmes profonds. Derrière l’histoire singulière, un questionnement universel amené avec poésie et subtilité. Touchant, il sait nous interpeller, nous fait rire, nous arracher des larmes et nous bercer avec des passages chantés très réussis. Avec une mise en scène simple et sobre, il revient encore une fois à l’essence même du théâtre : le jeu, le partage, la générosité et l’émotion. La sienne n’est pas feinte sur le plateau et son théâtre, sensible et tendre, ne peut que nous toucher par tant de justesse. Encore une fois, un bijou de théâtre ! Encore une fois, merci !
La valse d’Icare
Texte : Nicolas Devort
Collaboration Artistique : Stéphanie Marino
Lumières : Philippe Sourdive
Production / Diffusion : Pony Production - Sylvain Berdjane
Dates et lieux des représentations:
- Du 11 décembre 2019 au 26 janvier 2020 au Lucernaire (Paris)
- Le 10 mars 2020 Ã Marseille (13)
- Les 4, 5, 6 et 7 juin 2020 Ã Monaco
- Le 22 juin 2020 à Paris (Théâtre Fontaine)
- Le 12 décembre 2020 à La Haye (Pays-Bas)
- Le 18 décembre 2020 à Nimes (30)
- le 2 avril 2021 Ã Saint-Priez en Jarez (42)
Du même metteur en scène :
Dans la peau de Cyrano : une leçon de vie de Nicolas Devort
Le bois dont je suis fait : quand l'écorce se fissure en famille