Je m’appelle Erik Satie : les recoins de la vie d’un musicien
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Je m’appelle Erik Satie déroule les aspects parfois peu connus de la vie complexe d’un compositeur essentiel.
Au théâtre, on joue. Alors comment jouer quelqu’un qui s’appelle « Erik Satie ; comme tout le monde » ? En jouant, par exemple, un homme qui rend visite à sa fille hospitalisée. Comme les enfants, on sera donc « Monsieur Erik Satie » et l’infirmière qui le soigne, lors du séjour à l’hôpital qui fermera la parenthèse d’une vie dédiée à la musique (1866-1925). Le texte de Laetitia Gonzalbes nous dévoile quelques aspects connus et ignorés du compositeur des Gymnopédies ou Parade. Satie n’est pas un musicien comme les autres, ni un homme comme tout le monde : il est tout à la fois un génie musical, tant décrié à l’origine, un manieur d’humour grinçant souvent, un misanthrope, parfois, généreux toujours (il n’est que de rappeler ses actions pour les déshérités et les enfants au patronage d’Arcueil). Confronté à la pauvreté dont il ne se plaignait pas (appartement sans électricité ni eau, parcours à pied, de Montmartre à Arcueil, faute de pouvoir prendre un fiacre), il compatissait à celle du peuple : il devint socialiste puis communiste. Esprit libre, il ne craint pas de partager ses expériences et amitiés, sans préjugés politiques ou sociaux, avec des artistes consacrés comme Debussy, Cocteau et, d’avant-garde, classiques en devenir : Picasso, Braque, Man Ray et des compagnons de rencontre occasionnels, dans les cabarets lors de soirées fortement arrosées. Il est toutefois une catégorie de gens qu’il exécra : certains critiques atrabilaires, des « culs sans musique » ; il le leur fait savoir, s’occasionnant ainsi nombre de procès. Sans que cela n’atténue jamais son humour et sa soif de composition et d’innovation.
Une fragile beauté
Sur scène, les deux comédiens (Elliot Jénicot et Anaïs Yazit) se donnent à fond. Ils nous entraînent dans un tourbillon de danses et de chants. Les moments où se dévoile l’intimité profonde de Satie, en deviennent dès lors plus émouvants, comme le final...tout en fragilité.Evoquer Satie, c’est passer, sans arrêt, du rire et de la satire à la grâce et la beauté. L ‘écran blanc sur lequel on découvre les écrits, les dessins de Satie, participe à créer cette atmosphère de fragile et éphémère beauté, comme de décor dépouillé, dans lequel semblent flotter des ailes immaculées (d’oiseaux, de papillons ?) A moins que ce ne soit les feuilles vierges de partitions restant à composer ou de papier à lettres en attente de réponse aux amis (Satie répondait aux courriers, sans même souvent les ouvrir). Le texte, la mise en scène donnent chair à un personnage complexe, un artiste possédé de son art dans chacun de ses gestes et manies, un Erik Satie éloigné des clichés habituels du compositeur singulier et du citoyen excentrique. On en sort avec la hâte de réécouter Trois morceaux en forme de poire, les sept Gnossiennes , tout en chantonnant les célébrissimes Gymnopédies.
Je m’appelle Erik Satie; comme tout le monde
Avec Elliot Jenicot et Anaïs Yazit
Écriture et mise en scène: Laetitia Gonzalbes
Création musiques et sons : Tim Aknine et David Enfrein
Création costumes et décors: Claire Avias
Illustrations et animations : Suki
Voix-off : Laetitia Gonzalbes, Jennifer Karen et Axel Krot

Durée du spectacle : 1h10
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 4 janvier 2020 au Théâtre de la Contrescarpe Paris 5e (01.42.01.81.88)