Je pionce donc je suis : un formidable contrepied à la rapidité, à l’urgence, au surmenage et à l’épuisement qui nous guettent
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Le temps d’une pause, d’une parenthèse de bien-être et de décompression. Laissez vous envouter par la nuit étoilée qui, sitôt les lumières de la salle éteinte, vous enveloppe de sa tendre douceur. Le brouhaha des spectateurs laisse place au silence. Le rêve éveillé commence alors chut… Laissez vous bercer.
L’histoire banale d’Isidore Beaupieu, chef de projet dans la compagnie de Marc Sanchez, et...en couple avec Sandra. Banale jusqu’à ce matin où le réveil est plus difficile que d’autres, où la fatigue reste tenace jusqu’à la grande messe de présentation de l’innovation de Sanchez, où Isidore s’endort sur place et sa vie bascule. Il devient très vite un buzz médiatique, la machine journalistique s’emballe, son patron le licencie et son couple vacille.
Une bascule jusqu’à la rencontre avec les Sapionces, mouvement révolutionnaire et militant qui prône les bienfaits du sommeil et du rêve. Une nouvelle ère qui s’ouvre où Isidore va suivre ses envies et aspirations dans sa quête d’une vie plus apaisée et apaisante.
On retrouve dans ce conte tout ce qui a fait le succès de Michael Hirsch : une finesse d’écriture, une faculté à jouer avec les mots, une intelligence du propos de fond traité avec humour et poésie, un jeu d’acteur énergique et subtil offrant une variété de caractères faisant vivre l’histoire et ses rebondissements.
Il réalise une belle performance scénique en incarnant une vingtaine de personnages et switchant avec facilité de l’un à l’autre, rendant la pièce rythmée et très vivante.
Son talent d’acteur est valorisé par une mise en scène simple et efficace faisant varier l’espace par l’ingéniosité du décor, une mise en lumière douce et une bande son au diapason.
Au centre du plateau, un panneau blanc recouvert d’oreillers qui matérialisera avec quelques astuces l’entreprise Sanchez, l’espace des Sapionces, un plateau TV. Au sol, un espace délimité par un drap blanc et quelques oreillers : il représente l’appartement d’Isidore et son intimité.
Cette promiscuité de l’espace souligne avec malice la faible séparation pro et perso de nos vies et la place que prennent nos soucis dans notre vie intime. Et c’est là toute la force du spectacle : traiter de manière absurde et décalée une réalité de notre société.
On s’interroge avec légèreté de forme, profondeur de fond, sur l’accélération de nos rythmes, sur notre monde actuel et sur sa violence. Cette pièce est une leçon de vie et un formidable contrepied à la rapidité, à l’urgence, au surmenage et à l’épuisement qui nous guettent. Elle nous invite avec humour à nous recentrer sur nous, à prendre du temps pour nous et à suivre nos flows, ces moments où nous sommes heureux dans ce que nous faisons et prenons soin de nous.
Même si le début est un peu fragile pour que l’histoire et les codes s’installent, on se laisse vite attendrir par cet univers drôle et poétique pour se laisser dorloter par ce cocon de douceur. Par sa simplicité, Michael Hirsch nous partage son monde avec générosité : son émotion sincère en fin de spectacle rend l’ensemble encore plus touchant.
Avec autant de qualités pour ce spectacle, il peut dormir sur ses deux oreilles.
Je pionce donc je suis
Auteur : Michael Hirsch, Ivan Calberac
Avec Michael Hirsch
Mise en scène : Clothilde Daniault
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 19 janvier 2020 au Théâtre Le Lucernaire (53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris)
Lire aussi:
Mickaël Hirsch : un show où les mots prennent tous leurs sens