Katia Ferreira : "Nous avons été aussi paranoïaques avec l’oeuvre que ces garçons le sont sur le suicide de ces filles."
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Texte sensible et émouvant, riche en métaphores, le roman de Jeffrey Eugenides, Virgin Suicides, raconte l'histoire des sœurs Lisbon, issues d'une famille puritaine de Grosse Pointe, une banlieue aisée de Détroit, dans les années 1970. Ronnie, professeur de mathématiques, et sa femme ont cinq filles dans l'adolescence : Cecilia, Lux, Bonnie, Mary et Therese. Un jour, la cadette, Cecilia, se coupe les veines puis, quelques semaines plus tard, se suicide en se défenestrant. Dans cette famille qui semble sans histoire, la mère, souhaitant reprendre les choses en main, décide de déscolariser ses filles, les isolant totalement des autres adolescents de leurs âges. Le roman explique les tentatives des jeunes voisins des sœurs Lisbon pour entrer en communication avec elles, et pour percer, des années plus tard, le mystère de ces filles qui les fascinaient et qu'ils ont, au final, à peine connues.
Katia Ferreira a imaginé une mise en scène pertinente qui entremêle les registres comique et dramatique pour évoquer avec finesse le thème grave du suicide. "First Trip" s'avère un moment de théâtre étonnamment digeste (la pièce dure presque 3h avec l'entracte!) qui exprime avec justesse toute la complexité de la jeunesse, intestinement théâtrale, toujours excessive et à fleur de peau. La distribution de comédien.ne.s conséquente et séduisante à laquelle s'additionne un grand nombre de figurants insuffle du dynamisme au plateau et confère à l'ensemble la sensation de plonger dans une fiction cinématographique à l'américaine ; la musique originale de Florent Dupuis, la scénographie et les costumes vintage instaurent une atmostphère nostalgique - et ancrée dans un espace-temps bien définissable. Les séquences filmées, caméra au poing, qui permettent aux spectateurs de pénétrer davantage dans l'intimité des adolescent.e.s, exacerbent la fraîcheur, la spontanéité et la naïveté des réactions de ces jeunes mais aussi la sensualité des soeurs Lisbon, pouvant s'exprimer là plus effrontément. Déstabilisé, durant toute la représentation, le spectateur s'interroge tout autant que les garçons sur la part de vérité et d'objectivité de son ressenti et de son analyse propre des évènements.
First Trip? Une création qui rappelle aux parents que les enfants ne sont peut-être que "des étrangers avec lesquels on vit un accord tacite" et qu'il faut appréhender en tant que tels - et donc en respectant leur altérité. Une pièce qui, non seulement souligne la nécessité de supporter l'émancipation de sa progéniture, mais mentionne également la part d'insondable du suicide qui exigerait une explication pour ceux qui restent mais demeure dans la majorité des cas une "enquête impossible" aux secrets bien gardés. A voir!
A la genèse de ce projet...le souvenir marquant du film de Sofia Coppola?
J’ai vu le film de Sofia Coppola au moment de sa sortie au cinéma, en 1999, alors que j’étais moi-même adolescente. J’en garde un souvenir très fort. Quelques mois auparavant, une jeune fille de mon collège s’était suicidée. Je ne la connaissais pas personnellement mais je me souviens que ce drame avait créé une émotion très vive dans l’établissement scolaire, et dans toute la ville. Je me souviens avoir été très touchée par le film, parce qu’il me semblait tout à fait rendre les tourments existentiels que traversaient les gens de mon âge. La BO de Air, magnifique, n’a cessé de me suivre. J’ai découvert le roman de Jeffrey Eugenides plus tard, lorsque j’étais étudiante à l’ENSAD. J’ai trouvé son écriture très puissante: j’ai aimé le fait que l’histoire de ces filles soit racontée du point de vue de garçons. Contrairement au film de Coppola, dans le roman, on ne pénètre jamais vraiment dans l’intimité de la maison Lisbon. Le récit est pris en charge par un groupe d’hommes, adolescents eux aussi au moment des faits qui, 25 ans plus tard, cherche encore à comprendre pourquoi ces jeunes filles se sont données la mort au milieu des années 1970. La distance du temps, et la prise de conscience adulte de leurs erreurs de perception lorsqu’ils étaient adolescents confèrent au roman une tendresse et un humour très particuliers.
[bt_quote style="default" width="0"]Le récit est pris en charge par un groupe d’hommes, adolescents eux aussi au moment des faits qui, 25 ans plus tard, cherche encore à comprendre pourquoi ces jeunes filles se sont données la mort au milieu des années 1970. La distance du temps, et la prise de conscience adulte de leurs erreurs de perception lorsqu’ils étaient adolescents confèrent au roman une tendresse et un humour très particuliers.[/bt_quote]
Comment avez-vous travaillé sur cette traduction scénique du roman de Jeffrey Eugenides? A quelles difficultés avez-vous été confronté avec Charly Breton?
Dans un premier temps, nous nous sommes fait les enquêteurs du roman de Eugenides, au même titre que les garçons enquêtent dans le roman sur le drame des soeurs Lisbon. Tous les comédiens l’ont lu scrupuleusement. Nous avons recensé tous les détails, toutes les occurrences sur chaque personnage, nous avons recomposé tous les témoignages qui sont éclatés dans le roman. Nous avons été aussi paranoïaques avec l’oeuvre que ces garçons le sont sur le suicide de ces filles. C’est là je crois la grande force littéraire de Eugenides: il parvient à mettre le lecteur dans le même état que ses narrateurs. Le roman est construit comme un puzzle impossible à rassembler, comme une énigme qu’on ne pourrait pas résoudre. «À la fin, nous avions des pièces du puzzle, mais de quelque façon que nous les assemblions, des trous subsistaient, vides aux formes étranges délimités par ce qui les entourait, comme des pays que nous ne pouvons pas nommer ». C’est à mon sens ici que réside toute la dimension théâtrale de ce roman. La situation d’énonciation est à la fois très claire et très mystérieuse: un groupe d’hommes rend compte des conclusions d’une investigation qu’ils ont menée pendant 25 ans. On ne sait pas dans quel cadre, mais l’adresse au lecteur est directe. Grâce aux témoignages qu’ils recensent et à leur propre travail de remémoration, il sont en mesure de reconstituer des scènes de la vie des filles Lisbon, des scènes qui leur semblent importantes pour comprendre leurs suicides. Il leur arrive également de « répéter » certaines de ces scènes ( comme au théâtre!) pour tenter de voir ce qu’ils n’ont pas vu au moment des faits.
[bt_quote style="default" width="0"]C’est là je crois la grande force littéraire de Eugenides: il parvient à mettre le lecteur dans le même état que ses narrateurs. Le roman est construit comme un puzzle impossible à rassembler, comme une énigme qu’on ne pourrait pas résoudre.[/bt_quote]
Les comédiens ont proposé beaucoup d’improvisations, de variations autour de chaque chapitre du roman. Pour les comédiennes qui jouent les filles Lisbon, il y avait un travail très particulier à mener, en dehors des mots. Comme dans le roman d’Eugenides, elles ne disent dans le spectacle que ce que les garçons, ou des témoignants, les ont entendu dire. Mais il fallait de notre côté travailler sur ces trous, sur ces manques. Que pensent-elles? Que ressentent-elles? Que font-elles dans cette maison lorsqu’elles y sont enfermées? Même si les garçons les perçoivent comme « un monstre à cinq têtes », qui sont-elles individuellement? Qu’est-ce qui les différencie? C’est ce travail d’imaginaire qui donne après aux personnages une densité spectrale particulière sur le plateau.
Le travail d’écriture est arrivé dans un second temps, après toutes ces phases de laboratoire. La difficulté majeure a été parfois de trouver des traductions théâtrales à une écriture romanesque. La langue du roman résistait parfois à la théâtralité. L’entremêlement des temporalités aurait pu rendre la fable difficile à comprendre pour des spectateurs de théâtre qui n’entendent qu’une seule fois chaque information.
[bt_quote style="default" width="0"]Pour les comédiennes qui jouent les filles Lisbon, il y avait un travail très particulier à mener, en dehors des mots. Comme dans le roman d’Eugenides, elles ne disent dans le spectacle que ce que les garçons, ou des témoignants, les ont entendu dire. Mais il fallait de notre côté travailler sur ces trous, sur ces manques. Que pensent-elles? Que ressentent-elles? Que font-elles dans cette maison lorsqu’elles y sont enfermées? Même si les garçons les perçoivent comme « un monstre à cinq têtes », qui sont-elles individuellement? Qu’est-ce qui les différencie?[/bt_quote]
La police, la psychiatrie, les journalistes renoncent à comprendre ces cinq suicides en série...et ce sont les garçons du quartier, anciens voisins et camarades des filles, qui reprennent l’enquête...incapables d’accepter l’inexplicable. Cette démarche est davantage, au final, un besoin d’exorciser un traumatisme des vivants plutôt que de trouver une explication plausible à ces cinq suicides, non?
Par essence, le suicide est une enquête impossible: le coupable est aussi la victime, et emporte avec lui/elle son mobile et ses secrets. C’est le mutisme de toute la société de cette époque qui contraint les garçons à réouvrir cette enquête. Avec au départ le besoin de trouver une explication à ce qui apparaît pour tout le monde ( l’entourage, l’appareil judiciaire, la religion, la science, la presse) inexplicable: comment de si jeunes filles pourraient-elles avoir des raisons de se suicider? Alors qu’elles semblent « vierges » de tout motif, alors qu’elles ont l’air de n’avoir encore rien vécu. Si ces garçons ne renoncent pas à essayer de comprendre, c’est parce qu’au delà de l’histoire individuelle, au delà du fait divers, les suicides des soeurs Lisbon apparaissent comme un point de rupture pour toute une société. Peu à peu, tout le monde s’accorde à dire qu’ils marquent le début du déclin de tout leur quartier.
Ce roman évoque effectivement un drame intime mais dépasse aussi ce cadre en mettant à jour un drame sociétal...comment, dans votre mise en scène, rendez-vous compte de ces deux dimensions?
C’est l’entremêlement des temporalités qui nous a permis de rendre compte de ces deux dimensions. Alors que les filles Lisbon apparaissaient comme les bouc émissaires d’une époque au moment de leur mort, elles prennent peu à peu le statut de prophètes. Le destin du quartier semble les réhabiliter. Avec le recul du temps, les habitants de Grosse Pointe prennent conscience que leurs morts annonçaient la déliquescence de toute une société: l’effondrement de l’industrie automobile dans cette région du Michigan, la pollution de la planète, le sentiment pour toute une tranche de population puritaine américaine d’une sorte de perte de valeurs morales- les grandes villes venant polluer les petites banlieues tranquilles avec leurs idées libertaires, les vagues d’immigration d’une population étrangère perçue comme dangereuse... Il y a tout un champ lexical de la maladie, de la contamination. En s’ouvrant les veines, Cecilia répand « un poison dans l’air », les ormes sont atteint d’une maladie causée par un champignon venu d’Europe, Cecilia s’inquiète de l’extinction de plusieurs espèces animales, des nuées de moucherons infestent les jardins et les maisons... Les métaphores du fléau abondent!
[bt_quote style="default" width="0"]Alors que les filles Lisbon apparaissaient comme les bouc émissaires d’une époque au moment de leur mort, elles prennent peu à peu le statut de prophètes.[/bt_quote]
Ainsi, au delà du drame intime, ou du fait divers, il s’agit d’un problème national. Ces adolescentes deviennent des symboles de l’adolescence de ce jeune pays qu’est les Etats Unis aux milieu des années 1970, un pays en pleines mutations.
Côté distribution : quels ont été vos choix et pourquoi? Quel rôle joue, par exemple, Evelyne Didi, Dag Jeanneret ou encore Sylvère Santin...et dans quelle mesure ces acteurs vous semblaient-ils convenir à ce que vous attendiez du rôle?
Le premier laboratoire autour de Virgin Suicides date d’il y a quatre ans, alors que je sortais à peine de l’ENSAD. L’équipe est composée essentiellement de personnes que j’ai eu la chance de rencontrer pendant mes quatre années dans cette école. Laurie, Vincent, Florent, Valentin et Mathias sont issus de la même promotion que moi. Ils étaient tous les quatre dans mon premier spectacle, Foi, Amour, Espérance. Nous nous connaissons très bien dans le travail, nous nous sommes construits, au fur et à mesure des projets ensemble, une langue commune. Nous avons vécu ensemble, et avec Sylvère Santin également, la création et la tournée de Nobody mis en scène par Cyril Teste. Ça a été pour nous tous une première expérience professionnelle très fondatrice. Dans First Trip, les comédiens se filment eux-même, et c’est l’appréhension du travail très particulier du Collectif MxM sur les nouvelles technologies qui nous permet aujourd’hui d’utiliser ce type d’écriture dans nos propres projets. À l’école, j’ai rencontré également Charly Breton, qui est mon collaborateur artistique, et Charles-Henri Wolff qui jouent dans le spectacle une galerie de personnages adultes masculins qui gravitent autour des soeurs Lisbon. Nous avons cofondé ensemble « le 5ème quart ». Coline Dervieux nous a rejoint en administration il y a an et demi. Audrey Montpied et Lou Martin-Fernet et Frédérique Dufour sont également des anciennes élèves de l’ENSAD, issues de promotions précédentes.
Dag Jeanneret et Evelyne Didi jouent Mr et Mrs Lisbon, les parents des soeurs. Ils ont été tous deux artistes intervenants à l’ENSAD, ils ont donc été mes « professeurs » lorsque j’y étais étudiante.
Laureline Le Bris-Cep qui joue Bonnie Lisbon, vient de l’ERAC. Je l’ai rencontrée après l’école, et je lui ai immédiatement parlé du projet. Pour les filles Lisbon, je cherchais des comédiennes qui ont une présence magnétique au plateau, capables d’exprimer beaucoup de choses en parlant peu. Margot Madec a rejoint l’équipe plus récemment. Elle vient de sortir de l’école du Nord, c’est la plus jeune de l’équipe et elle joue Cecilia Lisbon, la plus petite soeur qui va se suicider un an avant les autres.
Ce sont tous des acteurs sensibles, drôles, avec une vraie exigence dans l’appréhension du travail de texte.
La vidéo a une part importante dans ce travail. Quel rôle joue-t-elle pour vous? Comment l’avez-vous conçue avec Christophe Gaultier?
La grammaire vidéo du spectacle s’organise autour de deux régimes très différents. Il y a d’une part les vidéos « témoignages », qui participent de l’enquête, comme des pièces à convictions. Durant ces vingt-cinq années, les garçons sont allés interroger beaucoup de personnes: les parents des filles Lisbon, leur grand-mère, leurs amis, camarades de classe, les voisins du quartier, Trip Fountain qui a été l’amant de Lux Lisbon, le prêtre de la famille, le psychiatre qui a reçu trois des cinq soeurs Lisbon, leur dentiste... Ces vidéos, préenregistrées, nous permettent de ramener sur le plateau la foule de personnes qui ont contribué à l’enquête des garçons. S’agissant de vidéos captées à des époques très différentes, le traitement de la qualité de l’image nous permet de signifier le passage du temps ( de la super 8 des années 1970 à la VHS des années 1990). Il fallait pour ces vidéos amateures trouver une manière de filmer maladroite, les jeunes de cette époque n’étant pas familiarisés avec ces outils. Ces vidéos sont diffusées sur un écran LED (l’écran score du gymnase du lycée qui est investi par les garçons au moment de l’énonciation).
Il y a également des vidéos filmées en direct sur le plateau, par les acteurs eux-mêmes. Ce sont des scènes que les garçons ont été en mesure de reconstituer parfaitement, car ils les ont vécues directement avec les filles ( une boom, un trajet en voiture, un bal de promotion). L’addition de leurs souvenirs subjectifs nous permet d’avoir un plan séquence de ces scènes, filmées par les enquêteurs en relai de caméra subjective, comme si nous plongions dans leurs souvenirs. Christophe Gaultier étant comédien, il a su chorégraphier ce relai de caméra de façon très organique, en prenant en compte les contraintes de jeu des comédiens.
Vous avez travaillé avec des lycéens lors du processus créatif...la rencontre avec l’adolescence d’aujourd’hui a-t-elle influé sur votre travail? Les malaises de la jeunesse d’aujourd’hui sont-ils si différents de ceux de l’Amérique puritaine dans le fond?
Le contexte social et culturel est très différent. Les jeunes avec lesquels nous avons travaillé sont heureusement beaucoup plus libres. Ils ont une connaissance plus intime du sexe opposé. Cependant, un grand nombre de malaises de la jeunesse américaine des années 1970 décrits dans le roman restent d’actualité: un sentiment de mal-être, souvent difficile à décrire, la difficulté à communiquer avec les autres et en particulier avec les adultes, le choc des générations, le poids de la religion dans certains pays ou dans certaines familles, le sentiment de ne pas toujours pouvoir décideer réellement de son avenir, une forme de pression face à un devoir de réussite... Aujourd’hui encore, le suicide reste la seconde cause de mort chez les 15-24 ans aux Etats-Unis, et deux fois plus de filles font des tentatives.Il y a un très beau film de Deniz Gamze Ergüven, datant de 2015, et s’appelant « Mustang », qui apparait comme une réécriture de Virgin Suicides dans la Turquie contemporaine.
Il y aura donc des lycéens sur le plateau...?
Oui! Il y aura vingt lycéens issus du lycée Jean Monnet, dans lequel nous avions présenté une première étape de travail il y a deux ans. Lors de la création à Grenoble, nous avons travaillé avec un groupe de jeunes, toute une partie du spectacle se déroulant dans une HighSchool. Ils ont crée des parcours de présence, qui insufflent une vitalité très forte au spectacle. Ils incarnent cet appétit de vivre dont parle précisément le roman. Dans chaque ville, nous rencontrons des jeunes en amont des représentations, nous répétons avec eux quelques jours avant, afin de les préparer à cette expérience.
[bt_quote style="default" width="0"]Dans chaque ville, nous rencontrons des jeunes en amont des représentations, nous répétons avec eux quelques jours avant, afin de les préparer à cette expérience.[/bt_quote]
....pourriez-vous nous expliquer le choix du titre de votre pièce? « First Trip »?
Littéralement, cela signifie « premier voyage ». Dans le roman, il est question de toutes les premières fois que l’on vit à l’adolescence: le premier baiser que l’on échange, la première expérience sexuelle, la première cigarette ou les premiers joints, la première fois où l’on boit de l’alcool... Tous les interdits que l’on brave pour vivre ces premières expériences marquantes, fondatrices dans notre expérience. Un « trip », c’est également une hallucination. Ces garçons ne cessent de fantasmer sur ces filles, et de fantasmer leur vie. C’est aussi une évocation de la musique de cette époque, du rock’n roll et des drogues qui y étaient associées.
Enfin, il y a tout un motif du voyage dans le roman: le trajet en voiture des garçons et des filles Lisbon pour aller au bal de promo est une scène d’un extrême sensualité, c’est dans la voiture de Trip ( encore un!) que Lux l’embrasse pour la première fois. Pendant leur claustration les filles se font livrer des magazines de voyages pour rêver d’un ailleurs; avant de se suicider, les filles sont surprises en train de faire leur valise, lors de leur dernière nuit, elles invitent les garçons à venir les chercher pour partir en Floride. Mais la valise se révèle être en réalité un contrepoids pour la pendaison de Bonnie. Et c’est dans la voiture de ses parents, asphyxiée, que Lux fait finalement son dernier voyage.
Enfin... votre travail autour de « Virgin Suicides » a-t-elle suscité une réflexion spécifique autour de la Femme? Ce sont en effet cinq soeurs qui se sont suicidées...leur volonté d’en finir peut-elle avoir eu un lien avec leur réalité de fille? Ou cette problématique n'a pas été centrale dans votre démarche dramaturgique?
Ça a été une problématique centrale dans notre démarche dramaturgique. C’est à travers le regard de ce groupe de garçons ayant sensiblement le même âge que les soeurs Lisbon que l’on prend conscience de leur réalité de filles. En lisant le journal intime de Cecilia que l’un d’entre eux a volé après sa mort, ils découvrent ce qu’est le quotidien d’une jeune fille, que l’on éduque à devenir une femme au foyer, une mère de famille, pendant qu’eux peuvent jouer pendant des heures dans leur jardin. Peu à peu, ils ressentent « la sensation d’être en prison qu’éprouve toute fille » de leur âge. Les filles Lisbon apparaissent comme les premières adolescentes, comme si la guerre du Vietnam, en mobilisant les jeunes hommes sur le front, avait provoqué l’émergence d’une nouvelle réalité féminine: des jeunes filles, à peine sortie de l’enfance, mais qu’on ne peut pas encore marier. Il y a chez chacune des filles Lisbon un très fort désir d’émancipation, s’exprimant de leur vivant de façons très différentes mais trouvant au final la même résolution.
First Trip
Traduction : Marc Cholodenko
Adaptation : Katia Ferreira et Charly Breton
Mise en scène : Katia Ferreira
Collaboration artistique : Charly Breton, Mathias Labelle et Charles-Henri Wolff
Dramaturgie : Charly Breton
Avec : Laurie Barthélémy, Evelyne Didi, Florent Dupuis, Frédérique Dufour, Dag Jeanneret, Mathias Labelle, Laureline Le Bris-Cep, Margot Madec, Lou Martin-Fernet, Audrey Montpied, Valentin Rolland, Sylvère Santin, Vincent Steinebach, Charles-Henri Wolff
Réalisation vidéo : Christophe Gaultier
Musique originale : Florent Dupuis
Photos : Marie Clauzade, Florent Dupuis, Pascale Cholette
Un spectacle du 5ème quart | Production MC2: Grenoble | Coproduction MC2: Grenoble, Le 5ème quart, Printemps des comédiens, Théâtre de l’Archipel - Scène nationale de Perpignan, Théâtre de la Cité - Centre dramatique national Toulouse Occitanie | Résidence Les 13 vents - CDN Montpellier, Les studios de Virecourt | Le spectacle est soutenu par La Maison Louis Jouvet / ENSAD (École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier Languedoc-Roussillon), Le CENTQUATRE-PARIS, La Spedidam | Avec le soutien et l’accompagnement du Collectif MxM, tout particulièrement, Cyril Teste, Julien Boizard et Anaïs Cartier | Remerciements : Guillaume Allory, Thibault Lamy, Jason Razoux, Paul Poncet, Camille Soulerin, Victor Assié, Nica de Wilde, le collectif la carte blanche, Ariel Garcia-Valdes, Evelyne Correard, Gildas Millin, Mustapha Tuil, Sylvie Suire, Guillaume Vincent, Valérie Grall, Céline Gaudier, Sandrine Hutinet, Philippe Gayola, Ina Kang, Quentin Chesnais, Sarah Bornstein, Lucie Ben Bâta, Wanda Wellard, Piotr, Blanche Adilon, Maud Paschal, Erik Truffaz, Daniel Martin, Pauline Collin, Morgan Lloyd Sicard, Maxime Taffanel, Rébecca Truffot, Marion Held-Javal, Michel Labelle, Marion Montel, Jacques Baylet, le Bowlingstar de Montpellier, le lycée Jacques Decour à Paris, Frédéric Birault, mon-uniforme-scolaire.com, les Hurricanes de Montpellier, HD Diner - Opéra et le Stade Maurice Rigaud d’Albi | Administration, production : Le 5ème quart Coline Dervieux.
Dates et lieux des représentations:
- Les 7 et 8 juin 2019 au Théâtre Jean-Claude Carrière- Printemps des Comédiens - Montpellier
- Du 20 au 22 novembre 2019 - Le Tandem, Scène Nationale d’Arras Douai
- Les 31 janvier et 1 er février 2020 - Scène Nationale Sénart
- Les 6 et 7 février 2020 - L’Archipel, Scène Nationale de Perpignan
- Le 14 février 2020 - Théâtre des Salins, Scène Nationale de Martigues
- Du 12 au 22 mars 2020 ( relâche les 15 et 16) - Le Montfort - Paris
- Du 31 mars au 2 avril 2020 - MC2 - Grenoble