Et ma cendre sera plus chaude que leur vie : la vie tragique d’une poétesse
- Écrit par : Victor Waque
Par Victor Waqué - Lagrandeparade.com/ Seule sur scène, Marina Tsvetaeva est vêtue de vêtements amples de couleur sombre. Comme la chaise sur laquelle elle est assise. Comme le mur du fond de scène du théâtre le Lucernaire où sont projetés des mouvements lents et flous d’une onde de noir et de blanc. Le décor est posé. Un espace vide, un silence assourdissant, une femme meurtrie par la vie.
« Et ma cendre sera plus chaude que leur vie » est le témoignage de Marina Tsvetaeva sur sa vie de poétesse. Sa vie de mère. D’épouse. D’âme brûlante et tiraillée.
Il faut dire que Marina Tsvetaeva naît pendant une période tragique de l’histoire de la Russie. Elle traversera la révolution Russe de 1917, la famine qui en résultera, et la pauvreté. Elle vivra le décès de sa fille encore enfant. Bien plus tard la mort de son mari. Une vie pleine d’épreuves qui colorent ses yeux d’un voile sombre.
Elle affirme ainsi ne pas faire partie de l’humanité des vivants qu’elle ne comprend pas. Elle préfère rester dans le monde imaginaire, le seul qui lui soit doux. Marina Tsvetaeva est une femme d’esprit. Elle s’occupe de son âme, de ses émotions, de ses songes, des mots qui en résultent. A l’inverse son corps et les contingences de la vie ne l’intéressent pas. Ils sont toujours décevants.
C’est la raison pour laquelle Marie Montegani propose une mise en scène sombre et minimaliste. Pas de décor, peu de lumière, juste une chaise et une Marina Tsvetaeva immobile, car la seule chose qui importe est la pensée qui court dans sa tête. Le reste est néant.
Immobile, Marina Tsvetaeva nous transporte avec les mots. Par la voix chaude et courroucée de la comédienne Clara Ponsot, une voix qui ne cesse de trembler, de s’insurger, de tomber dans les tons graves du désespoir et du mal-être. Une Marina Tsvetaeva effrayante admirablement jouée. Alors que la scène est sombre, les seuls petits rayons lumineux éclairent ce visage las et fatigué. De ces lèvres en mouvement, les mots sont amplifiés par cette intimité sombre. Les mots de Marina Tsvetaeva sont sublimés sur scène. La voix. La lumière. Ce visage. Et l’écran derrière elle qui ne cessera presque jamais de diffuser ces images floues et lentes qui décrivent au ralenti une onde se déplaçant comme la mer sur le rivage. Sans commencement ni fin. Une image qui fait écho aux paroles et à l’état d’esprit de la poétesse. Un sombre désespoir. Une solitude triste.
Les mots plein de lyrisme nous accrochent à cet esprit affolé et fatigué. Ils nous entraînent dans les méandres de la tristesse, de la souffrance, du regret. Peu d’espoir donc. Ou alors dans l’écriture et l’imaginaire. La poétesse se centre sur elle-même partageant toute son intimité : ses désirs, ses peurs, ses amours. Elle ne parlera jamais des autres. Ou alors pour mieux les fuir...
« Et ma cendre sera plus chaude que leur vie » est un spectacle lugubre d’une femme qui analyse finement ses émotions à l’aide de tout ce que peu lui offrir la richesse de la langue. Cet état d’esprit, couplé à une écriture enflammée, nous entraîne dans des réflexions existentielles colorées de noir et de gris, où surgit le génie des mots et le dynamisme de la pensée. Mais de cela ne résulte qu’une chose, la mort.
Et ma cendre sera plus chaude que leur vie
Auteur : Marina Tsvetaeva
Avec Clara Ponsot
Mise en scène : Marie Montegani
Dates et lieux des représentations:
- Du 13/02/19 au 06/04/19 au Théâtre du Lucernaire ( 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris )