Justine, Compagnie Mœbius : dans le corps et dans la tête d'une adolescente en marge
- Écrit par : Virginie Gossart
Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.com/ Lorsque le spectateur s'installe dans le théâtre de l'Odéon, Justine est déjà sur le plateau : assise sur le banc d'un vestiaire, engoncée dans un justaucorps et un tutu blancs, customisés par des genouillères bleues, elle semble ailleurs, le regard perdu, se rongeant mécaniquement les ongles pour témoigner d'une angoisse, d'abord diffuse, qui va prendre peu à peu tout l'espace de la scène, voire de la salle, intimant au spectateur l'ordre muet de se taire. Et ça marche. Le silence et le malaise s'installent peu à peu. Ils ne vont pas nous quitter durant les 1 heures 15 de spectacle.. .
Mais ne croyez pas pour autant qu'il s'agit d'une énième variation didactique, nécessaire, mais un brin moralisante sur le harcèlement scolaire. Non, car la compagnie montpelliéraine Mœbius a choisi un angle d'attaque tout à fait inédit : elle s'est engagée depuis plusieurs années dans une recherche sur le thème du bouc-émissaire, menant notamment de multiples ateliers dans des collèges, maisons d'enfance à caractère social, hôpitaux de jour. C'est leur rencontre avec une jeune fille de classe ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire), qui se réfugiait dans un monde fantasmatique pour pallier une réalité difficile, qui a été décisive dans le lancement du projet de Justine. Cette réalité concrète, on la perçoit à chaque tableau, qui sonne juste et nous bouleverse sans sombrer dans un pathos larmoyant. La première scène, dans le gymnase, où Justine finit le visage recouvert de son propre gâteau d'anniversaire, subissant les brimades et les insultes de ses camarades, est glaçante. Mais ce réalisme parfois très cru serait insupportable sans sublimation poétique. Cette sublimation, c'est le point de vue de Justine qui l'autorise. La jeune fille, pour échapper à ce réel, se réfugie dans une bulle de fantasmes où tout devient possible, y compris de métamorphoser l'un de ses agresseurs en un prétendant imaginaire. Cette ambivalence nous conduit, avec elle, à nous interroger sur les notions d'exclusion, de victimisation et de domination. Et ce n'est sans doute pas un hasard si Justine porte le prénom d'une héroïne du marquis de Sade, et pas des moindres. Car les questions du sadisme et du masochisme sont souvent posées dans le spectacle. N'y-a-t-il pas dans la position de victime une forme de plaisir contradictoire ? N'y-a-t-il pas non plus dans le monstre collectif une pulsion insidieuse qui peut à tout moment nous faire basculer dans le rôle du bourreau ? C'est sur ce fil ténu que se déroule le spectacle, dans un refus de toute posture manichéenne. On en sort avec de nombreuses questions sur les autres et sur soi. Un objet artistique original et salutaire, à découvrir de toute urgence.
JUSTINE - COMPAGNIE MÅ’BIUS
ECRITURE COLLECTIVE
CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE : CHARLOTTE DAQUET
AVEC
 MARIE VIRES, MARIE VAUZELLE ET CHRISTOPHE GAULTIER
CRÉATION LUMIÈRE : YANN LORIC
 - CRÉATION SON : JOSÉ AMERVEIL
PRODUCTION : MÅ’BIUS
ACCUEILS EN RÉSIDENCE COLLÈGE JEAN BÈNE, PÉZENAS (34) ; INSTITUT D’ALZON, NÎMES (30) EN PARTENARIAT AVEC LE THÉÂTRE DE NÎMES – SCÈNE CONVENTIONNÉE D’INTÉRÊT NATIONAL – ART ET CRÉATION – DANSE CONTEMPORAINE ; THÉÂTRE LA VIGNETTE, MONTPELLIER (34) ; LA GARE FRANCHE, MARSEILLE (13) ; THÉÂTRE DE FONTBLANCHE, VITROLLES (13).
AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION OCCITANIE, DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’HÉRAULT, DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU GARD ET DE LA VILLE DE MONTPELLIER.
© PHOTO MATHIEU BONFILS
DURÉE 1H15
Dates et lieux des représentations:
- JEUDI 21 MARS 2019 20H - ODÉON - Théâtre de Nîmes ( 30)