La Veuve du 9.3 : le « Dialogueuloir » de Gilles Sampieri
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Au théâtre du Colombier, on ne parle pas de « spectacles » (vivant) mais de « créations ». Créée par Gilles Sampieri, en 1997, la compagnie Langaja Groupement ouvre son espace de recherche à « la construction de nouveaux répertoires, en associant des auteurs et des chorégraphes, éventuellement, aux écritures « non-consensuelles » et « engagées », pour proposer au public une « traversée de rencontres et de projets autour de nouvelles écritures scéniques radicales ».
Vous l'aurez compris, en lisant ce préambule, ne vous attendez pas à des portes qui claquent et des crises de rigolades, en allant voir "La veuve du 93, premier volet d'un cycle de trois fictions, sur des trajets de vie face aux grandes mutations à la périphérie des grandes villes. Il est question ici de banlieue, rouge colère, pas des Grands Boulevards du grand show meanstream : la fameuse société du spectacle, annoncée par Guy Debord.
Il s'agit, dixit encore une fois Gilles Sampieri : « d'histoires de personnages qui essaient de se réapproprier le réel face à des administrations sourdes, ou des changements subits de leur vie, professionnelles ou intimes ». Autour de « La » création », le 9 février a eu lieu une lecture des Murs sauvages, avec Martial et Walter Thompson. Celle de « L'homme particulier (avec Grégory Georges) aura lieu le 16 février 2019 à 18 h. La veuve du 9.3 est un long poème (coup de gueule) en prose. Elle se veut une pièce sur le « vagabondage et la marginalité », nous dit-on, mais c'est aussi, et surtout, le pétage de plombs d'une femme face au système administratif, ou plus largement confronté au rapport de force, de pouvoir, et aux jugements de valeur (des éditeurs et autres pourvoyeurs d'aides publiques) basés sur la « réussite » sociale.
La veuve du 9. 3 est borderline parce qu'elle s'épuise à tenter de faire connaître le travail de son défunt mari. Or, comme chacun sait : un bon auteur est un auteur mort ! Jouée avec force conviction par l'énergique Céline Maguerie, qui porte ce texte exigeant à bout de... pieds (elle ne cesse de changer de chaussures), cette veuve combative est rejetée à la périphérie de sa vie, au milieu d'une ville en pleine urbanisation. Elle est aussi rejetée à la périphérie de sa profession (d'auteure ou de femme d'auteur ?), par l'hypocrisie des commémorations. C'est une exclue du système, comme on dit. Elle est censée transporter son mari dans un cercueil à roulettes, mais en fait ce sont ses kilos de manuscrits qu'elle trimbale, comme un poids. Ceux d'un auteur mort en résidence surveillée.
La veuve du 93 est une création (pas une récréation) sur la marginalité : « Dans un rapport à la langue de plus en plus normatif, comment faire une place aux marges dans la cité ? », demande Gilles Sampieri. En continuant à « jouer », à créer, dans ces banlieues parfois désertées par le monde culturel. Ce n'est pas le cas de Bagnolet, petite ville du 9.3 (36 000 hbts) qui résiste, tel le village d'Astérix le gaulois. Depuis vingt ans, à l'ombre des bureaux futuristes des Tours Mercuriales, à l'échangeur de la Porte de Bagnolet, le petit Colombier fait figure de TAZ (Zone Autonome Temporaire), au même titre que le théâtre de l'Echangeur, et/ou le Samovar, pas loin. A l'image de cette veuve qui se bat avec la mémoire, déterminée à faire éditer un auteur mort et inconnu. « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent », disait Victor Hugo. La veuve du Colombier est plus vivante que bien des auteurs « connus » déjà morts... Elle au moins a résisté, a tenté de se rebeller, elle donc a vécu dignement. La trajectoire de cette femme, orpheline de son amour, est le récit d'une « marche contre la perte de sens et de l'uniformisation de nos espaces d'expressions ». Nous vous avons compris, Gilles Sampieri, encore chapeau à Céline Marguerie qui envoie du bois, comme on dit dans le 9.3 !
La Veuve du 9.3
Durée : 1 h 10
Ecriture et mise en scène : Gilles Sampieri
Interprétation : Céline Marguerie
Dates et lieux des représentations:
- Du lundi au samedi à 20h30 / Dimanche à 17h / Relâche le jeudi soir/ Le jeudi 14 février à 14h, jusqu'au 17 février 2019 au Théâtre Le Colombier/ 20, rue Marie-Anne Colombier 93170 Bagnolet (MÉTRO GALLIENI - ligne 3). Bus 122 et 318.
Renseignement / Réservations : 01 43 60 72 81 -
- Du 7 au 19 octobre 2019 au Théâtre Le Colombier/ 20, rue Marie-Anne Colombier 93170 Bagnolet (MÉTRO GALLIENI - ligne 3). Bus 122 et 318.
Renseignement / Réservations : 01 43 60 72 81 -