The Notebook : la vengeance est un plat qui se mange froid
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ The Notebook a été rédigé par l’écrivaine hongroise Agota Kristof ; elle vivait alors exilée à Neuchâtel en Suisse, après avoir fui avec sa famille les troupes soviétiques en 1956. Il narre l’histoire de deux jeunes jumeaux laissés à la campagne chez leur grand-mère - surnommée par tous « La sorcière » - afin de les protéger de la guerre qui fait rage.
Cette dernière, acariâtre et avare, les traite de « fils de chienne » et cache les colis que leur mère leur envoie. Livrés à eux-mêmes et d’une intelligence terriblement aiguë, ils apprennent à surmonter toutes sortes de privations et font des exercices d’endurcissement à la douleur physique et morale pour cesser d’avoir mal. Il faut "s’habituer aux injures et aux mots qui blessent"… "jusqu’à ce que les mots n’entrent plus dans les oreilles." On ne sait pas exactement à quelle époque et dans quel pays se situe la maison de la grand-mère mais le conflit résonne comme celui de la seconde guerre mondiale et la chaumière est non loin d’un camp de concentration qui laissera un charnier aussi horrible que pestilentiel. Les jumeaux ont décidé de tenir un grand cahier de compositions dans lequel ils narrent leurs découvertes et leurs expériences, en essayant de cultiver la plus grande objectivité ; l’écriture est ainsi dépouillée de sentiments - « Aimer n’est pas un mot juste » et tout est décrit avec une précision déstabilisante tant parfois les enfants sont amenés à raconter des faits inacceptables pour les oreilles de l’auditeur et dont eux se font les simples passeurs, a priori totalement détachés de toute émotion…
[bt_quote style="default" width="0"]Le fruit ne retombe jamais loin de l’arbre.[/bt_quote]
Gravitent en effet autour d’eux de nombreux adultes aux agissements d’une perversité et d’une immoralité consternantes mais l’on réalise très vite que leur complicité et leur intelligence leur donnent une force épatante qui leur permet de vaincre l’adversité. D’ailleurs, ces garçons sont-ils aussi insensibles qu’ils le prétendent? N’entend-on pas qu’ «ils n’oublient jamais rien »?
Robin Arthur et Richard Lowdon offrent une performance théâtrale de grand intérêt ; ils incarnent de manière troublante ces deux jumeaux dont les voix se superposent souvent pour témoigner et leur côté gentleman discret est pertinemment en décalage avec le mordant des mots dénudés de tout filtre, de tout euphémisme ou commentaire sensible. Derrière l’apparente naïveté des réalités décrites se dépeint d’une humanité totalement en déroute…et si parfois une lanterne d’espoir se profile - un cordonnier plein d’abnégation qui offre des bottes fourrées ou une grand-mère qui n'est peut-être pas si mauvaise après tout - partout, surtout, on voit des adultes menés par leurs désirs, leurs rancoeurs, leurs peurs et leurs égoismes. Les deux acteurs, dans un jeu sobre mais investi, réussissent à faire naître un sentiment jubilatoire final dont nous tairons la nature et la raison pour laisser le suspense.
"The Notebook" est une pièce aussi déstabilisante que remarquable tant elle ne chemine jamais là où l’on attend… Deux heures en anglais d’une intelligibilité et d’une tenue de jeu impeccable! Well done!
[bt_quote style="default" width="0"]Pourquoi avez-vous empoisonné Grand-Père? [/bt_quote]
The Notebook
D'après Le Grand Cahier de Ágota Kristóf publié aux Éditions du Seuil
Mise en scène : Tim Etchells
Spectacle imaginé et conçu par Robin Arthur, Tim Etchells, Richard Lowdon, Claire Marshall, Cathy Naden, Terry O’Connor
Avec Robin Arthur, Richard Lowdon
Scénographie : Richard Lowdon
Lumières : Jim Harrison
Directrice exécutive : Eileen Evans
Directeur de la production : Jim Harrison
Directrice technique : Nathalie Simpson
Directeur du marketing : Sam Stockdale
Production : Forced Entertainment
Coproduction : PACT Zollverein (Essen), LIFT (Londres), 14-18 NOW, WW1 Centenary Art Commission
Avec le soutien du National Lottery through the Heritage Lottery Fund et Arts Council (Angleterre) / Une commande collective de House on Fire, HAU Hebbel am Ufer (Berlin), Kaaitheater (Bruxelles), Teatro Maria Matos (Lisbonne), LIFT et Malta Festival Poznan
Avec le soutien du Programme Culture de l'Union européenne
Avec le soutien généreux du Lancaster Institute of Contemporary Arts (LICA)
Dates et lieux des représentations:
- Du jeu. 10/01/19 au sam. 12/01/19 au Lausanne - Théâtre Vidy-Lausanne - Tel. +41 (0)21 619 45 45
- Les 22 et 23 janvier 2019 au Théâtre de la Vignette - Université Paul-Valéry 3 - Montpellier ( Route de Mende 34199 Montpellier cedex 5 ) Information +33(0)4 67 14 55 98