Le bon grain : une farce pour penser la transition écologique
- Écrit par : Victor Waque
Par Victor Waqué - Lagrandeparade.com/ La chaleureuse petite salle du théâtre Comédie Nation accueille du 12 novembre 2018 au 5 janvier 2019 le spectacle « Le bon grain ». A travers l’histoire burlesque d’une reine qui veut lutter contre le réchauffement climatique sans diminuer ses privilèges, « Le bon grain » questionne le lien entre inégalités sociales et transition écologique. Il nous montre avec humour que sans égalité sociale, les mesures pour diminuer le réchauffement climatiques sont vouées à l’échec. Un moment drôle et réussi qui nous fait prendre conscience de la lourde tâche qui reste à accomplir.
C’est l’histoire d’une reine. Tyrannique. Péremptoire. Égoïste. Elle aime jardiner. Concocter des plats savoureux à son roi chéri. Un roi soumis, malade de sa femme. La reine dirige son pays d’une main de fer, assistée par des ministres craintifs. Le ministre de l’économie cherche à générer des bénéfices. Le ministre de l’écologie promeut un développement vert qui implique un retour à l’âge de pierre. Le dernier ministre propose un discours plus équilibré.
Un jour, une île du royaume disparaît sous les eaux. Les méfaits du réchauffement climatique. Ne supportant pas de perdre ce lieu dans lequel elle aimait faire des promenades, la reine décide de lancer un plan d’urgence contre le réchauffement climatique. Elle choisit la voie de l’économie : éliminer les chômeurs de la société. Ils ne pollueront plus !
En conséquence, tout le monde se jette sur le moindre métier. La loi de l’offre et la demande rendant chaque contrat plus précaire et injuste. Le peuple s’insurge. Mais la reine poursuit ses mesures. Elle veut conserver ses privilèges. La suite est un enchaînement rocambolesque !
Chaque personnage est un condensé de farce. La reine est excentrique. Elle crie, chante, agresse et écrase tous ceux qu’elle rencontre. A l’inverse le roi est triste, pataud, faible devant chaque parole de sa femme. Les ministres tremblent à chaque mot de la reine. Les quatre comédiens jouent plusieurs personnages. Ils passent de l’un à l’autre avec facilité. De la reine à un manifestant, du ministre au chômeur. Les costumes minimalistes sont hilarants, à l’exemple du tueur à gage, habillé d’un grand k-wai sombre et d’un petit pistolet. Une sorte de cow-boy ridicule. Ca fonctionne !
La trame de l’histoire est finement écrite. Les situations cocasses s’accumulent sous le rire des spectateurs tandis que les personnages prennent des décisions toujours plus absurdes. Lorsque le peuple est en situation de famine suite aux changements politiques de la reine, les ministres ne trouvent pas d’autres idées que de distribuer des médicaments qui coupent la faim à la population. Les spectateurs rient autant par l’absurdité des textes que par les exubérances de la reine qui de sa voix forte traite comme un enfant son mari, et comme des esclaves ses ministres !
Sous le spectre de l’humour, « Le bon grain » traite un sujet des plus sérieux. L’écologie. Plus précisément, le spectacle met en évidence la complexe relation entre inégalité sociale et transition environnementale. Une publication récente (Ref : Fitoussi et Laurent, La nouvelle écologie politique, Le seuil, 2008) affirme que les changements écologiques ne seraient possibles que si les inégalités sociales diminuaient. Tant que les dirigeants ne partagent pas plus les richesses (soixante-deux personnes détiennent la moitié des richesses du globe (Rapport de l’ONG Oxfam 2016)), les propositions de changements écologiques seront difficiles à mettre en place. La population sera dans l’incapacité de s’investir dans des comportements efficaces contre le réchauffement climatique. A l’instar de la reine, « Le bon grain » montre à quel point il est difficile de se défaire de ses privilèges lorsque l’on est dirigeant.
Avec « Le bon grain », nous passons un moment agréable autour d’un sujet sérieux. Fondamental. Le lien complexe entre richesse et écologie. Si le spectacle met en avant la difficulté de diminuer les inégalités, il souligne aussi la force du peuple lorsqu’il manifeste. Une note d’espoir !
Le bon grain
De François Dumont
Avec Pierre Clarard, François Dumont, Mélody Doxin, Hadrien Peters
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 5 janvier 2019 à la Comédie Nation ( 77 rue de Montreuil, 75011 Paris)