Lettres à Elise : l’histoire émouvante d’un instit-poilu parti affronter la Grande Histoire
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Jean-François Viot a écrit « Lettres à Elise » à partir de correspondances réelles ; une histoire d’amour sur fond de Première Guerre mondiale durant laquelle on suit les échanges entre un instituteur parti au combat et son épouse Elise restée à l’arrière avec leurs enfants. Il faut d’abord féliciter la réécriture et l'assemblage de ces lettres qui offrent un visage prenant de la guerre à hauteur d’homme ; s’y côtoient le pathétique, la tendresse, l’humour avec une égale justesse. Dans la mise en scène d'Yves Beaunesne, les deux comédiens choisis réussissent à incarner ses personnages avec une belle authenticité. D’abord lecteur curieux découvrant cette correspondance, Elie Triffault bascule peu à peu dans l’incarnation de l’auteur des missives tandis que Lou Chauvain, de voix lointaine se matérialise doucement en une Elise courageuse et aimante…et cette délicatesse, présente dans l’ensemble de ce travail dramaturgique, est aussi seyante que pleine de sens.
Dotée d’une scénographie aussi pertinente d’un point de vue narratif (la femme au loin transparaît peu à peu derrière une verrière / le mari croque au fur et à mesure sa petite famille qui se transforme, s’agrandit et grandit ) que didactique et pédagogique (on y dessine notamment la carte du conflit pour donner des repères et projette des images d’archives) et d’une très agréable esthétique (cette arrière-scène séduit par ses modifications incessantes et sa capacité par des jeux de transparence à faire côtoyer deux mondes que la réalité de la guerre éloigne terriblement), cette pièce s’avère fort séduisante. Il faut d’ailleurs applaudir également le travail sensible des lumières de Baptiste Bussy qui soutiennent les différentes périodes de ces quatre années de guerre…
La Trêve de Noël, le lieutenant à cheval sur sa vache, la mort de Louise, les humeurs de la comtesse et son fils André qui « s’est dénoncé tout seul », la fusillade de Victor, autant d’anecdotes citées pêle-mêle qui ponctuent cette pièce intelligente, sensible et qui n’oublie pas de nous inviter à réfléchir sur des notions faisant régulièrement l’objet de questionnements (inter)nationaux : le patriotisme, l’intérêt de l’Europe, l’obéissance à un chef, la discipline…
« Lettres à Elise » est tout à la fois l’occasion d’un moment théâtral pédagogique ( on revit les étapes essentielles de la première guerre mondiale ; batailles essentielles, conditions de vie sur le front et à l’arrière) et s’avère donc fortement conseillée pour les adolescents à partir de 14 ans mais c'est également un récit émouvant où il est question de la réalité d’un couple et d'une guerre qui les sépare insidieusement en positionnant les époux dans deux réalités presque totalement déconnectées l’une de l’autre. La poésie n’y est jamais loin…et nous ne saurions donc que trop vous conseiller de la découvrir!
[bt_quote style="default" width="0"]Pour coûter le même prix qu’un obus, un soldat doit rester au front pendant dix ans.[/bt_quote]

LETTRES À ELISE
DE JEAN-FRANÇOIS VIOT
MISE EN SCÈNE : YVES BEAUNESNE
AVEC LOU CHAUVAIN et ELIE TRIFFAULT
DRAMATURGIE : MARION BERNÈDE

SCÉNOGRAPHIE ET VIDÉO : DAMIEN CAILLE-PERRET

LUMIÈRES : BAPTISTE BUSSY

CRÉATION MUSICALE : CAMILLE ROCAILLEUX

CRÉATION COSTUMES, MAQUILLAGE ET COIFFURE : CATHY BÉNARD

ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE : PAULINE BUFFET
PRODUCTION : LA COMÉDIE POITOU-CHARENTES – CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL, AVEC LE SOUTIEN DE LA DRAC POITOU-CHARENTES, DE LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE ET DE LA VILLE DE POITIERS.
AVEC LE SOUTIEN DU THÉÂTRE D’ANGOULÊME – SCÈNE NATIONALE.

© PHOTOS GUY DELAHAYE
Durée : 1h20
Dates et lieux des représentations :
- Les 9 et 10 OCTOBRE 2018 à L’ ODÉON - Dans le cadre de la programmation du Théâtre de Nîmes ( 30)
- Le 08/11/2018 à Ruffec - La Canopée - Tel. +33 (0)5 45 31 32 82
- Le 10/11/2018 à la Salle polyvalente de Rouillé
- Le 11/11/2018 à Montmorillon à l'Espace Gartempe
- Du jeu. 15/11/18 au ven. 16/11/18 à Bressuire - Scènes de Territoires
- Le 18/11/2018 à Antigny à 17:30 à l'Eglise Notre-Dame
- Le 30/11/2018 à Brioux-sur-Boutonne - Scènes Nomades
Du même metteur en scène, nous avions vu:
L’annonce faite à Marie : « Maintenant que je m’en vais, faîtes comme si j’étais là . »
Violaine, » chaste cœur », est si heureuse d’épouser Jacques Hury, se sent si comblée par le Ciel qu’elle ne peut se résoudre à laisser Pierre de Craon, un lépreux enragé d’amour pour elle, partir sans un baiser d’affection pure et lui offre même le cadeau de son fiancé, un » anneau d’or qui a la forme d’un oui ». Même si elle l’exhorte à être raisonnable, » Soyez un homme, Pierre, soyez digne de la flemme qui vous consume », l’ingénue Violaine, tout autant que son père ( qui choisit le même jour de quitter sa famille pour se rendre utile à Jérusalem), est pieuse et ressent au fond de son être qu’il faut rendre aux autres quand Dieu vous comble trop. Et puis il y a Mara, la sœur cadette au caractère difficile, qui menace de se tuer si le mariage se fait. Violaine, » obéissante, sensible et secrète », aura-elle la force de briser ses espoirs? Jacques, son fiancé, saura-t-il comprendre cet acte d’abnégation absolue? Et réussira-t-il à lui pardonner d’avoir détruit à jamais le bonheur, simple mais solide, qui leur tendait la main?
Attention chef d’œuvre! Rien de moins. Yves Beaunesne, en portant à la scène « L’Annonce faite à Marie » dans sa version de 1911, donne à ce texte universel, profondément ancré dans la terre et passionné, un écrin théâtral et musical superbe. Portée par une excellente distribution, cette pièce irradie de ferveur amoureuse et de piété. La partition musicale de Camille Rocailleux, à la croisée entre fado, chants sacrés et polyphonie corse, transperce de sa justesse et de sa beauté. Les voix, aussi touchantes qu’envoûtantes, vibrent et résonnent dans le chœur des spectateurs et savent exprimer la simplicité, la légèreté des cœurs heureux tout autant que la gravité d’un chant d’adieu. Les effets de lumière ensuite, projetés sur d’immenses rideaux de fils couvrant toute l’arrière-scène, jouent avec la transparence, les couleurs et permettent d’illuminer chaque scène de teintes pertinentes. La mise en scène est brillante tant elle donne l’impression aux spectateurs de voir une toile naturaliste, avec ses effets de clair-obscur réalistes, prendre vie. Chaque scène a sa magie intrinsèque et les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz sont également à applaudir : Violaine, parée d’or et de lumière, au bord de la fontaine, semble tout droit sortie d’un conte pieux. Judith Chemla est une comédienne éblouissante; elle semble littéralement touchée par la grâce. Au côté de Jacques, ce » compagnon sans aile » qui ne saura pas comprendre sa générosité sans limite, face à une Mara désespérée d’avoir perdu sa fille, dans les bras d’un père-pélerin consumé de chagrin, elle nous offre le visage d’un ange, à la voix piquée d’enfance et de sagesse. Et même dans la nuit parsemée d’étoiles, Violaine, l’aveugle et la lépreuse aux doigts décharnés, sait apaiser encore, exhorte au pardon – « N’as-tu jamais eu besoin d’être pardonné? » – , invite à ne pas trop demander à la vie – « On ne t’a point promis le bonheur. Travaille, c’est tout ce qu’on te demande. ».Comme un Miracle.
L’Annonce faite à Marie
De: Paul Claudel
Mise en scène: Yves Beaunesne
Adaptation et dramaturgie : Marion Bernède
Scénographie : Damien Caille-Perret
Lumières : Joël Hourbeigt
Création musicale : Camille Rocailleux
Maîtrise de chant : Haïm Isaacs
Création vidéo : Mammar Benranou
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Maquillages : Catherine Saint-Sever
Assistantes à la mise en scène: Marie Clavaguera Pratx et Amélie Chalmey
Avec Damien Bigourdan, Judith Chemla, Thomas Condemine, Jean-Claude Drouot, Fabienne Lucchetti et Marine Sylf
Violoncelle : Myrtille Hetzel et Clotilde Lacroix