L’empreinte : Tulle / Brive, la fusion incandescente orchestrée par Nicolas Blanc et Nathalie Besançon
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ L’empreinte, nouvelle Scène Nationale, s’est donné dix jours pour lancer la saison 2018-2019 et inaugurer la fusion des deux théâtres corréziens, Les Treize Arches de Brive-la-Gaillarde et les Sept Collines de Tulle.
4 - 13 octobre 2018
A cette occasion, l’ébouriffant collectif 49701 a présenté sa série - ô combien délicieuse - « Les Trois mousquetaires », le désopilant Bertrand Bossard a proposé une dizaine de visites déguidées de Brive-Tulle en transport commun, Le Bottom Théâtre a joué sa création « Berlin Sequenz » tandis que la Cie Vous êtes ici offrait sa première de « Le procès de Philip K » ; le Théâtre de Tulle a accueilli « Météore » de la compagnie circassienne Aléas et « Spectateur : droits et devoirs » s’est baladé en itinérance. En conclusion? Une Nuit inspirée le 12 octobre où le Théâtre de Brive a ouvert ses portes au public pour un moment aussi étonnant que privilégié et un feu d’artifice mémorable, le lendemain, orchestré par la compagnie épatante toulousaine La Machine.
10 jours durant lesquels Nicolas Blanc (précédemment directeur des Scènes croisées de Lozère, de 2010 à 2017) et son équipe ont fait chanter la gonfle et marqué des essais concluants pour inviter brévistes et tullistes à s’approprier ce « nouveau » lieu culturel dans lequel les responsables souhaitent casser les codes poussiéreux du théâtre et proposer un lieu fédérateur et rassembleur, qui ne reste pas dans un entre-soi élitiste mais s’ouvre grand à la jeunesse et à tous les curieux qui verront de la lumière et auront envie de rentrer.
La lumière, d’ailleurs, était l’un des fils rouges du week-end de clôture. Barbara Métais-Chastanier a imaginé une Nuit tout autant éclairée des pensées passionnantes du philosophe Jean-Christophe Angaut que des photophores par dizaines scintillant dans l’obscurité des traverses, des divers textes poétiques lus ( L’Empreinte de Bergounioux, Les Fleurs bleues de Queneau…), des films projetés tout au long de la soirée choisis par les participant.e.s ( Minuit à Paris / Only Lovers left alive: Underground/ Les ailes du désir) que des rythmes endiablés proposés par le toulousain Mika Rambar - d’une énergie aussi communicative que son set est soigné et enflammé - sur le plateau du théâtre improvisé dancefloor…
« Qui sommes-nous, nous qui veillons? », voilà la question à laquelle a fait écho cette expérience interlope du théâtre. Cette "conspiration nocturne" accompagnée de références choisies ( le documentaire "Rêver sous le capitalisme" ( Sophie Bruneau), des essais " La nuit, vivre sans témoin"( Michaël Foessel)/"Les travailleurs de la nuit"( Alexandre Jacob)) pour entrer en résistance, l'espace de quelques heures, contre un non-sommeil provoqué par un système hyper-connecté qui fait de nous des machines qui ne savent plus faire fonctionner le bouton "off". Une nuit pour perdre la notion du temps et le laisser se dilater à loisir, s’émanciper, s’affranchir des conventions, s’encanailler et porter une attention différenciée au monde qui nous entoure. Une nuit pour célébrer l'urbanité, la rêverie, le mystère, l’inspiration et l’altérité. Une nuit en clair-obscur pour rendre visite à "l'autre du jour" et embrasser " de vastes horizons" " pour prendre la mesure du monde"...
Et puis, dans la continuité, les deux embrasements urbains de Pierre de Mecquenem, Pyromènes et Incandescences, qui, en mille étincelles, braseros et torches, ont rappelé le samedi cette phrase si juste d’Edmond Rostand : « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».
Un peu d’histoire - l'unification de deux scènes
Le théâtre de Tulle, lieu emblématique de la ville, détonne autant qu’il charme par son architecture. Réalisé en 1901 par Joseph Auberty et Anatole de Baudot, c’est le premier théâtre au monde construit en ciment armé. Sa façade ornée de vitraux, de céramique polychrome et de grès flammé, en fait un monument visuellement attrayant. Au départ, théâtre à l’italienne, en 1932, on supprime le paradis et ses balcons pour en faire un cinéma. C’est en 1994 qu’il revient à sa vocation première et se fait nommer « Les Sept Collines ». L’association qui le régit obtient la première labélisation Scène conventionnée de France en 2000. Une programmation pluridisciplinaire, 60 spectacles par an, des accompagnements à la création, des « randonnées de la Culture » pour pousser l’art vivant plus loin en ruralité. Aujourd'hui il demeure un espace accueillant dont le hall d’entrée a été repensé et scénographié de manière esthétique à l’occasion de la fusion des deux scènes Brive-Tulle.
L’édification du théâtre municipal de Brive et son emplacement sont approuvés en 1853, sur « la place triangulaire du champ de foire où est élevée la statue du maréchal Brune ». En 1890, le théâtre est terminé mais ne possède alors qu’un seul étage. Un second étage est terminé en 1912. A l’époque, à l’étage se trouve Le Grand Café du Théâtre. Composé de stucs rococo avec de grandes glaces, il accueille une clientèle bourgeoise, est un lieu privilégié pour les rendez-vous d’affaire ; il fermera dans les années 1970. En décembre 2016, fermeture du lieu qui ne réouvrira qu’en 2008. De l’ancienne structure, on ne garde que la partie de l’édifice confrontant la place Aristide Briand, la « construction historique ». La partie arrière est démolie. 481 places dont 12 adaptées aux personnes en fauteuil roulant ( 313 de parterre, 152 en balcons et 16 dans les galeries latérales), un plateau de 216 mètres…Un lieu chaleureux et accueillant, bien conçu et dont on aime les traverses dans lesquelles on se plait déjà à imaginer des badauds lisant, échangeant sur les derniers spectacles découverts, assistant à des rencontres…bref fourmillant et vivant!
La saison 2018-2019
Pluridisciplinaire, proposant tout à la fois des spectacles pointus et grand public, elle répond aux exigences d’une Scène Nationale et donne envie de foncer s’abonner! Elle s’ancre volontairement dans le territoire par des actions diverses, se veut « sensible et engagée », porte fortement son attention sur l’enfance et la jeunesse et accueille des artistes en résidence ( Sylvain Creuzevault, metteur en scène; Barbara Métais-Chastanier, actrice, dramaturge et maître de conférences ; Christian Rizzo, chorégraphe).
Deux festivals ponctueront la saison : « Du bleu en hiver », festival du jazz et des musiques improvisées, qui existe depuis 13 ans; la prochaine édition se jouera du 24 janvier au 2 février 2019… et Danse en mai, du 17 mai au 2 juin 2019, pensé par Christian Rizzo pour cette édition.
L’Empreinte c’est aussi des ateliers artistiques, des ateliers danse, des ateliers parent/enfant pour poursuivre l’expérience d’un spectacle, des stages de création chorégraphique et théâtrale, des spectacles itinérants dans les établissements scolaires et un cycle de conférences animé par Barbara Métais-Chastanier avec Réjane Sénac, Thierry Paquot, Jade Lindgaard, Alain Badiou, Michel Agier, Michel Lussault ou encore Séverine Kodjo-Grandvaux.
Souhaitons à l’Empreinte une première saison florissante, artistiquement enthousiasmante, humainement enrichissante…et pour ce faire, participons-y car les plus belles aventures sont collectives et généreuses ! 65 spectacles sont en place pour stimuler la curiosité, éveiller le sens critique et se divertir. Ces premiers jours d’octobre ont porté bien haut la couleur de ses ambitions et nous aimons, assurément, le chemin qu'elle nous invite à suivre en sa compagnie...
L'empreinte, Scène nationale Brive-Tulle
Salles de spectacles à Brive-la-Gaillarde et à Tulle
Adresse : Place Aristide Briand, 19100 Brive-la-Gaillarde
Téléphone : 05 55 86 01 10
Adresse : 8 Quai de la République, 19000 Tulle
Téléphone : 05 55 22 15 22
Le site de l'Empreinte pour découvrir toute la programmation!
Crédit-photos : Olivier Soulié