Signé Dumas : duel de plumes…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Pour décor, un bureau aux murs recouverts de boiseries. Nous sommes le 24 février 1848, ça va commencer et ça finira là dans la dépendance du château de Port-Marly, résidence de l’écrivain Alexandre Dumas (père). Il est alors au sommet de la gloire. Il alimente les journaux en feuilletons quotidiens. Il publie des livres. « Les Trois Mousquetaires », « Le Comte de Monte-Cristo », « La Reine Margot »,… il enchaîne sans s’essouffler les romans. Une production étourdissante. Et là , alors que le contexte politique est flou et tendu, dans le bureau c’est parti pour un duel de plumes et de mots. La star, l’ogre Dumas face au discret Auguste Maquet. Le patron et son employé- oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : Dumas l’écrivain archi-connu ne travaille pas seul. Il a un « nègre », un homme qui écrit pour lui. Dumas, c’est simple, il lance des idées, esquisse des personnages, rédige des plans sur quelques pages et Maquet le discret écrit, écrit, encore et encore. Le romancier lance : « Je suis un chêne, Maquet. Vous entendez ? je suis un chêne, je fais de l’ombre à tout le monde… » Mais ce jour-là , Maquet le discret, le « ghost writer » (écrivain fantôme, comme disent les Anglo-saxons) se réveille, se révèle à lui-même. Il veut apparaitre au même titre que Dumas, il dit au « maître » qu’il veut du 50-50 (signatures et droits d’auteur)… Le bon vivant, l’épicurien convaincu de son immense talent qu’est Dumas le prend de haut, lui rappelle sa condition de « nègre » littéraire. Maquet ne lâche rien, déstabilise même Dumas qui va tout de même vite retomber sur ses pieds au terme d’un beau duel verbal à coups de plumes… d’oie !
Ecrite par Cyril Gély et Eric Rouquette et créée en 2003, adaptée au cinéma en 2005 par Safy Nebbou avec Benoît Poelvoorde et Gérard Depardieu, « Signé Dumas » a été reprise au Festival d’Avignon en juillet 2018 et est à nouveau à l’affiche à Paris… Premier point fort de cette pièce : le texte de Cyril Gély et Eric Rouquette, véritable duel entre les deux grands manieurs des mots et de la langue qu’étaient Dumas père et Maquet. La question est prégnante : qu’est-ce que la propriété artistique ? existe-t-elle vraiment ? « Signé Dumas » est servie par d’excellents acteurs : impressionnant physiquement, Xavier Lemaire campe un Dumas « hénaurme » mais il sait aussi laisser poindre quelques fêlures et faiblesses du personnage et, en Marquet, Davy Sardou fait preuve d’une grande sobriété dans le jeu et les attitudes. Et on notera aussi la mise en scène intelligente et dynamique de Tristan Petitgirard, qui a su appliquer la devise d’Alexandre Dumas père : « Commencer par l’intérêt plutôt que par l’ennui ; commencer par l’action au lieu de commencer par la préparation ». C’est enlevé, sans temps faible, étourdissant. Un bonheur de théâtre.
Signé Dumas de Cyril Gély et Eric Rouquette.
Mise en scène : Tristan Petitgirard, assisté d’Aurélie Bouix.
Avec Davy Sardou, Xavier Lemaire, Thomas Sagols.
Décor : Olivier Prost.
Costumes : Virginie H.
Lumières : Denis Schlepp.
Musique : Laurent Petitgirard.
Bande son : Vincent Lustaud.
Durée : 1h30.
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 10 novembre 2018 au Théâtre La Bruyère (5 rue La Bruyère, 75 009 Paris) - Tél. : 01 48 74 76 99 - www.theatrelabruyere.com , du mardi au samedi, 21h. Samedi, 15h30.