El Burlador de Sevilla, L’abuseur de Séville: une merveille ! Don Juan n’est plus un mythe !
- Écrit par : Daniel Bresson
Par Daniel Bresson - Lagrandeparade.fr/ Dans le cadre du 41 ème festival de théâtre classique d’Almagro, la Compagnie nationale de théâtre classique, basée à Madrid, présentait sa version du Burlador de Sevilla de Tirso de Molina qui a créé le mythe universel de Don Juan. La scène du magnifique lieu de l’Hospital de San Juan de Dios, converti en espace scénique depuis 1993, nous accueille, dominée par un grand rideau de voiles où sont projetées des premières de couverture des livres où Don Juan est le protagoniste. À l’extinction des lumières, des personnages colorés surgissent au milieu du public et nous entrainent dans un étrange bal costumé, portant chacun des morceaux d’un portrait qu’on devine être celui du fils de Don Luis Tenorio. Puis, entre deux voiles, Don Juan apparait, déjà aux prises avec Isabela à qui il a dissimulé sa véritable identité. Le décor est planté, le ton est donné. Les tableaux vont s’enchaîner avec un tempo soutenu, sans aucun moment de répit pour le spectateur, au rythme des nouvelles conquêtes et des trahisons du burlador de Sevilla. L’espace scénique est utilisé par les acteurs avec une grande aisance, tout comme les allées entre les gradins pour donner davantage de relief à la pièce et créer le rapprochement indispensable avec le spectateur. Les scènes de séduction entre Don Juan et les femmes qui croisent sa route sans distinction sociale sont construites comme des ballets où les corps s’entremêlent avec une fluidité incroyable, celle entre Don Juan et Tisbée en étant un magnifique exemple. La performance des acteurs est exceptionnelle, tant dans la présence féminine que masculine. Le jeu est parfaitement huilé, l’équilibre scénique absolument incroyable. Elvira Cuadrupani campe une Isabela trahie, Mamen Camacho une Tisbée étincelante dans l’amour comme dans la douleur, Irene Serrano passe avec talent de Doña Ana à Constanza et Belisa, Lara Grube une mariée volage faussement candide. Ces quatre femmes, qui méritent pour leur jeu tous nos applaudissements, interprètent quatre personnages avec du caractère, trahies certes par le galant, mais loin d’être sans reproche. La distribution masculine n’est pas en reste, tant le niveau théâtral est élevé. Pepe Viyuela, très connu en Espagne comme humoriste, est ici un Catalinón (le Sgnanarelle de Molière) très crédible. Et que dire de Raúl Prieto dans le rôle de Don Juan ! Tout simplement impressionnant par la justesse et l’envergure de son jeu, sa présence scénique et son harmonie parfaite avec les quatre comédiennes. Il restera certainement longtemps gravé dans les mémoires comme le fut, à son époque, Daniel Mesguich dans le Don Juan de Molière. Très vite les costumes baroques laissent place aux smokings, chemises blanches, robes et dessous sexy pour signifier aux spectateurs que l’histoire est bien actuelle et que le trompeur d’hier est le corrupteur d’aujourd’hui. Dans une société espagnole plongée dans les problèmes de politique, de territoire et de corruption, Don Juan et toute la cour qui l’entoure jusqu’au roi ont une résonance évidente avec tous ces « señoritos » du 21 ème siècle qui se croient intouchables. C’est la ligne directrice que suit jusqu’au bout Josep Maria Mestres, le metteur en scène, pour qui « Don Juan est un des nôtres. Que cela nous plaise ou non, nous avons tous quelque chose de Don Juan ». Il est aidé dans son travail par la fantastique scénographie de Clara Notari, qui privilégie les mouvements, crée des espaces nouveaux à partir d’une galerie d’un palais du 17 ème siècle où se confondent « le dedans et le dehors, le public et le privé, le personnel et l’institutionnel ». Les costumes de María Araujo, basés sur trois couleurs, se transformant au gré des personnages, interpellent le spectateur tant ils réservent de surprises. Le tout forme un ensemble tout simplement évident tant tous les talents sont réunis.
Un très grand moment de théâtre dans un festival indispensable pour perpétuer le théâtre baroque du siècle d’or espagnol !
El burlador de Sevilla
Auteur : Tirso de Molina
Mise en scène : Josep M. Mestres
Compañía Nacional de Teatro Clásico
Scénographie : Clara Notari
Lumières : Juanjo Llorens
Costumes: María Arujo
Espace sonore et composition musicale : Iñaki Salvador
Vidéo : Álvaro Luna
Chorégraphie : Jon Maya Sein
Avec Elvira Cuadrupani, Raúl Prieto, Ricardo Reguera, Pedro Miguel Martínez, Samuel Viyuela González, Egoitz Sánchez, Mamen Camacho, Pepe Viyuela, Paco Lahoz, Irene Serrano, Juan Calot, Ángel Pardo, Juan Rodríguez, Lara Grube, José Ramón Iglesias
©MARCOSGPUNTO
Dates et lieux des représentations:
- Du 5 au 15 juillet 2018 ( relâche le 9) au Festival Almagro - Madrid