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King Kong théorie : un spectacle qui en a…

  • Écrit par : Guillaume Chérel

king kongPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Du talent ! Evidemment… Du talent, et de la colère, Virginie Despentes a montré qu’elle en avait à revendre, depuis son premier livre coup de poing : « Baise-moi Â», paru en 1993 chez Florent Massot. Elle l’a à nouveau confirmé récemment, en publiant la trilogie Vernon Subutex (Grasset), bientôt adaptée à la télévision.

Publié en 2006, chez le même éditeur (Grasset), King Kong Théorie, est aussi un texte fort et percutant. On l’a présenté comme un « manifeste du nouveau féminisme Â», or c’est surtout un récit autobiographique, au style efficace et bien argumenté, d’une écrivaine qui sait de quoi elle parle : « J'écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf, aussi bien que pour les hommes qui n'ont pas envie d'être protecteurs, ceux qui voudraient l'être mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés. Parce que l'idéal de la femme blanche séduisante qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, je crois bien qu'il n'existe pas. ». Cette partie de l’essai intime, qui ouvre King Kong Théorie, n’a pas été utilisée par Vanessa Larré, qui a adapté ce grand texte avec Valérie de Dietrich au théâtre de l’Atelier, à Paris.
Cette dernière fait partie des trois comédiennes (avec Anne Azoulay et Marie Denarnaud, toutes excellentes en femmes-masculines puis sexy) qui jouent-disent les mots de Virginie. C’est la première particularité de l’excellente mise en scène : faire incarner l’oratrice par trois jeunes femmes différentes. Ce trio permet d’élargir le discours en proposant un dialogue qui rend le texte plus vivant que s’il avait été dit par une seule personne, en monologue. Ecrit à la première personne, l’essai évoque le passé, puis le présent. Passer d’une actrice à l’autre aère ce texte dense et puissant, au rythme entraînant. Chaque mot a été pesé. Ecrit pour être dit, comme tous les meilleurs textes (rythme et mu-si-ca-li-té).
Le public, qui a remplacé le lecteur, est considéré comme un interlocuteur à qui elles s’adressent. Au point de le prendre réellement à témoin, à lui donner la parole, lorsqu’il est question de la jouissance féminine, plus précisément de la masturbation, notamment du clitoris… Sans être agressif, le texte et le jeu des actrices abordent de front la question du genre, la féminité, donc la masculinité, la prostitution (réelle et métaphorique), les rapports de pouvoir entre hommes et femmes, représentés par l’abus ultime : le viol. Oui les femmes (affranchies du joug masculin) veulent tout… « comme les hommes Â», rappelle Virginie Despentes, ni douce ni soumise, qui a été blessée dans sa chair et son psychique. Elle a pu se relever et devenir une encore meilleure auteure, sans doute. Car elle le dit elle-même : plus jeune cette histoire de féminisme ne la touchait pas, elle ne sentait pas concernée, c’était pas assez punk-rock… Jusqu’à cette nuit où trois jeunes hommes l’ont violée, elle et sa copine. Elle a longtemps culpabilisé de n’avoir pas pu se défendre, jusqu’à ce qu’elle lise le livre d’une féministe américaine, l’invitant à faire avec et à se relever. Cette épreuve l’a rendue plus forte. Elle s’est appropriée son potentiel de « puissance Â», que ce soit dans le domaine sexuel, littéraire, voire politique, car Vernon Subutex est une trilogie engagée du côté des opprimés, quelque soit leur sexe. La pièce interroge les hommes sur la question de la masculinité en les provoquant : ne s’aiment-ils pas (trop) eux-mêmes en brutalisant les femmes, supposées plus faibles ? Un dernier mot sur l’utilisation de la vidéo, devenue incontournable, dirait-on : utilisée à bon escient, et avec humour parfois (comme lors de la scène enfantine des jouets), notamment pour se filmer entre elles et tourner la caméra vers le public. King Kong Théorie n’est pas devenu une vision militante du féminisme radical, c’est un spectacle vivant qui invite à la réflexion, voire à la remise en question, et du côté des deux sexes qui n’en n’est finalement qu’un : celui de l’humanité pensante et agissante. La conclusion sur King Kong, la femme blanche et la question du genre n’a pas fini de déranger les plus obtus.

King Kong Théorie
 
Auteur : Virginie Despentes
Mise en scène : Vanessa Larré
Avec Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie Dietrich

Dates et lieux des représentations: 
- Jusqu'au 7 juillet 2018 au Théâtre de l’Atelier ( 1, Place Charles-Dullin Paris 75018). Location : 01 46 06 49 24 / www.theatre-atelier.com    

- Reprise : du 4 octobre au 31 décembre 2018 au Théâtre de l'Atelier ( 1, Place Charles-Dullin Paris 75018). Location : 01 46 06 49 24 / www.theatre-atelier.com   


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