La Vénus à la fourrure: "Dieu l'a puni et l'a livré aux mains d'une femme"
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Difficile d'aborder la version théâtrale avec un regard complètement objectif lorsque l'on a adoré les prestations d'Emmanuelle Seigner et de Mathieu Amalric dans le long-métrage de Roman Polanski. Marie Gillain et Nicolas Briançon s'en sortent toutefois avec les honneurs. Dans ce huit-clos étrange, où la mise en abyme flirte avec le fantastique, le théâtre avec les apparitions divines, le professionnel avec le sentimental, les fantasmes sexuels avec les idéaux prêts à combattre et l'illusion avec la réalité, "La Vénus à la fourrure" de David Ives a des airs de thriller excitant. Précisons - pour l'anecdote - que cette pièce est tirée du roman de Léopold Von Sacher-Masoch, écrivain allemand de la fin du XIXeme siècle qui a donné son nom au...masochisme : " Rien n'est plus sensuel que la douleur".
Soir d'orage. Un metteur en scène new-yorkais, Thomas Novachek, désespère, à la fin d'une journée de casting éprouvante, de trouver l'interprète de ses rêves pour le rôle féminin principal de la pièce qu'il a écrite. Débarque alors, l'œil trempé de pluie et de mascara, les lèvres au service d'une gouaille décoiffante ( putain, putain, putain!) et le corps ceint d'une tenue de cuir digne d'une péripatéticienne, une certaine Wanda prête à tout pour avoir le rôle...Pourtant, très vite, s'engage entre ce duo peu assorti une discussion esthétique, morale et sociétale à propos du roman allemand que l'une qualifie de "porno sado-maso" et que l'autre définit comme " un texte capital de la littérature mondiale". Finissant par avouer qu'elle trouve ce texte dégradant pour la femme, l'intellectuel s'insurge et finit par la traiter de "putain de conne"...
La mise en scène de Jérémie Lippmann n'est plus à féliciter: doublement récompensée aux Molières 2015 avec celui de la meilleure pièce et de la meilleure comédienne, le charme incontestable de Marie Gillain, tantôt espiègle, tantôt lascivement sensuelle et d'une beauté terrifiante, l'interprétation toute en nuances de son partenaire Nicolas Briançon et les décors de Jacques Gabel ont permis, de surcroît, à ce spectacle un succès assuré. Ne cessant de se transférer le pouvoir, les membres de ce duellum alternent à être l'esclave ou le dominateur de l'autre. Un topos du théâtre classique, le rapport maître-valet, se développe ainsi sur un mode tantôt badin, tantôt charnel, tantôt doloriste.
Ce que l'on applaudira donc, c'est la finesse et l'ambivalence du propos de cette pièce qui se veut une revanche jubilatoire de la femme sur une catégorie non négligeable de mâles qui lui refuse d'être "un individu à part entière" et la manipule pour en faire un objet de fantasme. " Son rôle, c'est l'absence de rôle" affirme Wanda. Sous prétexte d'amour et de " confusion des sentiments", enivré par les éléments tourmentés qui éclairent le ciel de foudre, Thomas entame, au fur et à mesure que les heures coulent, une conversation à l'ambiguïté érotique avec la comédienne tombée de l'Olympe ; et lorsqu'il dépose sur les épaules nues de Wanda sa fourrure plastique, il ne tombe pas amoureux de cette créature, il veut simplement l'amener à réaliser ses propres désirs." Salut à toi Aphrodite!" : un slogan que devraient reprendre à leur compte toutes les femmes culottées - qui ont apprécié la liberté totale et la démesure de la fougueuse Wanda - pour perpétuer la délicieuse punition infligée à ceux qui continuent d'abuser de la sensibilité et de la douceur intestines du sexe faible...
[bt_quote style="default" width="0"]Heureusement que les déesses n'existent pas sinon vous seriez grave dans la merde![/bt_quote]
La Vénus à la fourrure de David Ives
Avec Marie Gillain et Nicolas Briançon
Mise en scène : Jérémie Lippmann assisté d’Aurélie Bouix
Adaptation : Anne-Elisabeth Blateau
Décors : Jacques Gabel assisté de Jeanne Frenkel
Costumes: Colombe Lauriot-Prévost
Musique : Charles Souchon et Nicolas Voulzy
Durée 1h30
Dates des représentations:
-Les 6, 7 et 8 Octobre 2015 au
Théâtre Bernadette Lafont ( Nîmes, 30)
-Le 28 novembre 2015 au Théâtre de Grasse
- Le 19 décembre 2015 au Théâtre Claude-Debussy (116 avenue du Général-de-Gaulle , 94700 Maisons-Alfort)
- Le 12 janvier 2016 à l'Espace Carpeaux (15 boulevard Aristide-Briand 92400 Courbevoie)
- Le 20 janvier 2016 à 20h30 au Théâtre Jacques Coeur - LATTES(34)
- Le 23 janvier 2016 à la Salle Maurice-Ravel (33 rue Gabriel-Péri , 92300 Levallois-Perret)
- Le 29 janvier 2016 au Théâtre Armande-Béjart ( 16 place de l'Hôtel-de-Ville , 92600 Asnières-sur-Seine )
- Le 2 février 2016 au Théâtre Simone-Signoret ( 12 place Auguste-Romagné , 78700 Conflans-Sainte-Honorine)
[bt_quote style="default" width="0"]On peut expliquer qui nous sommes mais on ne peut pas être délivré .[/bt_quote]
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Et la bande-annonce du film de Polanski:
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