T.I.N.A : un plongeon dans les méandres de l'économie mondiale
- Écrit par : Victor Waque
Par Victor Waqué - Lagrandeparade.fr/ « T.I.N.A, une brève histoire de la crise », ce sont trois comédiens qui jouent des rôles. Banquier. Client. Homme d'état. Scientifique. Régulateur financier. Courtier. Avec une clarté et une finesse remarquable, les personnages décrivent le processus qui a amené les États-Unis puis le monde entier dans la crise économique de 2007. Éclairant !
T.I.N.A signifie « There Is No Alternative », il n'y a pas d'autre alternative. Ce sont les paroles de Margaret Thatcher qui résument la pensée de nombreux hommes politiques : le modèle actuel est le seul viable. Et pourtant... Le spectacle T.I.N.A met en évidence l'urgence de penser un autre système.
L'histoire commence dans les années 80. Un homme lambda se présente à la banque pour un emprunt afin d'acheter sa maison. Le banquier au sourire insupportable se renseigne sur la solvabilité de son client. Petit salaire. Emploi précaire. Son client est catégorisé « subprime », autrement dit client sans ressources. Seul les « primes » (client avec ressources) peuvent disposer d'un emprunt, car ils pourront le rembourser. Dans les années 80, cet homme « subprime » rentre chez lui déçu. Il n'aura pas sa maison. Quelques années plus tard, la donne a changé.
Comment gagner plus d'argent se demandent les banques. Des chercheurs ont la malheureuse idée de mettre en place un montage complexe permettant aux subprimes d'emprunter. Ils affirment aux clients qu'il n'y a pas le moindre risque. A partir du moment où il ne se sent plus capable de rembourser son emprunt, il lui suffit de vendre sa maison pour rembourser l'argent qu'il a engagé. Le marché de l'immobilier étant en constante hausse, l'emprunteur fera même des bénéfices ! Ainsi de nombreux américains se lancent dans cette démarche sans être capable de payer leur mensualité sur le long terme. Mais puisque c'est sans risque... Lorsque de nombreux emprunteurs, acculés par leurs dettes mirent en vente leur maison, celle-ci n'avait plus aucune valeur. La loi de l'offre et la demande (plus il y a de maisons à vendre moins elles ont de valeurs) a entraîné l'impossibilité de rembourser leurs dettes.
A un niveau spéculatif, des assurances accompagnaient ces emprunts, permettant à celui qui le souscrit d'être remboursé si l'emprunt n'est pas payé. Ainsi, quand des milliers de citoyens américains se sont retrouvés sans le sou, les assureurs se sont écroulés sous les milliards de dollars qu'ils devaient rembourser aux assurés. Les citoyens étaient à la rue. Les banques en déroute. L'état américain dût injecter des milliards de dollars (venant de la poche du contribuable) pour rendre possible le maintien des banques.
Après la crise, les banques ont survécu. Indemnes après avoir fraudé et mis à la rue des milliers de personnes. On pourrait penser que tout cela n'arrivera plus jamais... Mais les banquiers se posent toujours la même question. Comment gagner plus d'argent ? Les clients « primes ». Les entreprises. Les « subprime », ce n'est plus possible. Et si on allait gagner de l'argent sur l'état ?
Le Kiasma a accueilli un spectacle génial qui permet de comprendre une crise mondiale. Les artistes ont fait le choix de ne pas éluder la complexité du phénomène pour nous donner une vision complète et objective. Une complexité qui se traduit par l'entremise d'acteurs différents, s'engageant dans une direction douteuse et égoïste.
T.I.N.A raconte une histoire sérieuse sous les traits de l'humour. Si l'on doit rester attentif pour comprendre les explications des savants fous qui présentent leur nouvelle idée, le spectateur ne voit pas le temps passer. Il apprend en s'amusant ! Les comédiens jouent à merveille le banquier manipulateur au sourire superficiel. Le chercheur fou et inconséquent qui a trouvé une idée foireuse mais fructueuse financièrement. Le contrôleur bègue qui se rend compte qu'il a noté « très sûr » des produits qui ne le sont pas du tout. C'est la bêtise de chaque protagoniste qui rend le spectacle hilarant. Pourtant, tout est vrai... On rit de cet homme à l'esprit étroit, persuadé de la pertinence de son choix « car le banquier a dit que c'était une bonne affaire ». On s’esclaffe lorsque le président George Bush entre sur scène, signant des chèques aux banques sans rien y comprendre. Mélangeant la guerre, Saddam Hussein, le communisme, et la crise financière.
T.I.N.A est une pièce de théâtre admirable que tout le monde devrait voir. Elle invite à mieux comprendre l'économie actuelle. Et s'engager vers des alternatives possibles ! Comme l'affirme l'historien Marc Bloch « L'ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent : elle compromet, dans le présent, l'action même ». Un spectacle nécessaire pour agir aujourd'hui.
T.I.N.A

Texte : Simon Grangeat
 avec le soutien dramaturgique de 
Sébastien Valignat

Mise en scène : 
Sébastien Valignat

Assisté de :
 Marijke Bedleem

Jeu : Tommy Luminet,
 Guillaume Motte et
 Sébastien Valignat

Scénographie :
 Amandine Fonfrède

Création lumière :
Gilles Ribes

Régie lumière :
 Xavier Ferreira de Lima /
Dominique Ryo

Production :
Sophie Présumey

Chorégraphie :
Mari Siles-Segarra


Coproduction : Théâtre
Théo Argence – Saint-Priest (69) et le NTH8
– Nouveau Théâtre du 8ème (69)
Dates et lieux des représentations:
- Le 6 avril 2018 dans la saison du Kiasma-Agora (34)
- Le 27 avril 2018 au Théâtre Jeanne d'Arc - Bellegarde-sur-Valserine - Tel. +33 (0)4 50 48 23 21
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