Murmures des murs : une brèche vers un songe sans fond
- Écrit par : Elodie Cabrera
Par Elodie Cabrera - Lagrandeparade.fr/ Après l’Orotario d’Aurélia, créé en 2003, Victoria Thiérrée-Chaplin, sculpte un monde sur-mesure, pétri d’hallucinations visuelles et d’apparitions surréalistes dont on ressort ivre d’allégresse.
C’est une histoire de fous, d’échappés du bocal. De passerelles oniriques entre des univers empreints de poésie. « Murmures des murs » est une succession de tableaux où René Magritte passe une tête, où le rêve s’invite dans le décor et les objets prennent vie. Dans la nouvelle création de Victoria Thiérrée-Chaplin, il ne faut pas chercher de raccords et de liens entre les saynètes, car il n’y en a guère. Au contraire, chaque accroc ouvre une brèche vers des rivages insolites, comme cette tapisserie qui s’effrite et dévoile des palmiers dansants, puis un canotier sifflotant dans une barque. Du papier bulle qui crépite devient une créature attachante bien qu'un poil effrayante. Cette inventivité inépuisable surprend inlassablement. 

L’histoire sans queue ni tête commence dans un appartement. Au milieu des cartons, l’héroïne jouée par la fille de Vittoria, Aurélia Thiérrée, emballe une théière, une ampoule. On la somme de quitter les lieux tandis qu’elle s’engouffre pieds nus dans un carton pour ressortir presque aussitôt par un autre, chaussée de souliers rouges. Elle prend la poudre d’escampette passant d’un village à un hôpital, d’un boudoir à une impasse éclairée, traversent les murs sans se soucier des réalités. Elle danse avec des saltimbanques, fréquente de drôles de personnages vêtus d’habits de poussières.
Si le jeu est implacablement impeccable, c’est sans aucun doute le foisonnant décorum dans lequel il est évolue qui fait briller cette singulière pièce. Des maisons pittoresques imprimées sur des textiles suffisent à créer l’illusion d’un village italien, une paroi carmin où s’agitent les aiguilles d’une horloge, à nous projeter dans une maison fantôme. Les tissus, en particulier, moirés et de velours, ont tous été choisis avec soin pour apporter tantôt aux décors, tantôt aux costumes, une incroyable lumière, et donner de l’épaisseur à ce songe qui nous file sans cesse entre les doigts. A l’instar de ce judicieux jeu de longues bandes de soie, disposés en rang d’oignon, tournoyant sur eux mêmes qui, tout à coup, transforme le plateau en mer déchaînée où l’héroïne perd pied.
Tout au long de la représentation, les accoutrements se métamorphosent en sublimes créatures. Une femme oiseau, coiffée de plumes, évolue avec l’élégance d’une rascasse. Un drôle de volatile à tête de soufflet picore une casserole. Epoustouflant et flamboyant, « Murmures des murs » sème de la magie avec un tel talent, qu’on voudrait rester là , ensommeillé. Lové entre deux pans de rêves.
Murmures des murs
Avec : Aurélia Thierrée
et Jaime Martinez, Antonin Maurel
Spectacle conçu et mis en scène par : Victoria Thierrée-Chaplin
Décor :Victoria Thierrée-Chaplin / Réalisé par Etienne Bousquet et Gerd Walter
Costumes :Véronique Grand, Jacques Perdiguez, Monika Schwarzl et Victoria Thierrée-Chaplin / Réalisés par Sophie Bellin et Aurélie Guin
Chorégraphie : Victoria Thierrée-Chaplin et Armando Santin
Dates et lieux des représentations:
- Du 30 janvier au 3 février 2018 au 1 3ème Art ( Centre commercial Italie 2, Place d'Italie - 75013 Paris)