Les Peintres au charbon : l’art, une bouffée d’air pur pour un groupe de mineurs des années 30 en Angleterre
- Écrit par : Philippe Delhumeau
Par Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ 1934, Ashington, une petite ville dans la banlieue de Newcastle, un groupe de mineurs décide de suivre des cours d’histoire de l’art. Un local, la Cabane, un chef, George Brown, des camarades à la mine à la vie, Ben Nicholson, Jimmy Floyd, Oliver Kilbourn, un mécanicien dentaire, Harry Wilson, un chômeur, Le P’tit Gars. Leur point commun, une existence morne et sans horizon. La couleur de leur quotidien, noir charbon pour les uns, rouge politique pour le rescapé gazé de la Grande Guerre, Harry, le flou pour Le P’tit Gars. Une éclaircie dans leur horizon, Robert Lyon, le professeur d’histoire de l’art. Une envie partagée, apprendre. Une interrogation collective, la peinture ?
Inspiré d’un fait réel, le texte a été écrit par Lee Hall, le scénariste du film Billy Elliot.
Une écriture simple et humaine qui met les accents sur l’accessibilité à la culture pour un groupe d’ouvriers peu enclin à porter l’attention sur les courants picturaux passés ou émergents. Pourquoi s’initier à la peinture ? Quel rapport au présent l’art peut-il diluer dans des vies rythmées par les sonneries d’embauche, d’alerte de danger, de fin de journée de travail ? Quelles sont les motivations qui ont incité ces mineurs à se lancer dans un apprentissage aussi incroyable et démesuré, soit-il ?
Des points d’interrogation qui dissiperont vite doute et incompréhension pour laisser place à des parenthèses ouvertes sur de nouvelles connaissances, sur des points d’exclamation manifestant étonnement et surprise, des points de suspension sur l’universalité de l’art.
Un décor de mine a été installé en amont de la salle du Théâtre 13 / Seine pour accueillir le public. Des comédiens au visage fardé de noir font mine d’urger les gens à prendre place sur les gradins bi-frontaux. La scénographie de Marc Delva intégre la vidéo comme attribut pluridisciplinaire dans l’espace de jeu. Le théâtre s’ouvre sur de nouvelles dimensions artistiques installées dans un souci de fluidité permettant aux comédiens d’évoluer librement sans se gêner. L’ensemble résonne avec subtilité pour poser un doigt sur l’art, légèreté pour se mettre au niveau des mineurs et sincérité pour rester au plus près de la réalité du groupe.
Sous la houlette de Robert Lyon, l’art devient accessible en l’expression des moyens simplifiés pour présenter tel ou tel mouvement pictural ou artiste-peintre. L’heure n’est plus à la théorie, mais à la pratique. Les yeux des mineurs s’ouvrent aussi grands qu’une travée creusée à la pioche. Désormais, ils auront à loisir d’associer travail et initiation à la peinture sur la toile. Une façon de se libérer des difficiles conditions de travail qui sont leur chaque jour levé. Le rendu respectif satisfait le professeur qui les encourage, les conseille à poursuivre la dynamique engagée. Les mineurs, Harry et Le P’tit Gars s’investissent d’âme et d’imagination pour réaliser l’irréalisable. Une richissime Lady s’éprend du travail fourni par Oliver Kilbourn. Elle lui offre l’opportunité de venir peindre chez elle contre une rémunération hebdomadaire quelque peu semblable à celle qu’il touche à la mine. Le temps est aux questions. Pourquoi lui ? Est-il bon ? A-t-il le potentiel d’un véritable artiste en devenir ou est-ce le caprice d’une milliardaire ? Quelle option choisira Oliver ?
L’art, aussi universel soit-il, n’en demeure pas toujours à portée de main et de compréhension du commun des vivants car l’art est une conjonction de rêve et d’abyme, de poésie et de tragédie, de liberté et de solitude, de légèreté et de soumission, de matière et d’impalpable.
Marc Delva réalise une mise en scène généreuse, humaniste, réelle et porteuse d’espoir pour ces hommes qui n’auraient jamais cru être capables de créer un quelque chose qui deviendra le Ashington Group. Un mouvement pictural a fait surface des profondeurs de la terre grâce à des mineurs peintres, considérés dès lors comme des peintres mineurs.
Hugo Bardin, James Borniche, Thomas Brazete, Solal Forte, Elodie Galmiche, Florent Hu, Marie Petiot / Elise Fourneau, Paul Emile Petre, Emmanuel Rehbinder incarnent la fraternité, la vie, la douleur, la passion. Un collectif sang pour sang des hommes.
Les peintres au charbon
Mise en scène : Marc Delva
Assistants à la mise en scène : Florent Hu et Elodie Galmiche
Création Lumière : Julien Kosellek / Création sonore : Luc Delva / Scénographie : Marc Delva, Thomas Brazete et Florent Hu / Création costume/ Coiffure / Maquillage: Hugo Bardin / Création mapping vidéo : Arnaud Berthonneau, Romain Da Costa et Olivier Carru : Digital Essence
Production : Le collectif La Cantine / Co-réalisation : Le Théâtre 13 Avec le soutien d’Arcadi-île-de-France et du jeune théâtre national (JTN)
L’ARCHE est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
- Du 25 avril au 28 mai 2017, du mardi au samedi à 20h - le dimanche à 16h au Théâtre 13 / Seine (30, rue du Chevaleret – 75013 Paris )(métro Bibliothèque François Mitterrand)