Par Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Lampedusa beach. Un corps, en chute inexorablement jusqu'au fond de l'océan, chante. Romane Bohringer lui prête sa voix. Le personnage que la comédienne incarne ici est une Africaine victime d'un naufrage pendant sa traversée clandestine pour Lampedusa, qu'elle n'atteindra jamais.

Son monologue s'élève vague après vague, impuissant et tendre, tandis qu'elle descend lentement à la verticale. Une terre universelle l'accueille enfin tout en bas, qui la sèchera de tout, larmes, sang, sueur, mais ce n'est pas celle des hommes là-haut en surface. Toute petite et toute seule contre l'inanité du monde, l'enfant déracinée qui défend la dignité humaine au nom du droit pour chacun à une place sur Terre a des airs d'Antigone post-moderne qui réclamerait cette fois un lieu où pouvoir vivre avant même que de mériter sépulture. Ici pas de négociation possible faute d'interlocuteur classique, on évolue en eaux troubles et au niveau des tragédies triviales. Dans ce combat inégal et vain, le jeune cri qui monte ainsi, étonné et digne, est désespéré, auquel seul répond le silence, implacable et absurde. "Lampedusa beach", c'est l'envers de notre décor complaisant, la plongée en apnée derrière le verni des cartes postales et, sous la plage paradisiaque, les pavés. Aussi, public occidental, enfant gâté de la gloire consumériste, tends l'oreille vers le message engagé que lance ici Lina Prosa. Puisse-t-il résonner d'espoir au dehors du théâtre longtemps après que la nuit sur la scène, tel un tombeau d'indifférence, t'en couvrira la plainte exotique.

Lampedusa Beach
Texte: Lina Prosa.
Comédienne: Romane Bohringer

Terre noire. Au centre le foyer, dehors la canne à sucre. De part et d'autre un cabinet d'avocat et un bureau de multinationale. Au milieu une route, l'espace du choix, de la responsabilité, de l'irréversible. Hagos, paysan sud-africain, va tout perdre à y croiser un des agents commerciaux d'Earth Corporation dont il accepte l'offre alléchante. Romane Bohringer joue ici le rôle d'Odela Zaquira, l'avocate qui tentera de le sortir de l'impasse, un petit personnage sec et agile, dont les gesticulations dérisoires disent l'inanité du système. Face à elle, Hippolyte Girardot incarne le patron capitaliste par excellence, vénal et indifférent, et goûtant peu les joies de la bière tiède dans des cloaques africains où les ventilateurs brassent un air opaque. Au centre, le couple de paysan, comme le paysage de plus en plus exsangue, se désagrège tandis qu'ils négocient. C'est Irina Brook qui met ici en scène une initiative engagée de dénoncer l'exploitation des agriculteurs et de la terre par les multinationales. L'auteur de la pièce, Stefano Massini, a choisi d'en destructurer le récit en fragments successifs mais pas forcément chronologiques. Nomal: c'est bien de décomposition à grande échelle qu'il s'agit ici. Et si les courtes scènes se succèdent dans des enchaînements dignes des fondus au cinéma en divertissant le regard, qu'on ne s'y trompe pas, derrière la fiction et le spectacle, sévit une tragique réalité planétaire.

Terre noire
Auteur: Stefano Massini
Traducteur: Pietro Pizzuti
Mise en scène: Irina Brook
Comédiens: Romane Bohringer, Hippolyte Girardot, Pitcho Womba Konga,
Jeremias Nussbaum, Babetida Sadjo.
Production Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d’Azur

Dates et lieux de représentations de Terre noire:

- Le 3 mars 2017 au Théâtre Jacques Coeur de Lattes ( 34)
- Du jeu. 09/03/17 au sam. 11/03/17 à Marseille - La Criée - Tel. +33 (0)4 91 54 70 54

- Le 14/03/2017 - 20:30 à Yzeur-espace


- Le 17/03/2017 à Miramas - Théâtre de la Colonne - Tel. +33 (0)4 90 50 14 74