Parle moi d’amour : une pièce au vitriol entre éclats de voix et vraie tendresse
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.fr/ "On attaque la pièce par une engueulade. Ça lave de regarder un couple qui s'en met plein la gueule pendant une heure trente." Philippe Claudel, auteur à succès couronné par un Prix Renaudot, n’y va pas par quatre chemins pour décrire sa pièce. Ce style verbal très tranché correspond tout à fait à l’esprit naturel de "Parle moi d’amour", vaudeville revisité à la sauce contemporaine.
En rentrant d’un diner professionnel, « lui », énarque carriériste, et « elle », adepte de psychanalyse, couple de bourgeois, se querellent de manière anodine dans le luxe de leur appartement parisien. Mais ce qui ne devait qu’être qu’une banale dispute de fin de soirée se transforme en l’explosion de leur couple. De leur dernier diner à leur première rencontre, de leur sexualité à l’infidélité, de leur décoration intérieure jusqu’à l’éducation de leurs enfants, ce sont 30 ans de vie de couple qui sont passés au crible. Les non-dits qui se sont accumulés et les rancoeurs tenaces volent en éclat dans un jeu pulsionnel où la haine amoureuse qu’ils ont l’un pour l’autre contrebalance l’inavouable besoin de sentir l’autre proche malgré tout.
Le sujet n’est certes pas original, les situations parfois clichées et caricaturales mais l’écriture au vitriol donne le ton et le rythme de cette passion dévastatrice. Oui, il y a un peu de vulgarité, comme dans toute situation où les paroles dépassent la pensée sous le chantre de la colère, oui, le texte est enlevé et osé mais c’est ce qui le rend truculent, touchant, juste. Cette scène de ménage sans interruption est portée par un duo complice, à l’unisson dans le jeu de leurs dialogues ciselés : leur sincérité est communicative entre éclats de voix, mines défaites, fausse fragilité et vraie tendresse.
Cette pièce incisive résonne par son actualité. Parce que ne pas nommer ses personnages permet à chacun de faire face à ce miroir familier de la vie conjugale. Parce que de voir ce couple de bourgeois déchiré entre le luxe de leurs apparats et la pauvreté de leurs sentiments renforce l’idée que le bonheur ne s’achète pas. Parce que l’image d’un couple ne se juge pas sur ses façades mais sur ses fondations. Parce que tout simplement l’amour est un cri, parfois douloureux et étouffé, souvent intense de vérité et de tendresse.
PARLE-MOI D'AMOUR de Philippe CLAUDEL
Mise en scène : Mogan PEREZ
Avec Caroline SILHOL et Philippe MAGNAN
Collaboration artistique : Leila MOGUEZ
Décors : Marie HERVÉ / Lumières : Emmanuel JURQUET / Son : Camille URVOY
A la PÉPINIÈRE THÉÂTRE - 7 rue Louis le Grand - 75002 PARIS / 01 42 61 44 16
Du 7 février 2017 au 31 mars 2017 - du mardi au samedi à 21h et samedi à 16h
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