Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Monter Eugène Ionesco nous semble toujours un pari audacieux. De nombreux écueils menacent ( l'incapacité à dépasser l'absurde qui imprègne les situations et les protagonistes, se complaire dans la facilité d'une mise en scène superficielle, se noyer dans la représentation des concepts...), Bernard Levy ne s'y est pas échoué. Au sein de cette scénographie en aquarium, Thierry Bosc à la voix rocailleuse et Emmanuelle Grangé à la fragilité désarmante nous offrent une partition de jeu tout en pudeur et d'une grande justesse.

"Les Chaises", c'est l'histoire d'un vieux couple qui décide de s'offrir un grand soir. Un soir pour revivre des souvenirs agréables, un soir pour dire adieu au monde, un soir de fête où est conviée une foule d'invités imaginaires à entendre leur chant du cygne. Ces deux-là dont la tendresse réciproque émeut ont choisi de mettre fin à une vie modeste -où l'on s'est contenté de peu mais où l'on a ri!- par une soirée d'exception. Elle, a sa robe qui commence à se fondre dans le papier peint, lui a la mémoire qui bégaie. Elle c'est Baucis ou presque..lui c'est Philémon. Ionesco dépeint avec délicatesse et sensibilité la vieillesse, reste lucide sur ses gouffres et la transcende par sa sagesse, sa robustesse et son courage. Des années que ces deux-là s'ennuient ensemble alors ils peuplent le salon d'une forêt de chaises, s'épuisent à faire vivre une maison qui ne vit plus... Leur histoire? Elle en a sa version, lui la sienne. Toujours. Ils soliloquent souvent mais ils s'aiment. Ça, c'est sûr. Mais d'autres interprèteront tout autre chose face à ces vieux en quête de sens. Car l'écriture de Ionesco ne se laisse pas pas emprisonner par la logique et l'univocité.

"Les Chaises" a des airs de quête existentialiste, poétique et absurde, et l'orateur que les deux vieillards attendent nous fait penser au Godot de Beckett. D'ailleurs il est muet, le comble pour un orateur dont on espère la parole avisée! Eugène Ionesco laisse grande ouverte la porte des hypothèses de lecture. Bernard Lévy rend un hommage sensible à cette plume théâtrale singulière, exprime avec pertinence le cauchemar du néant qui broie les êtres et l'on sort de ces Chaises aussi sonné qu'ému. La navigation entre rêve et réalité, entre enfance et monde adulte, entre conscient et inconscient, y est permanente.

[bt_quote style="default" width="0" author="Eugène Ionesco "]Le thème de la pièce n’est pas le message, ni les échecs dans la vie, ni le désastre moral des vieux, mais bien les chaises, c’est-à-dire l’absence de personnes, l’absence de l’Empereur, l’absence de Dieu, l’absence de matière, l’irréalité du monde, le vide métaphysique. Le thème de la pièce c’est l’évanescence, le rien, un rien qui se fait entendre, se concrétise, comble de l’invraisemblance . [/bt_quote]

Les chaises d' Eugene Ionesco
Mise en scène : Bernard Levy
Avec Thierry Bosc, Emmanuelle Grangé, Alexis Danavaras
Collaboration artistique : Jean Luc Vincent
Scénographie : Alain Lagarde
Lumières : Christian Pinaud
Création son : Xavier Jacquot
Costumes : Claudia Jenatsch

Dates et lieux des représentations:
- Du 28 au 30 novembre 2016  au Théâtre SortieOuest Béziers
- Le 3 décembre 2016  au Théâtre dans les Vignes
- Du 6 au 8 décembre 2016  au Théâtre Sorano à Toulouse
- Du 8 au 17 février 2017  au MC2 Grenoble, Scène Nationale

-Du mar. 26/03/19 au dim. 14/04/19 au Théâtre de l'Aquarium - Paris - Tel. +33 (0)1 43 74 99 61
- Du mer. 24/04/19 au sam. 27/04/19 à La Manufacture CDN Nancy-Lorraine - Tel. +33 (0)3 83 37 42 42

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