Musique cinématique et fantômatique : quand la Paloma nous offre un voyage dans le temps...
- Écrit par : Virginie Gossart
Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ A peine remis du court mais non moins intense concert des Cobalt Cranes, donné au Bada Bing (haut lieu nîmois de la musique alternative, de la fête au punch magique et des freaks) le 21 janvier dernier, c'est avec un certain enthousiasme que nous nous rendons à la belle Paloma pour aller voir Le Super Homard, Fenster, et surtout Jacco Gardner. Il faut dire que l'association Come on People n'a pas chômé cette saison pour aller nous dénicher des pépites indie-rock, et que son partenariat avec la Paloma dans le cadre des soirées "This is not a love night" et du festival "This is not a love song" semble s'enrichir année après année. Bref, on peut dire ce qu'on veut, Nîmes commence à avoir de plus en plus de rayonnement musical.
C'est le groupe Le Super Homard qui entre le premier dans l'arène. Projet solo de Christophe Vaillant (Pony Taylor, Strawberry Smell), cette nouvelle formation pop et psychédélique semble très influencée par Ennio Morricone, les High Llamas, Stereolab, ou encore Broadcast. Beaucoup de longs morceaux essentiellement instrumentaux, joués sur des claviers vintage, évoquent en effet les musiques de film et le souvenir de grands groupes de post-rock ou de krautrock aujourd'hui disparus. Mais Le Super Homard semble peiner à dépasser ces modèles et reste dans une imitation qui, nous semble-t-il, manque un peu d'âme et d'originalité.
Débarque ensuite le quatuor mixte des berlinois de Fenster : mélodies tout droit sorties d'un conte de fées moderne, harmonie entre guitares trémolos, percussions tactiles, douceur des synthés analogiques et voix mélodieuses... Malgré quelques couacs (comme un début de morceau avorté ou des effets sonores pas toujours réussis), le charme opère et l'on est assez vite transporté dans le monde imaginaire de ce groupe discret autant qu'efficace.
Mais celui que tout le monde attend au tournant ce soir, c'est Jacco Gardner. Après un premier album très remarqué (Cabinet of Curiosities), le jeune prodige néerlandais est considéré par beaucoup comme un nouveau Syd Barrett, tant les détours abstraits de sa musique expérimentale invitent à un voyage mental dans la meilleure partie des sixties et des seventies. L'engouement du public venu ce soir se mesure en effet à la rapidité avec laquelle la petite salle de La Paloma se remplit après le départ des Fenster. Alors que nous sommes à une place plutôt avantageuse et que nous avons la surprise de voir arriver sur scène un frêle elfe blond très sobrement vêtu, notre joie se teinte d'une certaine amertume. Deux molosses nous bousculent sans ménagement et viennent se "coller" littéralement devant nous, nous bouchant l'intégralité de la vue sur la scène. Ils portent deux blousons noirs identiques sur lesquels sont inscrits ces mots (pas si) sibyllins : "Loser's team". C'est la tuile. Par chance, après avoir rit bruyamment pendant les deux premiers morceaux et renversé la quasi intégralité de leurs verres de bière sur les gens à proximité, ils s'en vont, sans doute déjà lassés par ce qu'ils ont entendu. Preuve éclatante de la qualité de ce début de concert...
Celui qui se définit volontiers comme un songwriter plus que comme un performer va pourtant ce soir passer haut la main le test de la scène. Très bien accompagné par des musiciens solides et en place, le batave aux longs cheveux livre un set aérien, aux influences à la fois diverses et homogènes. Le concert fait la part belle aux morceaux de son dernier opus, Hypnophobia ("Find yourself", "Another you", "Hypnophobia") sans pour autant délaisser ses compositions plus anciennes ("Clear the air", "Puppets Dangling"). On retrouve en live ce qui nous avait déjà séduits dans ses albums : une troublante maturité, une musique au confluent de partitions classiques, de musique cinématique et des influences anglo-saxonnes des années 60 et 70.
Accompagnés d'une très belle projection d'extraits vidéo tantôt bucoliques, tantôt surréalistes, et d'images fantastico-gore qu'on croirait tout droit sorties d'un film de Dario Argento, les morceaux défilent et séduisent, faisant parfois du concert la bande originale d'un long métrage hermétique et hypnotique. Une mise en scène de l'audible propre à créer un style et un raffinement qui donnent envie de suivre le jeune Jacco Gardner dans ses prochaines pérégrinations sonores.
- Le 3 février 2016 - « This is not a love night » – Jacco Gardner + Fenster + Le SuperHomard - La Paloma - Nîmes
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