Les folies d'Offenbach : un spectacle lyrique à l'humour débridé !
- Écrit par : Dominique Flacard
Par Dominique Flacard - Lagrandeparade.com/ Prenez quelques grands airs de l'oeuvre d'Offenbach, ajoutez une imagination empreinte de références, confiez le tout à un chef d'orchestre dynamique, des chanteurs talentueux, des choristes impétueux, agitez, vous obtenez un spectacle truculent et joyeux.
Pour fêter le bicentenaire de la naissance du compositeur, les artistes, chef d'orchestre et metteur en scène, ont choisi de rassembler, dans une création intitulée « les folies d'Offenbach », les grands airs issus de la Vie Parisienne, des Contes d'Hoffmann, des Brigands, de la Belle Hélène, la Grande Duchesse de Gérolstein, La Périchole, Le voyage dans la lune.
L'unicité du lieu réunit des personnages, qui arrivent de livrets si différents, et ce lieu est une piscine. La fosse d'orchestre tapissée de carrelages blancs campe le bassin tandis que la scène représente les vestiaires, le guichet, les plongeoirs. Sur une trottinette apparaît une employée, tailleur strict et cigarette à la bouche, qui se précipite sur la machine à boissons avant de recevoir le public. Revêche et criarde, elle expédie plus qu'elle ne renseigne les amateurs de natation. L'orchestre expose alors l'ouverture, nous immergeant dans l'univers d'Offenbach. Une jeune femme, blouse à carreaux roses, balaie et nettoie lorsqu'entre en scène un homme en costume. Le maître nageur/ agent d'entretien arrache le dos de la veste, croyant avoir trouvé une serviette pour essuyer ses mains. Un trio masculin entonne l'air « votre habit a craqué dans le dos » extrait de la vie parisienne ce qui entraîne toute une série de gags, tandis que le choeur qui lit, tricote, confirme ce désastre. Le costume est réparé par l'employée qui fait des amabilités au malheureux. La piscine étant inutilisable car lavée à l'acide, le maître nageur organise des cours de secourismes. Il présente un mannequin sur lequel il expérimente le bouche à bouche après avoir longuement expliqué comment lui tenir le menton, la tête. Démonstration réussie puisque le mannequin prend vie et donne naissance à la ravissante Olympia, tout droit sortie des contes d'Hoffmann dont la voix légère vocalise avec souplesse . Une belle trouvaille pour renouveler la conception de cette scène. De même, l'air extrait des Brigands « Jadis, vous n'aviez qu'une patrie » est traité avec humour et se termine par une scène dans laquelle un chanteur campé sur les casiers, vêtu d'une tenue évoquant un footballeur agite le drapeau espagnol avec vigueur et enthousiasme .
Au burlesque s'opposent des passages intérieurs, poétiques. Ainsi la barcarolle extraite des contes d'Hoffmann est interprétée dans une lumière tamisée, intimiste par une mezzo incarnant une sylphide d'une pureté évanescente et une soprano/ sirène scintillante dans la pénombre : une interprétation vocale et scénique, de toute beauté, qui nous renvoie au merveilleux et aux rêves qu'il suscite. Cette scène s'enchaîne alors sur le questionnement de la Belle Hélène qui interpelle Vénus, campée par la jolie sirène blonde. Elle tient dans ses bras, une bouée jaune en forme de canard, qui figure le cygne Léda, son père. Cet accessoire utilitaire évite de tomber dans la sensiblerie. Le décalage permanent entre les émotions, les situations, chantées et jouées, apporte du relief aux liens qui se nouent entre les personnages et les inscrit dans l'actualité.
Un spectacle dévolu à Offenbach ne pourrait exister sans le célèbre cancan ! En peignoir de bain blanc, des mules de plastique aux pieds, le choeur et les chanteurs évoluent avec une grâce inhabituelle sur une rythmique dynamique interprétée avec rondeur et aisance par un orchestre euphorique. La scène du mariage est inévitable. Les personnages évoluent, se connaissent, s'apprécient. Le général Boum, Boum, de pacotille, se lie à la jolie masseuse dans une ambiance festive et joyeuse. Mais, la réalité les rattrape. La mariée retourne à sa fonction première : agent d'entretien tandis qu'il berce l'enfant issu de leur union, soldat déchu, souffreteux et aviné.
Impossible de citer tous les airs, les trios et choeurs qui constituent la trame du spectacle tant ils sont nombreux. Un regard détaché et lucide, pour chacun d'eux, croque des scènes cocasses et distanciées loin des clichés dixneuvièmistes. Les éléments du quotidien s'invitent et ancrent les situations dans l'actualité grâce à un certain désenchantement plein d'humour.
La scène du sommeil de la Belle Hélène est particulièrement réussie. Elle tranche sur les autres par son ambiance sombre : éclairage noir d'où le choeur, les comédiens et les chanteurs émergent masqués pour chanter « Pars pour la Crète » à un Ménélas inquiet. Située aux deux tiers du spectacle, elle apporte une touche de lyrisme et de grandeur, inattendue et bienfaisante pour le spectateur qui s'immerge dans une ambiance nouvelle, en contraste avec les scènes précédentes.
Excellent orchestrateur, esprit malicieux et moqueur, Offenbach est remarquablement servi par des chanteurs talentueux, expressifs et bons comédiens, un orchestre tout en rondeur, un choeur explosif et enthousiaste, une mise en scène farcie d'inventivité et de gags amusants, un jeu de lumière contrasté qui met en valeur les intentions, les situations, les émotions. Bref, une réussite revigorante que l'on vous invite à découvrir !
Bravo à tous, artistes et techniciens, qui ont travaillé par cette canicule, sans air conditionné puisque ce spectacle est donné dans un amphitéâtre en plein air ! De vrais moments de folies !!
Les Folies d’Offenbach
Direction musicale: Jérôme Pillement
Mise en scène: de Marion Guerrero
Avec les solistes :
Mélanie Boisvert Soprano
Antoinette Dennefeld Mezzo
Loïc Felix Ténor
Armando Noguera Baryton
Et
Les comédiens: Elodie Buisson et Julien Bodet
le Choeur de l'Opéra national Montpellier Occitanie et l'Orchestre national Montpellier Occitanie.
Nouvelle production Folies Lyriques
Dates et lieux des représentations:
- Du 2 au 4 juillet 2019 à l’Amphithéâtre d’Ô - Domaine d’Ô - Montpellier dans le cadre des Folies Lyriques 2019