Les sphères du paradis/ Camera delle Lacrime : un élan créatif qui questionne le spectateur
- Écrit par : Dominique Flacard
Par Dominique FLacard - Lagrandeparade.com/ Le festival « Les Marteaux de Gellone » se clôture sur un bel élan créatif avec « les sphères du paradis ». La Camera delle Lacrime offre sa lecture de la Divine Comédie, dans ce troisième volet du triptyque de Dante, après avoir créé « les Cercles de l' Enfer » en 2017, « la Montagne du Purgatoire » en 2018. Ce paradis est féminin ; les musiciennes, la comédienne encadrent le chanteur, Bruno Bonhoure et la chanteuse Caroline Dangin-Bardot, tous de blanc vêtus. Le choeur du paradis est constitué par une classe de sixième du collège du Pic Saint- Loup qui a travaillé ce répertoire au fil de l'année sous la houlette de leur professeure de musique, Agnès Guidicelli : un concert participatif qui permet à des enfants de s''immerger, par la pratique, dans les musiques du XIII ème siècle.
À travers leurs spectacles, Bruno Bonhoure, ténor et directeur artistique et Kaï-Dong Luong, dramaturge et directeur artistique, questionnent les auditeurs qui découvrent que les musiques médiévales, en l'occurrence des Laudes à la vierge du XIII ème siècle, leur parlent toujours, les touchent et les font vibrer. Luth, vièle, organetto, harpe romane, daf, tambourin carré accompagnent, soulignent et commentent les chants ainsi que le texte interprété avec une grande présence par la comédienne Camille Cobbi.
Des passages très émouvants ponctuent ce spectacle vivant qui est jalonné de citations des autres volets de la Divine Comédie et de références implicites. Le jeu sur les couleurs musicales, sur les mouvements corporels instaurent une ambiance éthérée. Lorsque la flûte émet des sons étranges, proches du clapotis , l'auditoire est plongé dans un univers irréel et onirique. À son arrêt, des claves prennent le relais et rythment la marche des enfants qui se répandent dans le public. Le dernier tableau est touchant par la force du silence dans lequel se déploient les gestes à l'unisson des chanteurs, musiciens, choristes tandis que la lumière s'estompe peu à peu ; on entend alors, la musique des corps. Le spectacle s'achève sur une évocation poétique : le texte disparaît pour laisser place à la vibration vocale. En effet, une vocalise interprétée, en dialogue, par le choeur, les deux chanteurs, la comédienne, accompagnés de l'organetto et de la vièle, flotte immatérielle et enveloppe toute la salle.
La liberté de ton est le sceau de la Camera delle Lacrime qui, par le jeu des correspondances, rend l'univers médiéval sensible et donc accessible au plus grand nombre. Ainsi, le chanteur n'hésite pas à extraire d'un chant, un tout petit passage qu'il arrange : la vocalise qui conclut le spectacle est, en effet, issue d'un chant du manuscrit de Manchester. A la manière d'un puzzle, il marie des fragments qui prennent sens de par leur confrontation. Lors de l''introduction, il farcit, à la manière médiévale, le spectacle d'un texte de St François d'Assise qui plonge l'auditoire dans un univers cosmique et mystique.
L'organetto dont joue Cristina Raurich est une pièce unique qu'elle a fait réaliser à partir de documents décrivant les tuyaux, la soufflerie, le clavier de l'instrument tel qu'il existait au XIIIème siècle . Sa sonorité, qui apporte de la matière, du grain, est incisive et emplit l'espace. Il est « le troisième chanteur du groupe » dit-elle. Quant au luth et la vièle joués par Stéphanie Petibon, ils apportent poésie, intériorité à l'instar de la voix du chanteur qui prend le supérius dans une nuance pianissimo tandis que la chanteuse reste dans le médium aigu, combinaison sonore de toute beauté.
Cette trilogie doit à présent tourner. Un film sera réalisé en septembre 2019. Dans certains lieux, elle sera produite sur trois ans, dans d'autres sur trois soirs. Une conception originale et émouvante !
Les sphères du paradis/ Camera delle Lacrime
Dates et lieux des représentations:
- Le 28 Mai 2019 dans le cadre du festival « Les Marteaux de Gellone » - Maison des choeurs de Montpellier
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site : www.lacameradellelacrime.com