Menu

En amont : Alain Bashung, voix immortelle

  • Écrit par : Serge Bressan

en amontPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une confidence : « L’album posthume était là, il ne demandait qu’à sortir ». Des mots glissés par Chloé Mons, chanteuse et dernière épouse d’Alain Bashung, mort en mars 2009 à 61 ans. Des mots pour évoquer « En amont », l’album posthume de l’éternel créateur et interprète de Gaby, ô Gaby, Ma petite entreprise ou encore Résidents de la République. En 2008, Bashung avait sorti « Bleu Pétrole », son douzième album studio. Nombre de chansons (une vingtaine) n’y avaient pas trouvé place- dont l’impeccable « Immortels » de Dominique A. La légende assure que celui qui sautait à l’élastique dans le Vercors ne se sentait pas inscrire un tel titre sur son album alors qu’il était en phase terminale d’un cancer des poumons…

Et là, près de dix ans après son départ à jamais, Bashung est de retour. « En amont », ce sont onze chansons pour une voix ressuscitée. Pour une fantaisie funéraire. Pour un Bashung en posthume trois pièces… Bashung, voix immortelle. Chloé Mons raconte : « Je savais qu’Alain avait laissé beaucoup de choses mais il m’a fallu quatre ans pour rassembler mon courage et un an pour tout écouter et sélectionner une vingtaine de chansons inachevées, la plupart en guitare-voix. Alain m’avait dit de faire vivre ses chansons. Le temps passe vite, les gens oublient vite. Beaucoup de jeunes ne le connaissent pas ». Alors, avec la maison de disques Barclay, est venu le temps de trouver qui pourrait réaliser et produire ce deuxième album posthume du poète rockeur. Fut évoqué Gaëtan Roussel qui avait réalisé « Bleu Pétrole »- il repoussa la proposition. Fut approchée Edith Fambuena qui avait travaillé sur « Fantaisie militaire » (1998) et « L’Imprudence » (2002), peut-être le meilleur album de Bashung. Elle refusa puis accepta, se justifie : « C’était une telle montagne… Si Alain n’avait pas voulu de ces chansons, il les aurait jetées. Alors j’ai accepté d’écouter quatre maquettes, et cela m’a fait du bien. Et je me suis dit que ça ferait aussi du bien aux gens. Et je me suis lancée ».
A ces maquettes guitare-voix laissées par Bashung, Edith Fambuena y a ajouté des ambiances musicales. Du rock, de l’arabo-andalou, du blues. Elle s’est souvenu d’une conversation, vingt ans plus tôt, avec le chanteur lui racontant avoir ressenti une illumination, une évidence lors d’un concert de Gene Vincent- elle savait alors quelle couleur donner aux onze chansons d’« En amont ». Onze chansons écrites par, entre autres, Dominique A (« Immortels » et « Seul le chien »), Raphaël (« Les Salines »), Daniel Darc (« Elle me dit les mêmes mots »), Joseph d’Anvers (« Ma peau va te plaire »), Mickael Furnon du groupe Mickey3D (« Montevideo »), Arman Méliès, Doriand (« Nos âmes à l’abri »)… C’est décharné, déchirant. C’est électrique, électrisant… Et subsiste alors cet écho d’« Immortels » : « As-tu pensé parfois / Que rien ne finirait / Et qu'on soit là ou pas / Quand même on y serait / Et toi qui n'est plus là / C'est comme si tu étais / Plus immortel que moi / Mais je te suis de près / Je ne t'ai jamais dit / Mais nous sommes immortels, immortels, immortels ». Une nouvelle fois, une dernière fois, conquistador suprême, Alain Bashung passe le Rio Grande, suggère à Joséphine d’oser et se lance dans la fantaisie militaire. Une nouvelle fois, une dernière fois, il s’est lancé « En amont ». Et le voilà ressuscité !

En amont
Interprète : Alain Bashung
Label : Barclay / Universal Music
Parution : 23 novembre 2018

bashugMystère et chemins de traverse…

Des mots pris dans la préface de l’écrivain Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992 pour « Texaco » : « Si sa voix nous reste, et les mélodies, et les refrains, de quoi peupler de longues nuits, et toute une vie, elle est comme un abîme qui nous dit que nous aurions dû l’aimer plus, et dans le vif de ses pupilles le lui dire en direct, et longtemps. Ce que la poésie contemporaine avait de plus inattendu s’en est allé… » Forte entrée pour « Alain Bashung, sa belle entreprise », livre en mots et photos signé Stéphane Deschamps, bon connaisseur du rock « à la française ». Voilà donc un beau livre, déroulé en noir, blanc et couleurs. Quatorze chapitres pour une vie de soixante-deux années de 1947 à 2009. Une vie de mystère et de chemins de traverse. Les pages défilent, les chapitres aussi avec de jolis titres : « Il était une fois dans l’est », « Gaby le magnifique », « Vertiges du succès », « L’imprudent des grands espaces » ou encore « Où subsiste ton écho »… On a là une histoire aussi complexe que romantique avec un chanteur furieusement discret. En 176 pages grand format, Stéphane Deschamps plonge dans la « belle entreprise » bashungienne- c’est d’autant plus passionnant que cette plongée a été réalisée avec l’aide et la complicité de la famille du chanteur, qui a ouvert une collection photos privée étonnante et jusqu’alors inconnue. Précision- d’importance : Deschamps est journaliste de suffisamment d’éthique pour ne pas succomber à toute « pipolisation » du sujet. Et c’est ainsi qu’« Alain Bashung, sa belle entreprise » est un livre-album indispensable pour tous et même pour les apiculteurs, tous happy…

Alain Bashung, sa belle entreprise
Auteur : Stéphane Deschamps
Editions : Hors Collection.
Parution : 18 octobre 2018
Prix : 29 €


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal