Christine and the Queens : Chris en cinquante nuances…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Enfin… Annoncé depuis mars dernier, il est enfin arrivé ce 21 septembre- comme pour boucler l’été. Il, c’est « Chris », le deuxième album de la Française Christine and the Queens- née Héloïse Letissier le 1er juin 1988 à Nantes.
L’événement a savamment été orchestré- un plan marketing comme rarement utilisé dans le monde (dans l’industrie, devrait-on plus précisément écrire) de la musique et du disque. C’était bien le minimum puisque « Chaleur humaine », premier album de la chanteuse- musicienne- auteure- compositrice et scénographe sorti en 2014, a été vendu à ce jour à 1,3 millions d’exemplaires (dont 850 000 en France). Revendiquant des influences allant aussi bien de Michael Jackson et David Bowie que des gangsta rappers de la côté Ouest des Etats-Unis, évoquant régulièrement l’écrivain français aussi maudit que sulfureux Jean Genet, la jeune femme a immédiatement insufflé un vent nouveau sur la pop « à la française ». Très vite, sa renommée a dépassé les frontières de l’Hexagone- la Grande-Bretagne, et plus particulièrement Londres où elle a passé de longs mois et côtoyé le monde des drag queens, la tient en haute estime ; les Etats-Unis l’accueillent avec enthousiasme et le magazine « Time » lui a même consacré sa « une »…
Autant dire et écrire qu’après un tel succès, le deuxième album se devait d’être au top du top ! Donc, c’est là que la machine marketing s’est mise en route. Et Christine and the Queens a laissé (temporairement ?) la place à Chris. De mars dernier à ce jour de la sortie de l’album Chris, la jeune femme a parlé. Beaucoup parlé. Entretiens dans la presse écrite. Apparitions à la télé, à la radio. Pour dire et redire que Christine and the Queens avait laissé la place à Chris. Et d’affirmer que ce n’était pas là un caprice de star, une foucade à la Prince qui a changé si souvent d’identité artistique (jusqu’au magnifique Love Symbol)… Non, Chris correspond à une évolution- non pas du personnage que l’artiste propose sur disque et sur scène, mais bien de cette entité Héloïse Letissier- Chris(tine and the Queens). Parce que, qu’on le comprenne bien, contrairement à un David Bowie (et son Ziggie Stardust), la jeune femme qui a étudié à l’Ecole Normale Supérieure à Paris ne se cache pas derrière un masque, un costume.
Ainsi, cet été en pleine promo de Chris, elle a lancé : « Je suis une femme phallique ». Revendiqué également sa pansexualité. Et mis en avant le transgenre et l’androgynie. Elle s’est plainte à maintes reprises qu’en séance d’interview avec la presse, on la questionne plus sur la sexualité que sur la musique et les chansons. Pourtant, en grande professionnelle de la maîtrise de l’exercice, c’est elle qui oriente le thème de l’entretien, emmène son interlocuteur sur le terrain qu’elle souhaite- et c’est ainsi que, durant ces six derniers mois, toute la communication de Chris(tine and the Queens) a porté essentiellement sur sa vie intime de femme. Chris, cinquante nuances… C’est bien elle qui confie, sans se faire prier : « Je me souviens d'une adolescence très embarrassée où j'avais beaucoup de désirs mais où je ne les vivais pas. Progressivement, je suis devenue quelqu'un qui vit les désirs et cela a changé beaucoup de choses », « Je pourrais être uniquement avec des femmes queer, avec qui on se comprend. Désirer un macho pour moi est une aberration, surtout qu'ils ont un rapport très ambivalent face à ma féminité. Mais l'altérité continue à m'exciter » ou encore « Déconstruire les codes, c'est dur pour tout le monde. Moi, j'ai pu reconstruire car j'ai été mise par terre en tant que jeune fille. J'ai épuisé la forme de la jeune fille, et puis j'ai composé autre chose. Mais parfois, on baisse les bras ».
Dans le plan de communication millimétré, la « femme phallique » revendiquée a tout de même été quelque peu bousculée. D’abord, pour une histoire de supposé plagiat parce que, pour le single Damn- dis-moi, elle a utilisé des boucles récupérées sur un logiciel (précision : des boucles libres de droit). Puis, pour un documentaire de dix minutes financé par Apple, et aussi pour sa présence dans un jeu télé où elle n’a guère semblé dans son élément. Enfin, pour son hyperprésence ces six derniers mois dans les médias tous genre (radio, télé et presse écrite tant populaire qu’« intello »…). Chris, la « queen of the pop » (un titre que lui a donné Madonna lors d’un concert parisien avec une fessée devenue légendaire), a-t-elle fait les bons choix ? Emportée par son art et ses convictions tant personnelles que philosophiques, la trentaine radieuse, elle lance : « J'ai envie d'être un « silver fox ». Ça va être un vrai défi aussi, de vieillir dans l'espace public…Je vais rester là, ils vont être obligés de me regarder, vieillir sous leurs yeux ». Nous voilà prévenu(e)s avant de se lancer dans l’écoute de « Chris », que la chanteuse nous présente comme « un album de crise, mais aussi d’éclosion. C’est un disque d’amour, de risques, de provocation ». Elle confie aussi: « J’aime le risque et la sincérité ». Des mots qui laissaient prévoir un nouveau choc, après l’engouement pour « Chaleur humaine »- son premier album paru en 2014 et multi-récompensé (« Je ne me suis pas laissée griser par la célébrité et l’argent, assure la chanteuse. Il peut y avoir un effet euphorisant mais je ne l'ai pas eu, j'étais dans l'œil du cyclone et le travail »). Cette fois, l’affaire a été doublement menée pour sortir, en simultané, une version française et une version anglaise pour la Grande-Bretagne et l’Amérique du nord.
Chris a remisé le tailleur-pantalon et les cheveux, aujourd’hui elle se présente chemise ouverte sur un débardeur, un anneau à l'oreille, une coupe courte qui souligne la mâchoire. « Chris », c’est aussi douze chansons pour la version française. En ouverture, « Comme si on s’aimait » suivie de « Damn, dis-moi » (entendue tout l’été) avec la participation de Dam-Funk- on entend : « T'appuies au hasard pour la faire jouir ». Du sexe, de la sexualité aussi sur la cinquième chanson, « 5 dollars »- dans le clip, on voit Chris en gigolo. « L'album est toujours une photographie assez fidèle d'où j'en suis, précise la chanteuse. Je suis dans une relation moins conflictuelle avec mes désirs et mon corps ». Saluée comme « le phénomène de la pop française » par Madonna et Elton John, la chanteuse nantaise a voulu « un album traversé de sentiments contradictoires et exacerbés, très épidermique, le son devait être à la hauteur ». Ainsi, elle a écrit les textes et élaboré les compositions sur des ordinateurs et des synthétiseurs dans son appartement de l’Est parisien et travaillé en Californie, à Los Angeles, sur une production vintage et synthétique rappelant les années 1980- 1990, Cameo (groupe funk US) ou encore Michael Jackson période « Dangerous ».
A l’écoute, « Chris » est un album parfaitement maîtrisé, sans fautes, d’une précision étourdissante. Quelques chansons- « La marcheuse » ou encore « Machin-chose », jouent la sensibilité, d’autres comme « Goya-Soda » sonnent très mécanique et une autre encore (« Bruce est dans le brouillard ») parait dopée à l’EPO rythmique des années 1980. Le tout est sec et blanc comme le couloir d’une clinique. Rien ne dépasse, pas une égratignure- comme chez un Michael Jackson au temps de sa splendeur. La faute à une production trop cintrée ? Oui, on aurait tant apprécié que Chris- même sans les Queens, ne réinvente pas seulement son allure physique…
Chris
Auteur : Christine and the Queens
Editions : Because Music
Parution : 21 septembre 2018
Prix : 14,99 €
Concerts
Concerts
Octobre 2018 : 11- Esch sur Alzette (Lux.), Rockhal / 12- Bruxelles, Forest National / 13- Amsterdam, Afas Live / 15- Berlin, ColumbiaHalle / 17- Stockholm, Nobelberget / 23- Seattle, The Showbox / 26- Oakland, Fox Theater / 27- Los Angeles, The Wiltern / 31- New York, Brooklyn Steel.
Novembre : 2- Philadelphie, Union Transfer / 4- Washington, 9:30 Club / 5- Toronto, The Danforth Music Hall / 11- Montréal, Place Bell / 17- Bournemouth, BIC / 20- Londres, Hammersmith Apollo / 23-Glasgow, Royal Concert Hall / 24- Edimbourg, Usher Hall / 26- Birmingham, O2 Academy / 27- Manchester, O2 Apollo / 30- Dublin, RDS Main Hall.
Décembre : 4- Nantes, Zénith / 5- Bordeaux, Métropole Arena / 6- Montpellier, Zénith Sud / 11- Genève, Arena / 12- Strasbourg, Zénith / 14- Lyon, Halle Tony Garnier / 15- Toulouse, Zénith / 18 et 18- Paris,
AccorHotels Arena.
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