"Manfred" de Part Company : un beau et mélancolique voyage indie pop pour la rentrée
- Écrit par : Virginie Gossart
Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Comment écrire sur la musique ? Difficile de lier les deux pratiques, tant elles semblent antinomiques. Parce que lorsqu'on aime un morceau ou une chanson, on n'a pas forcément envie d'expliquer le pourquoi du comment, de creuser l'indicible de la sensation qu'on éprouve. Périlleux exercice donc, surtout dans le cas d'un groupe dont les paroles sont en anglais – et pas toujours intégralement compréhensibles à l'écoute.
Pourtant, une chanson peut avoir une importance telle qu'on devient "autre" une fois qu'on l'a entendue, et qu'on ressent de ce fait même le besoin de coucher sur le papier le caractère à la fois beau et indéchiffrable de cette découverte.
"Babar", du groupe Part Company, fait partie de ces titres sur lesquels on a envie d'écrire parce qu'ils nous rendent différents. Ballade lancinante aux sons bruts et suaves à la fois, hommage classieux aux Stones de la meilleure époque, cette très jolie chanson, souvent entendue sur Radio Nova et ailleurs en 2011, nous avait déjà fait mettre une option sur le groupe Part Company, mystérieux duo qui opère la fusion entre Nice et Berlin.
Y.S est né et a grandi à New York, tandis que D.S, parisien d'origine, a passé une partie de son enfance en Australie. Ils se rencontrent sur les bancs de l'école à Lyon. Leurs chemins se séparent ensuite alors que l'un part pour Londres et l'autre pour Bogotá. Quelques années plus tard, les retrouvailles se font à Nice jusqu'au nouveau départ d'Y, cette fois pour Berlin, ce qui façonne définitivement le nomadisme et les multiples influences de leur création musicale. Repérés sous un autre nom via la plate-forme de découvertes des Inrocks, les deux globe-trotters signent chez Labelgum (qui produit entre autres Herman Düne, The Shoes, Sporto Kantes, Woodkid, ...)
Après la sortie de leur premier EP, "Babar", en 2011, ils nous reviennent en cette fin d'année 2016 avec un nouvel opus intitulé "Manfred", passé entre les mains du producteur anglais Luke Smith (Foals, Depeche Mode, Petite Noir, ...).
Le résultat ne nous rappelle que du bon : Deerhunter, Soft Machine, Kasabian. A la fois coloré (comme ce couple de perruches contemplant un paysage de montagne sur l'excellente pochette de l'album) et désabusé... Part Company évoque avec élégance – et une pointe d'amertume sans doute - ces mondes utopiques que nous créons dans notre esprit lorsque le spleen nous gagne, ces endroits imaginaires où l'on aime trouver un refuge éphémère. Les rêveries désenchantées des quatre morceaux de cet EP entrent donc parfaitement en résonnance avec la référence de son titre : Manfred Gnadinger était en effet un sculpteur et ermite allemand réfugié dans le petit village de Galice (région du nord de l’Espagne) où il menait une vie simple en s’occupant de son potager tout en pratiquant son art. Épris de liberté et fervent écologiste, il reste connu pour être l’auteur des premières œuvres de land art faites de galets, de sculptures et de tours mégalithiques dressées en bordure de mer. En novembre 2002, quand la marée noire du naufrage du Prestige détruisit toutes ses œuvres et l’écosystème aux alentours, Manfred sombra dans une profonde mélancolie. Un titre en forme d'hommage et d'écho, qui constitue une parfaite illustration du contenu de l'album à venir.
Part Company, "Manfred", EP sorti le 17.06.16
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