Carmen(s) : une ode à la tolérance et un merveilleux voyage dans l’altérité
- Écrit par : Imane Akalay
Par Imane Akalay - Lagrandeparade.fr/ Un visage d’enfant – au loin les arcades d’un bâtiment mauresque et quelques palmiers se découpant sur un coin de ciel bleu.
Sur une interprétation très librement inspirée du Carmen de Bizet, neuf femmes tout de rouge vêtues et sept hommes occupent la scène. Après une scène des cigarières et une habanera proches de la tradition, l’interprétation de livret de Meilhac et Halévy se fait de plus en plus fantaisiste, alternant chants a capella, mélodies inspirées des comédies musicales américaines des années cinquante ou de la variété internationale, en espagnol, anglais, coréen, japonais. Les danseuses passent du baile flamenco au charleston ou au classique voire font cohabiter le tout. Et les hommes pratiquent le break danse, plus souvent aux pieds des danseuses que sur leurs propres jambes. On vogue à travers les époques en toute liberté et dans une joyeuse cacophonie. C’est très divertissant mais l’on peine initialement à saisir la cohérence du propos.
La performance a lieu sur deux plans simultanément : en live avec les interprètes, et sur une splendide projection vidéo qui fait défiler des tableaux travaillés comme des photos anciennes, certains statiques, d’autres mouvants, mettant en scène les mêmes interprètes en gros plan. L’histoire se joue en parallèle sur ces deux plans. Ainsi, alors que Carmen et l’ouvrière qu’elle a défiée s’affrontent symboliquement sur le plateau, leurs doubles démultipliés s’agressent violemment à l’arrière-plan, à coups de poing, de pied et de couteau. Suivent une spectaculaire scène de tauromachie revisitée, des numéros de danse et de chants des plus hétéroclites, intercalés de témoignages enregistrés des danseurs sur ce que représente Carmen pour chacun d’entre eux. Alors que l’on est complètement perdus, apparaît à l’arrière-plan une projection d’hommes, de femmes et d’enfants assis sur une plage, visages impavides et regards perdus, enveloppés de couvertures grises, qui bouleverse l’atmosphère, fait basculer le public dans l’émotion. Et puis un homme entre en scène en jouant du ney, la flute de roseau des bergers du Moyen-Orient, sur fond discret de cris de mouettes. Alors tout s’éclaire : Carmen, c’est l’autre, c’est la femme ou l’homme qui est différent, insoumis, qui parfois fait peur et que l’on rejette. C’est l’homosexuel qui revendique le droit de vivre sa sexualité comme il l’entend. C’est la mère qui, en s’affranchissant des diktats d’un milieu traditionaliste, a permis à son fils de réaliser son rêve. C’est le migrant forcé à l’exode qui risque sa vie pour un monde meilleur. Carmen est racontée par les danseurs, à travers leur performance mais aussi par le biais de témoignages projetés en arrière-plan. On se laisse prendre avec enthousiasme et émotion dans ce fouillis multidimensionnel et multiculturel avec pour fil directeur l’humanité. Alors, numéros de percussions enflammés, chants coréens, solo de cornemuse du Golfe Persique, tout s’intègre en un bouleversant et joyeux melting pot. Et lorsque la performance prend fin, le visage de l’enfant réapparaît ; mobile, espiègle, il observe le public. C’est une petite fille.
CARMEN(S)
CHORÉGRAPHIE, SCÉNOGRAPHIE, CONCEPTION VIDÉO : José Montalvo
ASSISTANTE À LA CHORÉGRAPHIE : Joëlle Iffrig
ASSISTANT À LA CHORÉGRAPHIE FLAMENCO : Fran Espinosa
MUSIQUE LIVE : Ji-eun Park, Kee-ryang Park, Saeid Shanbehzadeh
MUSIQUE : Georges Bizet,
COSTUMES : Sheida Bozorgmehr assisté de Coumba Diasse
SCÉNOGRAPHIE LUMIÈRES : Vincent Paoli
SON : Pipo Gomes
COLLABORATEURS ARTISTIQUES À LA VIDÉO : Sylvain Decay, Franck Lacourt
INFOGRAPHIE : Sylvain Decay, Clio Gavagni, Michel Jaen Montalvo
CHEF OPÉRATEUR TOURNAGE : Daniel Crétois assisté de Andrès Gomez-Orellana
AVEC Karim Ahansal dit Pépito, Rachid Aziki dit ZK Flash, Éléonore Dugué, Serge Dupont Tsakap, Samuel Florimond dit Magnum, Elisabeth Gahl, RocÃo Garcia, Florent Gosserez dit Acrow, Rosa Herrador, Chika Nakayama, Ji-eun Park, Kee-ryang Park, Lidia Reyes, Beatriz Santiago, Saeid Shanbehzadeh, Denis Sithadé Ros dit Sitha
PRODUCTION : MAISON DES ARTS DE CRÉTEIL.
COPRODUCTION : CHAILLOT – THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE / LES THÉÂTRES DE LA VILLE DE LUXEMBOURG / THÉÂTRE DE CAEN/FESTSPIELHAUS ST. PÖLTEN -REMERCIEMENTS AU NATIONAL THEATER OF KOREA
Crédits - Photo : © Patrick Berger
Dates et lieux des représentations:
- Du 1er au 23 février 2018 au Théâtre National de la Danse de Chaillot ( Paris)
- Les 16 et 17 mars 2018 au Grand Théâtre de Provence ( 380 Avenue Max Juvénal, 13100 Aix-en-Provence)
- Du 21 au 24 mars 2018 au Théâtre de Caen - Tel. +33 (0)2 31 30 48 00
- Le 19/10/2018 au Théâtre Sartrouville / Yvelines - CDN - Tel. +33 (0)1 30 86 77 79
- Du mar. 06/11/18 au mer. 07/11/18 Ã la Maison de la Culture d'Amiens - Tel. +33 (0)3 22 97 79 77
- Le 04/12/2018 Ã Le Carreau - Forbach - Tel. +33 (0)3 87 84 64 34
- Du mar. 22/01/19 au jeu. 24/01/19 - Bonlieu Scène nationale - Annecy - Tel. +33 (0)4 50 33 44 11
- Du ven. 29/03/19 au sam. 30/03/19 au Théâtre de Cornouaille - Quimper - Tel. +33 (0)2 98 55 98 55
- Du mer. 05/06/19 au ven. 07/06/19 à la MAC - Maison des Arts et de la Culture de Créteil - Tel. +33 (0)1 45 13 19 19
- Les 22 et 23 janvier 2020 au Corum de Montpellier dans le cadre de la programmation de Montpellier Danse
"Une récréation chorégraphique, pétillante et sautillante, où les cultures fusionnent avec une énergie revigorante. Virevoltante, rieuse et universelle, cette Carmen séduit par ses sautes d'humour et d'humeur, sa sensibilité émouvante et ses couleurs aussi pétaradantes que les talons qui martèlent vigoureusement le plateau. Eloge de la diversité, cette pièce pleine d'originalité rend hommage à la Liberté que cette légende féminine incarne avec panache. L'amour est de tous les sangs et de toutes les couleurs et pour le prouver, les baskets, les talons, les voix et les instruments se répondent en une célébration où fusionnent avec brio tradition et modernité!" ( Julie Cadilhac)