Bacchantes : quand l'ubris décolle sur le Boléro de Ravel
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Accueil en fanfare. Allergiques aux cuivres et aux percussions avertis, ça va déménager ce soir! Sur le plateau, des techniciens, des musiciens et des comédiens sont déjà en proie à des logiques de déambulation et d'agissement qui dysfonctionnent. Fond de scène blanc lumineux sur lequel tranchent déjà la silhouette des micros, le corps des pupitres et les couleurs flashy des gants Mappa.
La folie dionysiaque s'empare du plateau avec l'arrivée d'un fessier-chanteur au look hippie. Baguettes frappées, sirènes retentissantes, grimaces à moustaches. Un premier ballet délirant s'impose dans une ambiance à mi-chemin entre le jazz et le reggae. Toutes les partitions musicales de ces Bacchantes sont immédiatement à saluer pour leur géniale diversité et modernité. Le travail chorégraphique de Marlène Monteiro Freitas, quant à lui, est tout simplement bluffant. Jouant sur le détournement d'objets ( vous n'imaginez tout ce que l'on peut faire avec un pupitre!), les jeux de scène, les lignes de perspective, les manières de se déplacer, les expressions des visages, elle donne à voir des êtres possédés dont les corps sont saisis de transe irrépressibles; ils s'emballent et se délivrent aux battements du tempo des percussions. Embarquement immédiat du public dans ce cortège hystérique grâce à l'énergie délirante et communicative dont font montre les artistes. Clowns-danseurs inquiétants accompagnés de musiciens auxquels il manque une case mais qui doublent leurs mouvements grâce à d'ingénieux bruitages, le programme proposé est aussi varié que loufoque : chevauchée épuisante, journée de travail à pianoter sur le clavier, pédalage en règle..on ira même jusqu'à faire des haltères avec une trompette! Ô combien de séquences géniales à louer ! Le chœur lyrique antique piqué de cris stridents - par exemple. Lyrisme délirant qui se délite, se désinhibe et s'autorise toutes les excentricités. Bruits de forêts, échos à la nature sauvage. Ces pupitres sont-ils des thyrses? Tout est concevable. Arrêt sur image et contrepoint gigotant à vélo. Ça pédale grave. Le public est comme invité à lâcher prise, à rire même d'une nervosité qui frôle l'exaspération parfois et l'impatience..pour faire l'expérience sensible -peut-être - de la dérive et des folies des Bacchantes. Projection vidéo qui secoue : l'orgueil d'une mère et le sacrifice d'un fils. La danse des mains d'un chef d'orchestre apaise l'ubris. Débute alors une battle géniale de sons étranges en harmonie, grognements, glougloutements, voix de gorge, rots, cris d'animaux, cris de jouissance.
L'acmé de cette création résidant en le Boléro de Ravel délirant qui clôture ce feu d'artifice de trouvailles. La nature s'incarne littéralement dans le corps des danseurs qui font naître d'étranges oiseaux, des scènes de danse où chasseur et proie s'ébattent sur le même tempo, les flûtes traversières s'envolent avec les becs, les cols s'engorgent, les ailes s'ouvrent et l'on s'envole dans cette extraordinaire réinterprètation.
D'une vitupérante modernité, ici ça pousse l'idée jusqu'à Dionysos sur le dancefloor. Véritables performers, les artistes font naître de surprenants bestiaires, conçoivent de superbes tableaux d'une curiosité excitante. Marlène Monteiro Freitas décline l'excentricité sur le thème des Bacchantes avec brio. Une création aussi foisonnante d'imagination que profondément investie. Si tout part de la tragédie grecque d'Euripide dans laquelle Dionysos retourne à Thèbes, sa patrie et se venge de ses tantes et du roi Penthée, l'artiste s'en affranchit ensuite pour réinventer sa propre vision du culte dionysiaque. Né de la cuisse de Jupiter, ce dieu marginal, intrinsèquement plus proche des hommes que ses homologues, est lié tout à la fois à la régénération, à l'ivresse et à l'extase, et au théâtre...on lui rend ici un hommage vibrant de sucs vitaux et de féconde imagination. Marlène Monteiro Freitas, en compagnie de Dionysos Bromios ( au bruyant cortège) a imaginé une chorégraphie théâtralisée retentissante, et qui, comme son inspirateur divin, offre des résurrections délicieuses! Bravo !
Bacchantes - Prélude pour une purge
Chorégraphie : Marlene Monteiro Freitas
Avec : Andreas Merk, Betty Tchomanga, Cookie, Cláudio Silva, Flora Détraz, Gonçalo Marques, Guillaume Gardey de Soos, Johannes Krieger, Lander Patrick, Marlene Monteiro Freitas, Miguel Filipe, Tomás Moital, Yaw Tembe
Lumière et Espace : Yannick Fouassier
Son : Tiago Cerqueira
Tabourets : João Francisco Figueira, Luís Miguel Figueira
Recherche : Marlene Monteiro Freitas, João Francisco Figueira
Production : P.OR.K (Lisbonne, PT) - Bruna Antonelli, Sandra Azevedo
Distribution : Key Performance (Stockholm, SE)
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2017, TNDMII (Lisbonne), Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), steirischer herbst festival (Graz) & Alkantara (Lisbonne) avec le soutien du NXTSTP - Programme Culture de l´Union européenne; NorrlandsOperan (Umeå); Bonlieu Scène nationale (Annecy) & La Bâtie-Festival de Genève (Geneva) dans le cadre du soutien FEDER du programme Interreg France-Suisse 2014-2020, Teatro Municipal do Porto (Porto), Le Cuvier – Centre de Développement Chorégraphique (Nouvelle-Aquitaine), HAU Hebbel am Ufer (Berlin), International Summer Festival Kampnagel (Hamburg), Athens and Epidaurus Festival (Athènes), Münchner Kammerspiele (Munich), Kurtheater Baden (Baden); SPRING Performing Arts Festival (Utrecht), Zürcher Theater Spektakel (Zurich); Nouveau Théâtre de Montreuil – centre dramatique national (Montreuil), Les Spectacles Vivants / Centre Pompidou (Paris)
Avec le soutien, pour les résidences, de TNDMII (Lisbonne, PT), O Espaço do Tempo (Montemor-o-Novo, PT), Montpellier Danse à l’Agora, cité internationale de la danse, Bonlieu Scène nationale Annecy (Annecy) ; Le Cuvier – Centre de Développement Chorégraphique (Nouvelle-Aquitaine); ICI - centre chorégraphique national Montpellier / Occitanie - Direction Christian Rizzo - dans le cadre du programme de résidence Par/ICI
Remerciements : Alain Micas, Bruno Coelho, Christophe Jullian, Louis Le Risbé, Manu Protopopoff ; ACCCA – Companhia Clara Andermatt (Lisbonne, PT); Escola Superior de Música de Lisboa, Escola Superior de Teatro e Cinema
Dates et lieux des représentations:
- MONTPELLIER - Les 29 et 30 juin 2017 à l'Opéra-Comédie - Festival Montpellier Danse 2017 ( 34)
- ATHENS (Athens and Epidaurus Festival) | 05-06 Jul 2017
- HAMBURG (Kampnagel - Internationalen Sommerfestivals) | 24-26 Jul 2017
- ZURICH (Theater Spektakel) | 29-30 Aug 2017
- GENEVA (La Bâtie - Festival de Genève) | 02-03- Sept 2017
- GRAZ (Steirische Herbst Festival) | 06-07 Oct 2017
- BERLIN (HAU - hebbel am ufer) | 13-14 Oct 2017
- BORDEAUX (TNBA) | 18-19 Oct 2017
- BADEN (Kurtheater Baden) | 18 Nov 2017
- MUNICH (Münchner Kammerspiele) | 25-26 Nov 2017
- ANNECY (Bonlieu - Scène Nationale) | 05-06 Dec 2017
- PARIS (Centre Georges Pompidou) | 13-16 Dec 2017
- MONTREUIL (Nouveau Théâtre de Montreuil) | 18-21 Dec 2017
- UMEÅ (Norrlands Operan) | 25 Dec 2017
- TARBES (Le Parvis, Scène Nationale Tarbes Pyrénées) | 02 Feb 2018
Crédit-photo : Filipe-Ferreira