Parades & Changes, replay in expansion : l'indispensable singularité de l'être
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Cette pièce, créée en 1965 par la chorégraphe américaine Anna Halprin et le compositeur Morton Subotnick, a été interdite aux Etats-Unis pendant 25 ans pour cause de nudité. En 2017, lorsqu'on voit encore sortir de nombreux spectateurs d'une salle française, l'on se dit qu'un long chemin est encore à parcourir et l'on réalise l'importance que les scènes continuent de pouvoir contribuer à ouvrir les esprits et à distiller des messages de tolérance et de liberté. Parenthèse terminée mais nécessaire dans un contexte d'élections aussi troublé.
Anne Collod a voulu redonner vie à cette oeuvre historique avec la collaboration d'interprètes-chorégraphes et de circassiens. Cette pièce est remarquable pour sa liberté enthousiasmante et sa poésie intrinsèque. Elle débute par des "Je me souviens" à la Pérec, concerto de voix en jeux, se poursuit par un concert de talons qui martèlent le sol, invite ensuite l'oeil à d'étonnantes rencontres, embrassades et portés. On en retient plusieurs tableaux aussi hétéroclites que faisant un tout qui fait sens. Celui notamment où s'improvisent en allées parallèles un étrange défilé de figures excentriques durant laquelle des objets provenant d'univers très différents s'empilent, s'échangent et offrent d'étonnantes compositions. Au dessus de ces êtres hybrides à tête de tuyau d'arrosage ou encore de papier mâché, trône en suspension un globe éclairé. Jeux esthétiques sur l'horizontalité et la verticalité, mélange de couleurs, on regarde ces parallèles de trajectoires surprenantes où l'individualité, comme donnée universelle, se dessine. Accumulations et oxymores, invitation au lâcher-prise pour devenir le spectateur de fulgurances poétiques extravagantes, tableaux surréalistes mouvants. Sans cesse, le propos oscille du singulier à l'uniformisation, nous rappelle combien l'humain est un mélange complexe d'envie de se démarquer et de nécessité de fusionner avec l'autre. Soudain, par un jeu collectif d'improvisation bien orchestré apparait un mohican à figure de singe ou encore une paysanne des campagnes boliviennes...Monstres fascinants constitués d'objets enchevêtrés. Ou encore le tableau circassien où une tour infernale en acier étourdit des âmes en escaliers.
Dans "Parades & Changes", la connivence avec le public est sans cesse recherchée par le biais de l'humour ou de la proximité. Les performers descendent dans l'orchestre, sortent même dans la rue tandis que le processus de fabrication s'expose au regard. Tout se monte et se démonte sur scène. Le spectateur ne voit pas seulement le résultat mais la continuité du processus, de la genèse à l'acmé. Le lieu de représentation devient lui-même un élément de scénographie que l'on utilise avec ses spécificités.
La pièce s'achève sur une scène de déshabillage superbe. Sur le devant de la scène, les interprètes, l'oeil perdu dans le vague, se mettent à nu, chacun avec une succession de gestes différent. Avec autant d'élégance que de gravité. Ils s'exposent puis se revêtissent dans un ralenti calculé. Renouvelle ensuite le processus en miroir. On reste saisi par l'implication nécessaire et la beauté de cette éloge de la diversité. Il y a des nus au théâtre qui ont du sens et de la classe, préservons-les!
ANNA HALPRIN MORTON SUBOTNICK ANNE COLLOD & GUESTS
PARADES & CHANGES, REPLAY IN EXPANSION
CONCEPTION ET DIRECTION ARTISTIQUE : ANNE COLLOD
EN DIALOGUE AVEC ANNA HALPRIN ET MORTON SUBOTNICK
DANSE : SHERWOOD CHEN, ANNE COLLOD, GHYSLAINE GAU, SASKIA HÖLBLING, LAURENT PICHAUD, PASCAL QUENEAU ET FABRICE RAMALINGOM
CIRQUE : IGNACIO HERRERO-LOPEZ, ERIC LECOMTE ET CHLOÉ MOURA
Dates et lieux des représentations:
- Du 27 avr 2017 au 28 avr 2017 au Centre Pompidou
- Le 3 mai 2017 19H au Théâtre Bernadette Lafont - Nîmes ( 30)
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