F(r)iction : quand la 30ème promotion du CNAC se lance dans la vie professionnelle
- Écrit par : Victor Waque
Par Victor Waqué - Lagrandeparade.com/ F(r)iction est le spectacle de fin d’études de la 30ème promotion du prestigieux centre national des arts du cirque (CNAC). Moment où chaque artiste exprime toute sa sensibilité, c’est le couronnement d’une formation unique. Celui d’un groupe de jeunes talents du cirque. Qui préparent demain.
Le CNAC est l'une des plus grandes écoles de cirque contemporain du monde. Elle forme des étudiants qui viennent des quatre continents, après un concours extrêmement exigeant. L’école permet d’obtenir le « diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque » délivré par le ministère de la culture et de la communication. Surtout, elle permet à chaque étudiant de développer un bagage solide et étendu dans le domaine de l’art vivant ; du théâtre à la danse. C’est aussi le lieu pour démultiplier sa créativité autant que sa technique. Pour devenir un artiste unique. Plus encore, elle ouvre des portes dans le monde professionnel pour débuter une belle carrière. Ainsi la plupart de ces jeunes, qui vont pendant trois mois présenter « F(r)iction » en France, ont déjà des projets artistiques programmés pour la suite. Seul ou avec une compagnie.
Cette année, ce sont Antoine Rigot et Alice Ronfard qui ont accompagné les étudiants à la construction de leur spectacle. Un défi jamais évident car sous couvert de s’investir dans un propos artistique, doivent s’y intégrer les spécialités de chacun d’une part, leurs univers d’autre part. Tous évidemment différents. Cela donne un spectacle parfois hétéroclite, où la douceur et la lenteur succèdent à des cris de hard-rock, pour aborder la question du genre et de l’égalité entre les sexes. Au delà du thème abordé, nombreuses sont les images éblouissantes.
Cet émerveillement survient particulièrement lors des numéros individuels. Cette jeune femme à la souplesse incroyable, qui danse dans des positions impossibles. La trapéziste qui se lance dans le vide, se rattrape au dernier moment, la tête en bas, avec les pieds. La joie de voir en banquine ces garçons s’envoler à plus de 5 mètres de haut, pour projeter l’autre dans des rotations multidirectionnelles. Encore, en bascule coréenne le voltigeur est projeté avec virtuosité, donnant toute sa confiance dans son massif porteur qui l’attrape par les mains, les pieds, pour l’envoyer dans tous les axes imaginables. Les exemples sont nombreux ; chaque artiste montrant toute sa maîtrise à partir de l’exploit pur, comme nous l’avons vu plus haut. Par des images fines et précises aussi. A l’image de ce duo onirique sur mat chinois. Les deux circassiens dialoguent avec leur corps, jusqu’à marcher sur le mat comme un astronaute le ferait sur la lune : en toute légèreté. C’est bien là toute la subtilité du cirque que de créer toujours, de surprendre encore. Si l’on croit que tout a déjà été fait, les étudiants du CNAC nous prouvent qu’ils ont un florilège d’idées pour nous surprendre et nous faire rêver. Sans toujours se restreindre aux objets classiques du cirque contemporain. Ils les mêlent, à l’instar du sublime mélange du fil de fer avec le mat chinois. Plus encore ils s’éloignent des sentiers battus, comme ce jeune homme chaussé de rollers qui se balance à une corde jusqu’à s’envoler, ou encore cette artiste au solide chignon qui se retrouve pendue par les cheveux, jouant avec les déséquilibres. Des univers originaux qui tracent de nouvelles lignes sur la piste sans fin de ce qu’est le cirque.
Cette promotion ne contient pas de jongleur, ni de clown ou encore de magicien. Un choix de la formation ? Un hasard contingent ? Peut-être que des familles circassiennes s’essoufflent tandis que la roue Cyr ou les acrobaties au sol ont le vent en poupe ?
Déjà 30 ans que le CNAC forme des artistes. 30 ans que chaque promotion propose un spectacle de fin d’étude. Certains ont marqué l’histoire du cirque à l’instar du « Cri du Caméléon » dirigé par Josef Nadj en 1996 qui annoncera le nouveau cirque. Avec « F(r)iction c’est à nouveau l’occasion de se poser une question excitante : il ressemblera à quoi le cirque de demain ?