SOS Terre & Mer : pour que la solidarité ne soit pas qu’un mot
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ SOS Terre & Mer : pour que la solidarité ne soit pas qu’un mot, auteurs et illustrateurs se sont mobilisés pour nous proposer une anthologie de haut niveau, où la fiction concourt à mieux comprendre la réalité. "
SOS Terre & Mer est une anthologie humanitaire en faveur des réfugiés. Elle répond à un besoin, mais aussi à une question que devrait se poser tout citoyen responsable : est-il possible de laisser des milliers de personnes se noyer aux portes de l’Europe sans rien faire pour les arracher à la mort ? La réponse est « non » pour tous ceux qui s’activent en Méditerranée afin que l’inacceptable ne soit pas accepté et qui soulignent l’évidence que feignent d’ignorer nos gouvernants : chaque vie mérite d’être sauvée, parce que chaque vie compte. La réponse est également « non » pour tous les artistes-auteurs qui ont collaboré à ce projet en donnant le meilleur d’eux-mêmes et de leur talent pour que cet ouvrage voie le jour. Tous les bénéfices sont reversés à SOS méditerranée, qui affrète l’Aquarius.
SOS Terre & Mer rassemble 15 nouvelles et 15 illustrations pour un livre de grande qualité et un geste concret de solidarité.
Au sommaire, on trouve Nathalie Dau, avec "Bec", un texte qui raconte la fuite d’un esclave métamorphe, qui retrouve ceux de sa race et va tenter de s’en faire accepter. Très bien écrit, il parle de tolérance, d’acceptation avec beaucoup d’empathie.
"Le Roi en espadrilles" de Brice Tarvel est assez convenu dans son histoire, mais la plume de l’auteur offre un beau moment d’émotion en relatant le parcours d’un migrant.
Plus martial, Jean-Philippe Jaworski est aux manettes de "Ils périront sur les plaines de Mimante", un récit qui allie sensibilité et batailles épiques, dans une atmosphère antique.
"La fête à Neuneu" de Dominique Douay est une nouvelle attachante, dont le personnage principal, un pauvre type affecté à une tâche ingrate, se révèle bien plus profond qu’il n’y paraissait de prime abord.
"Firmin le lapin" de Robert Darvel jour la carte de l’humour et des clichés pour dénoncer l’indifférence.
Le space op’ de Julien Heylbroeck, "Les Xhyles", démontre, s’il en était besoin, que les préjugés sont d’abord et avant tout, une méconnaissance de l’autre, et la projection de nos peurs. La confiance apporte de bien plus grandes joies !
"Énéide des faés" de Stefan Platteau : ce ne sont pas seulement les hommes et les femmes qui fuient l’Afrique dévastée, mais les esprits aussi, et la magie. En Europe, s’ils sont confrontés à la crainte et au rejet, ils croiseront également la magie d’ici. Un beau texte poétique et très réaliste.
"Le peintre" de Guillaume Parodi est une nouvelle courte, assez percutante, où l’étrange talent d’un homme pour un dessin d’un genre un peu particulier le place dans des situations douloureuses.
"Le Quantique des souffrances" de Nicolas Le Breton renoue avec la SF, pour un récit classique, très bien écrit.
Coup de cœur pour le texte de Nelly Chadour, "L’oie sauvage". Omar est un pauvre clochard, qui survit plus qu’il ne vit, avec Félix, son copain chat, la lumière de son existence. Lorsqu’il croise le chemin d’un groupe de migrants en fuite, harcelé par les flics, il assiste à des scènes incroyables, où son chat joue un grand rôle. Drôle, touchant, plein de poésie, c’est une très belle nouvelle, parfaitement maîtrisée.
La lecture se poursuit avec un second coup de cœur : "Le refuge de l’autre" de Dominique Warfa. Silhouette est une réfugiée, une réfugiée d’un monde très lointain, bien au-delà des étoiles. Sa rencontre avec des laissés-pour-compte, des pourchassés qui risquent chaque jour leur vie dans une société de plus en plus extrémiste est présentée avec subtilité, esquissant au fil des mots les liens qui se nouent entre étrangers bienveillants, tandis que la plume se fait acerbe pour dépeindre ceux qui prospèrent sur la haine et le rejet.
Et un troisième coup de cœur vient compléter le tableau, avec "La porte des éléphants" de Bruno Pochesci. Un vieil homme pleure la disparition des éléphants, en Afrique. Sa petite-fille fuit la misère avec sa maman, puis les persécutions en Italie lorsque ce pays sombre dans un régime fascisant. Sauvée par miracle, elle va son chemin. Les années passent, et la boucle sera bouclée quand la petite fille, devenue généticienne, parviendra à redonner vie aux majestueux pachydermes, au pays de ses ancêtres. Ode au métissage, aux croyances ancestrales et à l’espoir, on y retrouve la plume très imagée de l’auteur, saupoudrée d’une belle touche de sensibilité.
L’anthologie se poursuit avec "Le filet du pêcheur" de Ketty Steward, une dystopie où les frontières ont été hermétiquement fermées et où les migrants sont désormais « de l’intérieur », un court récit très percutant. Et enfin, "Les Gardiens de phare" ont disparu de Christine Luce, un joli texte poétique qui clôt sur une note douce-amère l’ouvrage.
Saluons le beau travail d’illustration qui a été réalisé par Amandine Labarre, Hélène M. Larbaigt, Melchior Ascaride, Philippe Caza, Frédéric Grivaud, Arnaud « Maniak » Schilling, Joseph Vernot, Willozz, Jeam Tag, Tanxxx, Christine Luce, Cindy Canévet et Émilie Fitz, avec une mention toute spéciale pour Jef Benech (dernier domicile connu) et pour Cassandre de Delphes et sa superbe illustration de la nouvelle de Bruno Poschesci.
SOS Terre & Mer
Anthologie
Éditions : Flatland
Parution : 3 décembre 2018
Prix : 14 €