Le Horla de Frédéric Gray : une adaptation de la nouvelle de Maupassant qui entraîne dans les affres et angoisses de l’âme humaine
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Guy de Maupassant écrit Le Horla en 1886-1887, six ans avant sa mort. Il souffre depuis de nombreuses années de syphilis, maladie dérivant vers la folie.
Victime d’hallucinations, à la fin de sa vie, reclus, suicidaire, il meurt à l’âge de 43 ans. Le Horla trouve son origine dans la nouvelle, Lettre d’un fou qu’il avait publiée, sous pseudonyme, l’année précédente. Le texte, à la première personne, fleure l’autobiographie. Le protagoniste est, comme l’auteur, un homme issu de la bourgeoisie aisée (domesticité et domaine en font foi) qui cède, peu à peu, à une obsession se matérialisant bientôt en hallucinations sonores et tactiles. Ce journal, ponctué de dates précises, égrène les étapes d’une psychose empirant entre deux phases de sérénité et d’euphorie, jusqu’à la chute tragique. Le Horla est l’un des tous premiers écrits qui, s’appuyant sur les avancées scientifiques (hypnose notamment) explore les tréfonds de l’esprit humain, d’aucuns parleront d’âme, mêlant l’évidence médicale aux phénomènes fantastiques inexpliqués. Ces êtres du dehors (hors là ?) peupleront par la suite les écrits d’un Lovecraft, puis d’un Stephen King. La déchéance de cet homme, amoureux de la vie, noceur, qui sent, en moins de six mois, se matérialiser sa folie en un invisible ennemi, en devient déchirante. Troublante également pour le lecteur-spectateur, confronté à l’intimité du Je employé par l’auteur, qui tend à l’identification. Cette adaptation à la scène donne, au texte, toute sa force inquiétante.
Frédéric Gray - qui a adapté et mis en scène le texte - a su ne pas céder à la tentation de l’ellipse, conservant la richesse de la langue de Maupassant, dont chaque mot pose une pierre de l’édifice d’une folie gagnant progressivement le personnage. Guillaume Blanchard qui joue, tout en nuances, le narrateur est secondé par Olivier Troyon et Frédéric Gray, en alternance, qui endossent le rôle des autres protagonistes que cite l’auteur de la confession (médecin, cocher, moine et même une cousine). Ces subalternes inquiétants comme le serait le moine de Lewis, le docteur Caligari, ou le cocher d’un Dracula, soulignent l’horreur que vit l’homme en butte à un esprit malin né de son esprit malade. Les éléments de décor (cadres vides et table de nuit en suspension) confèrent, tour à tour, au récit l’aspect évanescent du rêve d’une vie heureuse et sans nuages virant au cauchemar. Tout y est suggéré : les cadres sont la fenêtre de la garçonnière, ou bien le miroir dans lequel fondent visage et corps, et enfin les murs s’amenuisant d’une prison mentale dont ne sortira plus le narrateur. La justesse du jeu des comédiens, la bande sonore et les éclairages, établissent, avec le décor, les différents lieux, puis les ondes et bruits et éclairs traversant le cerveau de l’homme en souffrance, qui glisse du doute à la paranoïa. Ce Horla présente une dédicace fidèle et passionnante de l’œuvre de Maupassant. Une parfaite réussite, donc.
Le Horla
Auteur : Guy de Maupassant
Adaptation et mise en scène : Frédéric Gray
Avec Guillaume Blanchard, et en alternance, Frédéric Gray, Olivier Troyon
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 26 janvier 2025 à A la Folie théâtre, Paris 11e (01.43.55.14.80.), les jeudis, samedis et dimanches
- 6 février 2025 au Théâtre du Dôme, Saumur
- Du 11 au 16 février 2025 à L’Ane vert, Fontainebleau
- Du 28 au 30 mars au Théâtre Beaux-Arts Tabard, Montpellier.